Quels potentiels et quel devenir de la convergence Fixe-Mobile ?

A l’heure de la démocratisation des "box" Internet et du développement intensif des usages mobiles en indoor, les opérateurs souhaitent proposer de nouvelles offres convergentes. Panorama des technologies, usages, et modèles d’acteurs de la convergence Fixe-Mobile...

Concept connu depuis longtemps, la convergence Fixe-Mobile (CFM) aura cependant dû attendre longtemps avant de devenir une réalité. C'est en 2005 que l'opérateur British Telecom lançait la toute première offre commerciale grand public ("Fusion"), officialisant le début d'une nouvelle (r)évolution : une rupture tarifaire, technologique et d'usages se généralisant progressivement à tous les acteurs télécom qui y voient un formidable relais de croissance.

Les principes « théoriques » de la CFM peuvent se résumer de façon très simple : permettre aux utilisateurs d'accéder à leurs services à tout moment, quel que soit le lieu, le terminal utilisé ou le réseau d'accès emprunté.

Ce voeu pieu aurait cependant des conséquences technico-économiques non négligeables - le rendant par la même utopique à court terme - puisqu'il nécessiterait :
-  Des terminaux multi-technologies,
-  Des réseaux d'accès supportant tous types de terminaux et de services,
-  Des réseaux coeur connectés à tous types de plates-formes de services,
-  Des plates-formes de services adaptant les contenus à tous types de terminaux,
-  Des systèmes d'information capables de tracer tous types d'usages et de les facturer de façon unifiée,
-  Des accords commerciaux entre tous les opérateurs de réseaux et de services

Pour cette raison, les opérateurs s'engageant sur le chemin de la convergence sont amenés à faire des choix stratégiques et technologiques déterminants, directement liés aux clients finaux qu'ils ciblent, aux services qu'ils veulent pouvoir délivrer, et aux investissements qu'ils sont prêts à réaliser.

Concrètement depuis 2005, la grande majorité des offres convergentes réutilise les points d'accès Internet disponibles (boxs, hotspots publics, etc.) comme tuyau d'accès aux services mobiles. Plus récemment, les opérateurs travaillent sur des points d'accès 3G domestiques connectés à Internet (ou "Femtocells").

Ces approches permettent aux opérateurs d'étendre/de densifier la couverture des services mobiles dans les zones indoor - habituellement peu perméables aux signaux GSM/3G - tout en libérant des ressources précieuses sur le réseau GSM/3G outdoor.

Au-delà des tuyaux d'accès aux services, l'opérateur doit mettre en oeuvre de nouvelles passerelles spécifiques dans son réseau pour contrôler l'accès aux services depuis Internet. Différents types de passerelles réseau peuvent ainsi être déployées, offrant différents niveaux de convergence : de la convergence tarifaire, à la convergence des plates-formes de services et systèmes d'information, en passant par celles des réseaux d'accès et réseau coeur, autant de façons d'appréhender la convergence pour les opérateurs, mais avec un même objectif ultime : proposer des bundles de services fixes/mobiles, avec ou sans nomadisme/mobilité, et des offres d'abondance voix/data à tarifs préférentiels.

La convergence à différents niveaux, pour différents acteurs

- La convergence à l'accès

Les architectures de convergence à l'accès (de types UMA ou Femtocell) sont coûteuses, mais s'intègrent relativement facilement dans les réseaux des opérateurs mobiles grâce à leurs interfaces 3GPP normalisées.

De plus, elles offrent la mobilité "sans couture" (ou Handover), permettant de conserver une communication en cours lorsque l'utilisateur sort de la zone couverte par le point d'accès sans fil et bascule sur le réseau mobile outdoor.

Pour l'utilisateur, la convergence à l'accès se traduit par l'adoption d'un nouveau terminal dual-mode GSM/WiFi qui utilise l'accès Internet en Wi-Fi pour ses services mobiles (ex : l'offre "UNIK" d'Orange), ou bien plus récemment d'une mini-antenne 3G domestique (appelées "Femtocell") à connecter sur une box, tout en conservant les terminaux mobiles actuels (ex : l'offre "airwave" de l'américain Sprint).

