Quelle définition donnée aux métiers du Design interactif ?

De par leur nature évolutive, les nouveaux métiers du design n'ont pas eu pendant longtemps de définition satisfaisante. Quelques pistes de réflexion pour une nouvelle approche.

Depuis l'avènement du design numérique, au début des années 1990, la terminologie des métiers est demeurée profuse, reflétant en cela la grande diversité des pratiques qui lui sont rattachées. Ce "nuage de nouveaux métiers" qui s'est progressivement condensé pour former une culture du design numérique aujourd'hui très autonome tout autant qu'influencée par d'autres médias permet de dénombrer plus d'une centaine d'expertises et de spécialisations.

Dans l'émergence du nuage et le recensement de ses particules, nous avons observé le métissage et l'évolution des métiers, rencontré des creative hydras (un animal mythologique à plusieurs têtes représentant une nouvelle génération de designers) et assisté à l'émergence d'une quantité de nouveaux métiers : Second Life Builder ou Second Life Developer, Widget designer ou de fantaisistes et éphémères Web 2.0-esque Designers. Certains n'existaient pas en 2006 et d'autres disparaîtront peut-être en 2009.

Les métiers de transition, issus de technologies ou de produits - comme le Silverlighter (de l'outil de conception d'applications riches de Microsoft, Silverlight), le Flexer (d'Adobe), le Flash designer, ne sont pas loin non plus. D'autres encore, condensés en mots-valise - le Flajax Developer - sont soumis à l'hybridation permanente des techniques, c'est ce que nous indiquent plusieurs dizaines d'offres d'emploi publiées aux Etats-Unis. Ils muteront vers d'autres formes, se confondront dans l'évolution incessante, car leur caducité nous ramène à l'essence véritable du design : davantage une démarche, un processus en tension vers une représentation appropriable par les utilisateurs qu'un mode d'expression des outils technologiques. Même si l'influence des outils sur les pratiques du design est indéniable.

Le directeur artistique Etienne Mineur rappelle dans sa conférence sur (une) histoire du design interactif que le champ du design s'est déplacé de la création à l'écran pour l'impression, à la création à l'écran pour l'écran lui-même. Cette translation a dès lors ouvertes les possibles diversifications des métiers et leurs spécialisations déterminées par les outils. Cela a aussi ouvert la voie à de nouvelles mutations, à des échanges de matériel génétique entre les espèces, cela dès les débuts des ordinateurs destinés au public professionnel. Bill Mogridge le souligne dans Designing Interactions, le design de l'interface logicielle et de l'objet-interface sont indissociables. Ce lien conjugue le designer industriel au designer d'interface pour créer une nouvelle espèce, le designer d'interaction.

Plus subrepticement dans l'histoire du design interactif, les recombinaisons d'ADN s'opèrent, dans la circulation des principes d'interfaces logicielles vers les interfaces Web, par exemple dans les "menus accordéons". Recombinaison entre le design du tableau de bord d'un véhicule et le design de la barre de navigation du site de Volkswagen. Recombinaison entre les Head-Up Displays des jeux vidéos et les Head-Up Displays des univers virtuels comme Second Life. A travers ces traces culturelles, quels sont les moteurs de l'évolution ? C'est ce travail qu'a entrepris "designers interactifs" pour décrypter les nouveaux métiers du design.

"designers interactifs" a rendu publique en mars dernier un travail de définition de 10 métiers, publié sous la forme d'un livre blanc. Ce cadre bien délimité des "fiches métiers", segmenté, n'a de raison d'être que pour l'inventaire théorique de chacune des pratiques. Car une majorité de designers revendique sa multi-disciplinarité. C'est bien la question de la représentation des métiers que soulève l'architecte de l'information Anuhi Lou.

Pour exprimer cette complexité du croisement des pratiques et des disciplines, il a développé des recherches sur une signalétique créative, à mettre en relation avec les réflexions du designer numérique Jean-Louis Frechin, selon qui : "le Web passe d'une culture de la communication visuelle à une culture de l'information, des fonctions et des applications." 

 "Designers interactifs" est une association dont l'objectif est d'organiser et de promouvoir les professionnels qui conçoivent des interfaces, des services et des objets numériques.

180 membres indépendants, salariés, agences, annonceurs, étudiants et
écoles de design s'organisent pour la reconnaissance de ces métiers, en
France et en Europe.

A travers un programme de 7 missions, l'association cherche à inventer les définitions et les contours des métiers du design interactif, et suivre leur évolution.