Personnes âgées et TIC : les freins à la modernisation de l’aide à la dépendance

L’augmentation du nombre de personnes dépendantes rend nécessaire la recherche de solutions pour financer l’aide à la dépendance. Le recours aux nouvelles technologies est le meilleur moyen d’optimiser les coûts tout en améliorant le confort des personnes âgées.

Selon les prévisions de l'INSEE, le nombre de personnes âgées dépendantes devrait augmenter d'environ 50% à horizon 2040. Cette évolution de la pyramide des âges s'accompagnera d'un important surcoût pour l'ensemble des financeurs de la dépendance, qu'il s'agisse des acteurs publics et privés ou des personnes âgées elles-mêmes.

Certaines solutions technologiques, visant à optimiser l'équation économique de la dépendance, sont progressivement en train de se mettre en place. Mais la majorité d'entre-elles peinent à se développer. D'une part, le manque de maturité de ces technologies rend complexe leur vulgarisation auprès des personnes âgées. D'autre part, bien que tous les acteurs y trouvent leur intérêt, aucun ne veut assumer les investissements requis.

Toutefois, des solutions devront être apportées pour mettre en place un plan de modernisation des aides à la dépendance pour améliorer le confort des personnes âgées tout en optimisant le coût.

Les nouvelles technologies au secours de l'aide à la dépendance

Conséquence attendue du « Baby Boom » d'après guerre et de l'allongement de la durée de vie : la population des 75 ans et plus devrait être multipliée par 2,5 entre 2000 et 2040 selon les projections de l'INSEE1. Le poids démographique des personnes âgées de plus de 65 ans passerait de 16% en 2000 à 28% en 20401. Ce qui devrait faire augmenter automatiquement le nombre de personnes dépendantes.

Dans un scénario de « maintien de la morbidité » (l'âge d'apparition de la dépendance et l'âge moyen de décès se décalent parallèlement dans le temps), les prévisions du modèle de micro-simulation Destinie2 de l'INSEE estiment à 50% la hausse du nombre de personnes dépendantes entre 2000 et 2040 ; soit 1,2 million de personnes dépendantes en 2040 contre 0,8 en 2000. Qu'elle soit physique ou mentale, la dépendance se caractérise par l'incapacité d'une personne à vivre seule dans un logement ordinaire. Cela implique la présence d'un soutien à domicile, voire un placement en institution spécialisée.    

Selon un rapport publié par le Credoc3, la perte d'autonomie est l'une des préoccupations majeures des jeunes retraités qui souhaitent, dans une majorité des cas, être en mesure de pouvoir rester à leur domicile. Cependant, plusieurs facteurs comme l'isolement, la fragilité, la vulnérabilité et la précarité peuvent restreindre les possibilités de maintien au domicile.

Pour chacun de ces facteurs, des solutions dites préventives permettent de prolonger la possibilité de maintien à domicile : l'entourage, un suivi médical, le développement des aides à la dépendance ... Les équipes médico-sociales se concentrent donc aujourd'hui sur une gamme de services de soutien social à domicile comme les services à la personne (aide ménagère...), le portage de repas, les services d'écoute... Ces services viennent en complément de prises en charge médicale qui permettent de maintenir les personnes âgées à leur domicile ou de les assister lors de leur retour comme le HAD (hospitalisation à domicile) par exemple.  

Depuis quelques années, de nombreuses avancées technologiques permettent d'apporter des solutions complémentaires aux services de maintien à domicile proposés par les équipes médico-sociales. La communication visiophonique, par exemple, ouvre la voie à la téléconsultation pour faciliter le suivi médical et permet de lutter contre l'isolement social en renforçant les liens avec l'entourage, malgré la distance.

Des solutions de suivi à distance comme les bracelets détecteurs de chute, le télé-suivi des paramètres biologiques, les capteurs de mesure du comportement, les médaillons de géo-localisation... permettent d'alerter immédiatement le corps médico-social dès lors qu'une anomalie est détectée et ainsi de faciliter le suivi des éventuelles chutes, troubles de l'activité, fugues... L'avancement de la recherche permet également d'envisager des solutions de plus en plus efficaces pour les prochaines années : le développement des nanotechnologies pour la fabrication de capteurs implantables, les solutions domotiques avancées, la visiophonie 3D... Autant de technologies en cours de développement qui devraient permettre de faciliter le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes.

