Les contraintes et les opportunités juridiques liées au développement de la distribution électronique au Maroc

Internet est devenu le vecteur de la globalisation des économies, obligeant les Etats à réagir. Le législateur marocain doit encore adopter une série de lois et de pratiques pour être présent sur le marché international.

Les règles de la distribution électronique relèvent bien entendu du (i) droit commun, qui s'applique à tout type de relations contractuelles lorsque celles-ci ne sont pas soumises à un régime juridique particulier, mais aussi du (ii) droit commercial, qui définit les deux seuls contrats (d'agences commerciales et de commissions), du (iii) droit des nouvelles technologies (échanges électroniques de données juridiques et protection des données à caractère personnel) et enfin, la quatrième source du (iv) droit du commerce électronique formé par les usages commerciaux internationaux, tels qu'établis par de grandes organisations internationales intergouvernementales (en particulier la CNUDCI et UNIDROIT) et non-gouvernementales (la CCI en particulier).

L'objet de cette étude est d'analyser ces différentes règles internationales, telles qu'établies par les organisations susmentionnées, et qui forment un ensemble de textes qui s'appliquent au commerce international réalisé par voie électronique que l'on désigne actuellement sous la dénomination de lex electronica (1).

La distribution électronique est un nouveau mode de distribution qui se dénoue via le réseau Internet. Il permet aux utilisateurs/internautes de comparer des produits en ligne et en temps réel, de payer en ligne à des prix souvent plus bas, d'être livré à domicile etc. 

L'essor impressionnant du commerce électronique d'aujourd'hui entraîne que la relation contractuelle existante entre les parties à une acquisition d'un bien ou service, à travers la distribution électronique, puisse être sécurisée dans un cadre juridique adéquat.

Par ailleurs, la notion de commerce électronique ne se limite pas aux transactions commerciales et aux opérations de consommation, c'est à dire « Business to Business » et « Business to Consumers » mais aussi à celles « Consumers to Consumers », qui place les utilisateurs dans une situation d'offres et de demandes sans intermédiaire (exemple : le site de vente aux enchères en ligne Ebay.com) (2).

L'objet de cette présentation est de discuter en particulier des règles internationales applicables au commerce électronique qui a une vocation à être plus international que local ou national.

C'est donc en vertu de l'application du principe de l'autonomie de la volonté, consacré en droit marocain par le Dahir sur la condition civile des étrangers au Maroc du 12 août 1913 (3), que toute personne établie sur le territoire marocain, et donc soumise au droit national, peut soumettre ses contrats notamment commerciaux avec des étrangers à des normes juridiques étrangères ainsi qu'à des juridictions non marocaines, qu'elles soient judiciaires ou arbitrales.

Les règles et usages du commerce international, y compris celles qui relèvent de la lex electronica, ont naturellement vocation à s'appliquer dans ces contrats internationaux selon la volonté des parties contractantes.

Dans le domaine du commerce international traditionnel de biens et de services, les règles internationales formant les usages commerciaux internationaux sont dénommés la « lex mercatoria », qui est composée de nombreuses lois-type d'uniformisation de certaines règles applicables a divers types de contrats commerciaux internationaux mais aussi de la jurisprudence arbitrale internationale, notamment celle de la CCI, qui constitue une référence en a matière.

Ainsi, le développement exponentiel du commerce électronique a engendré la création de ces règles internationales de nouveau genre. Elles sont d'une importance capitale dans le développement régulé du commerce international : elles s'appliquent de plein droit lorsque les parties contractantes à un contrat de commerce électronique internationales réfèrent à ces mêmes règles comme étant le droit applicable à leur contrat.

La lex electronica, ou cyberlaw, s'est ainsi constituée grâce à l'élaboration de Lois-types par des organismes interétatiques tels que la Commission des Nations Unies pour le Développement du Commerce International (CNUDCI) (Loi-type sur les commerce électronique, Loi-type sur les signatures électroniques, etc...) ou encore de Principes par l'Institut International pour l'unification du droit privé (UNIDROIT) comme les Principes relatifs aux contrats du commerce international.