Ces architectures permettent aux opérateurs mobiles ou intégrés de proposer des bundles des services Multiple-play, ajoutant une ou plusieurs composantes mobiles aux offres Triple-play traditionnelles...les opérateurs fixes doivent quant à eux signer des accords commerciaux avec un opérateur mobile pour devenir opérateur mobile virtuel (MVNO).   

- La convergence au niveau des plates-formes de services
 
Pour tous les types d'opérateurs (fixes, mobiles, intégrés, VNO, alternatifs), une autre option d'évolution est possible pour réaliser la convergence, au niveau applicatif cette fois. Il s'agit de mettre en place des plates-formes de services multi-terminaux et d'installer des clients applicatifs dans les terminaux compatibles.

Le client applicatif du terminal (PC, Téléphone mobile, PDA communiquant, etc.) peut alors se connecter aux plates-formes de services, et permet à l'utilisateur de retrouver son environnement et ses services dès qu'un point d'accès est disponible. Pour gérer le Handover, il est cependant nécessaire de supporter des piles de protocoles supplémentaires de type 3GPP (GTP, IMS/VCC), IETF (MIP, HMIP, etc.), IEEE (802.21), etc.

La technologie d'accès empruntée pour la connexion aux PFS est théoriquement transparente vue du réseau de l'opérateur. Dans la réalité, l'expérience utilisateur peut être très variable puisque la qualité de service bout en bout n'est pas sous contrôle total de l'opérateur de service, mais dépend fortement du réseau d'accès emprunté, du terminal utilisé, etc.

Cette convergence applicative repose sur la mise en place d'une architecture de contrôle qui peut être réalisée de façon simple et économique pour des services convergents "basiques", mais peu flexible pour l'introduction de services supplémentaires (architectures SIP, MGCP, Jabber/XMPP, IRC). A l'opposé, des architectures plus complexes mais plus coûteuses arrivent aujourd'hui à maturité (IMS), et permettent un déploiement rapide de nouveaux services en mode "plug & play" une fois l'architecture de contrôle mise en place.

Pour l'utilisateur, la convergence au niveau des plates-formes de services se traduit par l'adoption d'un terminal multi-technologies (souvent GSM/WiFi), sur lequel un client applicatif doit être installé (ou pré-installé par l'opérateur), et gère la connexion et l'authentification aux plates-formes de services et la mobilité.

La convergence applicative est souvent celle choisie par les acteurs de l'Instant Messaging et de la téléphonie logicielle (MSN, Yahoo!, AOL, Jabber, Google, Skype, Wengo, CounterPath, etc.) et par les opérateurs qui proposent des offres de téléphonie IP sur WiFi (NeufTelecom, Free, etc.).

- La convergence des systèmes d'information et de facturation
 
Elle s'adresse aux opérateurs intégrés, proposant à la fois des services fixes et mobiles. Elle ne permet pas de proposer de nouveaux services aux utilisateurs finaux,  mais simplement de présenter une seule facture pour tous les usages. C'est le niveau de convergence le plus simple à priori, et qui ne nécessite pas de nouvelles architectures réseaux ou terminaux. En revanche des évolutions des systèmes d'information et de facturation sont souvent nécessaires, et peuvent parfois s'avérer lourdes et coûteuses, en fonction des topologies de réseau déjà en place.

Ces différents niveaux de convergence sont indépendants les uns des autres, et peuvent se superposer pour atteindre une convergence plus aboutie. Un opérateur fixe pourra par exemple adopter la stratégie suivante :

Convergence au niveau applicatif : déploiement de plates-formes SIP/IMS, permettant de proposer des services de téléphonie IP sur terminal Wi-Fi,

- Transformation en MVNO : l'opérateur propose des forfaits mobiles (cartes SIM) sur un réseau partenaire, et de nouveaux terminaux dual-mode GSM/Wi-Fi,

- Convergence tarifaire : l'opérateur propose une convergence des plates- formes de facturation qui permettra de présenter une seule facture à l'abonné pour toutes ses communications (internet, téléphonie IP, téléphonie mobile),

- Mobilité sans couture : déploiement de plates-formes de gestion de mobilité et logiciels applicatifs mobiles pour gérer la mobilité.