Au delà de leur capacité à faciliter le maintien au domicile des personnes âgées, ces solutions technologiques permettraient également d'améliorer l'équation économique de l'aide pour la dépendance. L'évolution de la pyramide des âges génèrera un surcoût pour l'ensemble des financeurs de la dépendance, qu'il s'agisse des acteurs publics, des acteurs privés ou des personnes âgées elles-mêmes. Les bénéficiaires de l'APA (Allocations personnalisée d'autonomie), par exemple, sont 70% aujourd'hui à recevoir une aide mixte4 (une aide professionnelle doublée d'une aide de leur entourage). Mais cette évolution aura tendance à limiter le nombre d'aidants familiaux disponibles pour assister les personnes âgées dépendantes qui devront avoir recourt à une aide professionnelle.

D'autre part, dans son rapport sur la dépendance des personnes âgées5, l'IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) prévoit une augmentation de plus de 60% du coût de personnel pour la dépendance, soit environ 18 milliards d'euros supplémentaires à horizon 2025. Le montant des investissements pour les places en établissement spécialisé (places nouvelles et restructuration des places existantes) est quant à lui estimé dans une fourchette allant de 14 200 à 29 200 milliards d'euros.

Ainsi la facture liée à l'évolution de la pyramide des âges s'annonce élevée. Toutes les options permettant de limiter le nombre de placements en établissement et les investissements qui en découlent, doivent d'ores et déjà être soutenu. D'où l'importance d'entretenir les solutions technologiques qui permettraient de limiter les coûts liés à la dépendance tout en facilitant le quotidien des personnes âgées. Dans cette optique, les freins au développement de ces technologies devront être levés.

Certains d'entre eux devraient naturellement disparaître dans le temps : si les personnes âgées ont aujourd'hui du mal à apprivoiser les nouvelles technologies de l'information, la future génération ne devrait pas avoir de difficultés. Selon la dernière enquête du Credoc sur la diffusion des TICs6, seulement 14% des foyers des 70 ans et plus disposent d'une connexion Internet à leur domicile, contre plus de 70% des 25-39 ans.

Le frein majeur au développement de ces technologies sera lié à la structure du modèle économique des futures offres, étant donnée l'importance des investissements qu'elles nécessitent en termes de recherche et d'équipement. Trois types d'acteurs interviennent aujourd'hui dans le financement des aides à la dépendance : les assurances maladies (40%), les usagers (33%) et le secteur public (27%). Mais même si le développement de ces technologies présente un intérêt pour l'ensemble de ces acteurs, tous n'ont pas la capacité de supporter les investissements nécessaires.

Selon la tendance actuelle, les ressources des personnes âgées tendent à diminuer dans le temps. D'autre part, une augmentation des services apportés aux personnes âgées par les assureurs entraînera une augmentation du coût des produits d'assurance. Enfin, une augmentation du financement du secteur public paraît difficilement envisageable étant donnée la croissance annoncée du coût de la dépendance.

Si l'intérêt des nouvelles technologies pour supporter l'augmentation du nombre de personnes dépendantes est avérée, le manque de maturité de ces technologies et la complexité de leur modèle économique freinent aujourd'hui leur développement. Les acteurs publics et privés de la dépendance doivent soutenir le développement de produits innovants, au-delà des appels à projet que l'on observe actuellement comme « l'Ambiant Assisted Living » de la Commission Européenne. Il est en effet impératif d'inscrire ces nouveaux produits aux catalogues des services financés par les aides à la dépendance pour en favoriser l'essor.

Certaines questions restent donc sans réponse et nécessitent d'être posées pour accélérer le développement de ces nouvelles technologies : quelles sont celles qui seraient les plus propices à une amélioration de l'équation économique de la dépendance ? Quelles sont les technologies les plus matures sur lesquelles vont devoir reposer les services des personnes âgées de demain ? Quel doit être l'investissement initial pour permettre des développements à grande échelle ?

La levée de ces interrogations sera nécessaire à la mise en place d'un plan de modernisation des aides à la dépendance qui permettra non seulement d'améliorer le confort des personnes âgées mais également d'optimiser le coût.


1.       La dépendance des personnes âgées : une projection à long terme ; Michel Duée & Cyril Rebillard pour l'INSEE ; Avril 2004

2.       Modèle de microsimulation Destinie, scénario central ; INSEE ; 2006

3.       Les conditions du maintien à domicile des personnes âgées dépendantes ; Marie-Odile Simon, Anne Fronteau pour le Crédoc

4.       Les effets de l'APA sur l'aide dispensée aux personnes âgées ; DRESS, Etudes et résultats ; Janvier 2006

5.       La dépendance des personnes âgées : éléments de travail ; Laurence Eslous pour l'IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) ; Août 2007

6.       La diffusion des technologies de l'information et de la communication dans la société française ; Régis Bigot, Patricia Croutte pour le Crédoc ; Novembre 2008