Les paris hippiques et sportifs seront-ils autorisés dans les réseaux physiques ?

La loi relative à l’ouverture à la concurrence des jeux d’argent et de hasard en ligne est une loi en trompe l’œil. Car le monopole des opérateurs historiques reste maintenu sur les paris "en dur".

Une telle différenciation de régime entre nouveaux opérateurs uniquement autorisés à exercer leurs activités en ligne et opérateurs historiques autorisés à être présents en ligne et "en dur" n'apparaît pas conforme aux principes de libre prestation de services et de liberté d'établissement. Il s'agit en effet d'une mesure discriminatoire et injustifiable.

Une mesure discriminatoire

A la différence de certains pays comme la Suède, le Portugal ou les Pays-Bas, la France a fait le choix d'une ouverture maîtrisée, suivant en cela d'autres pays européens tels que l'Italie. A cet égard, et conformément au principe de subsidiarité, il est important de rappeler que le droit communautaire confère aux Etats membres une grande marge de manoeuvre pour fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux et pour définir le niveau de protection recherché. Les Etats membres se doivent en revanche de veiller à ce que leur loi nationale soit conforme au droit communautaire.

Sur ce point, la jurisprudence de la CJUE oblige les Etats membres à faire preuve de cohérence en adoptant des restrictions non discriminatoires (CJCE, 6 mars 2007, Placanica) et nécessaires à l'atteinte des objectifs qu'ils se sont fixés (CJCE, 10 mars 2009, Hartlauer). Or, en soumettant les paris hippiques et sportifs à un régime distinct en fonction des supports de commercialisation, la France n'a pas fait preuve de cohérence.

En effet, en maintenant le monopole des opérateurs historiques sur les paris hippiques et sportifs "en dur" alors qu'elle a libéralisé ces paris en ligne, la législation française a purement et simplement instauré un régime discriminatoire. En cela, la France aurait été davantage inspirée de suivre l'exemple italien qui a ouvert de façon maitrisée son marché des paris hippiques et sportifs sans distinction liée aux supports de commercialisation des paris.

Une mesure qui n'est pas justifiable
En outre, la France ne dispose d'aucun argument pour justifier une telle restriction. Les travaux préparatoires de la Loi tendent même à démontrer que cette limitation est motivée par le souci de "préserver le monopole des opérateurs en dur", à savoir la FDJ et le PMU (Rapport du Sénat n° 209 de Monsieur le Sénateur François Trucy, p. 104). La position juridique de la France est d'autant plus critique que les juges communautaires ont clairement indiqué que les jeux de hasard accessibles par l'Internet comportaient "des risques de nature différente et d'une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux en ce qui concerne d'éventuelles fraudes commises par les opérateurs contre les consommateurs" (Arrêt Santa Casa du 8 septembre 2009, point 70).

Ce risque accru de fraude dans la sphère des paris en ligne a d'ailleurs été réaffirmé par la CJUE dans les récents arrêts "Betfair" et "Ladbrokes" (CJUE, 3 juin 2010). A la lecture de ces considérants, on s'aperçoit que l'ouverture des seuls paris « en dur » était plus défendable que l'ouverture des seuls paris en ligne !

On ne voit dès lors pas très bien comment la France pourra justifier de la conformité d'un régime discriminatoire qui autorise les paris en ligne mais qui interdit les paris "en dur" alors que ces derniers présentent moins de risques de fraudes pour les consommateurs.

L'article 69 de la loi instaure une clause de rendez-vous 18 mois après l'entrée en vigueur de la loi pour évaluer son efficacité et proposer d'éventuelles adaptations. Si la loi autorisait les paris sur les évolutions législatives (ce qui n'est pas le cas), le choix d'un maintien du système actuel au-delà de 2011 aurait une énorme cote tant ce maintien a peu de chances de se réaliser.