Dans sa stratégie globale d'évolution vers la convergence, l'opérateur devra cependant éviter certains écueils constituant de véritables freins à la démocratisation de nouveaux services :

  • Communiquer de façon simple, concise et claire vers les cibles,
  • Proposer des forfaits services transparents et simples à comprendre,
  • Simplifier à l'extrême le parcours client,
  • Limiter au maximum le renouvellement d'équipements des abonnés (terminaux, points d'accès),
  • Proposer des configurations automatiques (pre-provisioning, provisioning Over The Air, etc.) des terminaux et points d'accès,
  • Simplifier au maximum les menus des services et applications,
  • Présenter une facturation claire et détaillée.

    Et demain, quelles perspectives pour la convergence ?

    Coté standardisation, les prochaines évolutions pourraient apporter de nouvelles solutions pour la CFM, puisque les principaux organismes radio et télécom planchent sur les architectures et protocoles pour la gestion de mobilité inter-systèmes ou sur la montée en débit de l'interface air (3GPP, IEEE, etc), mais également sur les systèmes Femtocell (FemtoForum, 3GPP). Le 3GPP vient en effet d'entériner les principes de base de l'interface " Iu-h" qui reliera la Femtocell et le contrôleur d'antenne coté réseau opérateur sous le nom de "Iu-h", et basée sur un mix des principes de la 3G et de l'UMA.

    En parallèle, de nombreux industriels se regroupent sous forme de consortium pour promouvoir leur technologie haut débit convergente (UMAC, FMCA, HGI, etc.). Les prochaines années devraient donc être très propices à la CFM, avec notamment le déploiement de nombreux réseaux SIP/IMS, de réseaux Femtocell, et de la progression de la mobilité sans couture.

    Coté service, le nouveau contexte de mobilité qu'apporteront les systèmes de demain devraient permettre le développement de nouvelles applications convergentes dans différents secteurs, permettant aux utilisateurs finaux d'être connectés à leur service en permanence, et d'interagir entre eux ou avec des machines distantes :

    -  domotique / surveillance
    -  instant messaging
    -  géolocalisation
    -  etc.

    L'Eldorado convergent est donc encore devant nous, et de belles surprises pourraient voir le jour dans les années à venir...à suivre. 


    Lexique :

    - 3GPP (Third Generation Partnership Projet) : groupe de normalisation international pour la spécification des normes de téléphonie de 3ème génération (3G) telle que l'UMTS   
    - CFM: Convergence Fixe-Mobile
    (Request For Comments) qui sont à l'origine des standards de l'Internet
    - GAN (Generic Access Network) : Version 3GPP de l'UMA, adoptée dans la Release 6
    (Request For Comments) qui sont à l'origine des standards de l'Internet
    - GTP (GPRS Tunneling Protocol) : protocole de tunnelisation standardisé au 3GPP
    - IMS (IP multimedia subsystem) : sous système de fusion de l'Internet avec les réseaux cellulaires et fixes pour la fourniture de services multimédia convergent
    - MVNO (Mobile Virtual Network Operator) : Opérateur mobile virtuel
    - SFM: Substitution Fixe-Mobile
    - SIP (Session Initiation Protocol) : protocole de signalisation normalisé par l'IETF choisi par le 3GPP pour l'IMS
    - UMA (Unlicensed Mobile Access) : Architecture de réseaux d'accès définie par la start-up Californienne Kineto Wireless, et proposée au sein de l'UMAC
    - UMAC (UMA Consortium) : Consortium de constructeurs et opérateurs Télécom pour la promotion de la technologie UMA
    - VCC : Voice Call Continuity (évolutions de l'IMS 3GPP pour la gestion de mobilité)