En outre, il faudrait noter que certaines règles relatives à la protection des données à caractère personnel sont tout aussi importantes dans ce corps de textes ci-avant indiqué car elles permettent notamment d'assurer la protection du consommateur, qui est la personne qui est la partie visée dans les opérations de distribution électronique.

L'intitulé de ce exposé qui porte sur les contraintes et les opportunités juridiques liées au développement des réseaux de distribution électronique au Maroc exprime l'idée de l'examen de la nécessité de l'adoption en droit interne de certaines règles et usages pertinentes de la lex electronica dans le droit positif marocain ou de la référence à certaines de ces règles dans les contrats internationaux par les commerçants et distributeurs nationaux, ce qui ne manquerait pas de favoriser encore plus le développement du commerce électronique.

Quelles sont donc les composantes de la lex electronica, et comment par la suite faudrait-il réfléchir sur la transposition de certaines des ses règles dans le droit national marocain, en dehors des dispositions législatives d'ores et déjà prises dans le cadre des échanges juridiques de données électroniques et de la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel.

.Les composantes de la lex electronica
Afin de donner un aperçu clair et concis sur la lex electronica, il convient de définir cette notion et de donner ses différentes sources. 1. La notion de lex electronica
Le néologisme lex electronica, vieux d'une dizaine d'année, est désigné comme l'ensemble des règles juridiques applicables dans le cadre du commerce électronique.

Le fait qu'il n'existe pas de définition précise de l'usage conduit au succès de cette notion. On y intègre indistinctement des « techniques de règlementation » diverses comme les principes, les standards, les codes de bonne conduite, les chartes, etc... sous des appellations elles-mêmes variées.

Comme l'explique Louis Marquis, « La place importante qu'occupe l'usage en matière commerciale tient à la transformation incessante et rapide du monde des affaires. Celui-ci cherche constamment à tirer avantage des innovations techniques et scientifiques susceptibles de favoriser une croissance de l'activité économique. La loi par sa stabilité [tout comme les traités et conventions internationales], peut difficilement suivre la cadence de ces développements » (4).

L'intérêt des usages est lié à la désaffection des autres instruments de normativité. Souvent les textes formels, de par la difficulté et la longue période de temps nécessaire à leur élaboration, ne permettent pas à un domaine mouvant comme celui du commerce électronique, de rester en phase avec la « réalité vivante » qu'ils se doivent de régir.

Les usages et pratiques se développent en général de façon progressive et imperceptible, à la manière des règles jurisprudentielles. Les solutions apportées à chaque cas permettent de faire émerger graduellement les principes suivant lesquels les problèmes futurs seront résolus. De telles normes cèdent au droit étatique l'avantage de la stabilité et de la sécurité. Toutefois, les usages et pratiques ont l'avantage d'être plus près des participants. Leur évolution, plus rapide et mieux adaptée aux changements, représente l'expression d'un consensus sans cesse renouvelé (5).

Le développement accru des usages est dû à cinq raisons principales (6) :
1 La nature même des réseaux électroniques implique une portée résolument internationale ;

2 La lenteur attachée à l'élaboration d'une loi s'accorde mal avec la vitesse d'évolution des nouvelles technologies d'information ;

3 Le domaine de la distribution électronique possède assurément un caractère technique, propice au développement des usages ;

4 La distribution électronique faisant partie du domaine commercial, il est plus simple de référer à des usages qu'à des règles de droit pour les gens d'affaires ; et

5 La présence d'une entité normative, la communauté commerçante, joue en faveur du développement des usages.

De plus, en matière de droit du commerce international, la notion d'usage a exclu celle de coutume, comme en atteste les Lois Uniformes de La Haye de 1964 ou encore la Convention des Nations Unies sur les Contrats de Vente Internationale de Marchandises de 1981.

Un néologisme, la « nétiquette », décrit d'ailleurs les principes de bonne conduite généralement reconnus par la communauté des usagers de l'Internet et un ensemble de principes destinés à assurer un certain ordre (7).

De cette nétiquette découle que les comportements suivants sont habituellement considérés comme fautif : l'affichage d'informations illégales, l'emploi d'un langage abusif dans le cadre de communications publiques ou privées, l'envoi de messages entraînant la perte d'informations, l'envoi d'une chaîne de lettres, ou encore la diffusion de messages destinés à des listes ou des individus entraînant la congestion d'un réseau ou interférant avec le travail d'autres individus.

La lex electronica se traduit aussi à travers le principe d'autoréglementation. Ainsi, les règles du jeu se trouvent formulées dans des Contrats-type ou Codes de Conduite entre les usagers et les fournisseurs d'accès : ce sont les « acceptable use policies ». Ces Codes de Conduite sont la conséquence du fait que de plus en plus d'acteurs jugent essentiel d'investir dans la mise au point d'instruments qui faciliteront le développement de normes de conduite par les innombrables acteurs désireux de mettre en place des activités sur Internet.

Si la pratique contractuelle est souvent une source importante de renseignements dans le domaine du commerce en général, il convient d'être prudent en matière de commerce électronique.

En effet, le caractère nouveau de ce processus de communication ne donne pas toujours lieu à la maturité qu'il est loisible d'attendre de la pratique (8). Au contraire, il faut constater l'inconsistance de certaines clauses, ainsi que le manque de stipulations spécifiques à la communication électronique.

Néanmoins, la notion de lex electronica et la pratique contractuelle électronique se sont récemment développées avec l'émergence de lois-type et principes permettant l'intégration de normes internationales dans les lois nationales.

2. Les sources de la lex electronica
C'est à partir de 1985 que la CNUDCI s'est intéressée au sujet et a formulé des « Recommandations relatives à la valeur juridique des enregistrements informatiques » (9). En 1991, elle a abordé une recherche approfondie sur les « Échanges de Documents Informatisés (EDI) ».

Afin d'emboîter le pas à la notion de lex electronica, les recherches précitées de la CNUDCI ont abouties à l'aboutissement d'une loi-type sur le commerce électronique, adoptée par la 85ème assemblée plénière des Nations Unies dans sa résolution n° 51/162 du 16 décembre 1996 (10) (cf. Corpus documentaire page 16).

La loi-type sur le commerce électronique précitée est certainement la référence la plus marquée qui a pu organiser et préciser les conditions de formation et d'exécution des contrats de commerce électronique. Cette loi-type présente une étape importante dans le processus d'adaptation du droit aux techniques nouvelles de communication.

Toujours dans cette mouvance d'adaptation au développement illimité du commerce électronique, la CNUDCI a développé une loi-type sur les signatures électroniques (11), adoptée par la 85ème assemblée plénière des Nations Unies dans sa résolution n° 56/80 du 12 décembre 2001 (cf. corpus documentaire page 18), qui est venue, quant à elle, donner un cadre réglementaire international à l'utilisation des dites signatures électroniques et des moyens d'authentification dans les contrats électroniques du commerce international.

Chacune des deux lois-type susdites disposent à la fin de son contenu d'un guide précis et détaillé pour son incorporation dans les lois nationales. Cela s'est ainsi vérifié par la transposition de ces mêmes règles, en partie ou en totalité, dans les lois nationales de plusieurs pays, notamment en Europe et au Canada, ainsi qu'une certaine réadaptation de ses règles et usages dans les lois au Maroc.

De plus, la « Convention des Nations Unies sur l'utilisation de communications électroniques dans les contrats internationaux » (12), adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution n° 60/21 du 23 novembre 2005, est venue confirmer l'importance et la portée de la signature électronique dans le commerce électronique.

La CNUDCI a récemment publié, suite à sa 42ème session de travail tenue à Vienne du 19 juin au 17 juillet 2009, un document intitulé « Promouvoir la confiance dans le commerce électronique : questions juridiques relatives à l'utilisation internationale des méthodes d'authentification et de signature électroniques » (13), afin de donner un aperçu sur les transpositions et l'application des différentes lois-types relatives au commerce électronique dans les législations nationales.

Cette publication prouve l'impact et la nécessité d'adoption des règles internationales comme le démontre l'avant-propos du document susmentionné stipulant que : « En 2004, ayant achevé ses travaux relatifs à la Convention sur l'utilisation de communications électroniques dans les contrats internationaux, le Groupe de travail IV (commerce électronique) de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI) a prié le secrétariat de continuer à suivre diverses questions liées au commerce électronique, notamment celles ayant trait à la reconnaissance transfrontière des signatures électroniques, et de publier les résultats de ses recherches en vue de faire des recommandations à la Commission sur le point de savoir s'il serait possible d'entreprendre des travaux dans ces domaines ».

Un autre organisme, à savoir l'Institut International pour l'unification du droit privé (UNIDROIT), a adopté en 1994 une convention dénommée « Principes relatifs aux contrats du commerce international » (14). Ces Principes internationaux ont été amendés en avril 2004, incorporant les notions de signature électronique et de protection des données à caractère personnel.

L'introduction de ces nouvelles notions a eu pour conséquence que lesdits Principes ont formellement été avalisés par la 40ème session de travail de la CNUDCI de 2007, tenue à Vienne du 25 juin au 12 juillet 2007. Cet aval (15) permet de placer ces Principes dans la sphère de la lex electronica dans la mesure où ils sont devenus de portée internationale.

En outre, l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a posé, lors du Cycle d'Uruguay, les premiers jalons d'une réglementation du commerce électronique international, conformément à la Déclaration sur le commerce électronique mondial (16) de Genève du 20 mai 1998. Le Conseil général a adopté le plan de ce programme de travail le 25 septembre 1998, lançant les discussions du Conseil du commerce des marchandises, du Conseil du commerce des services, du Conseil des ADPIC (propriété intellectuelle) et du Comité du commerce et du développement relatives aux questions qui se rapportaient au commerce électronique.

Suite à cela, la déclaration ministérielle du Cycle de Doha du 14 novembre 2001 a proposé, dans son point n° 34, de créer et de maintenir un environnement favorable au développement futur du commerce électronique (17).

En outre, la CCI a entrepris la rédaction d'un guide intitulé « Uniform Rules of Conduct for Interchange of Trade Data by Teletransmission (UNCID) », relatif à la transmission des messages électroniques en matière commerciale le 22 septembre 1987. Déjà, ce Code de Conduite de la CCI prévoyait le développement naissant qu'allait connaître le commerce électronique.

Dans le même esprit, la CCI a adopté les « ICC eTerms 2004 » (18), dans l'optique de la reconnaissance de l'écrit électronique dans les contrats de commerce international.

La CCI a ainsi produit ces « ICC eTerms 2004 » sous la forme de deux articles à insérer dans les contrats de commerce international, articles relatifs à l'agrément des parties sur l'utilisation de communications électroniques et au lieu de domiciliation électronique des parties.

Pour ce faire, la CCI a élaboré un « Guide for eContracting » ou encore « Guide pour la contractualisation en ligne » avec pour but d'expliciter clairement les points suivants :
- L'application des ICC eTerms 2004 ;
-La validité juridique des ICC eTerms 2004 ;
-Les limites des ICC eTerms 2004 ;
-La personnalité de chacune des parties au contrat électronique ;
-L'élaboration et la rédaction d'un contrat électronique ;
-Les spécifications techniques ;
-La protection de la confidentialité ; et
-Les pannes techniques et les risques afférent aux administrations des sociétés.

Le développement des normes encadrant le droit de la distribution électronique passe aussi par les contraintes de protection des données à caractère personnel.

Déjà, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) (19) des Nations Unies du 10 décembre 1948 disposait dans son article 12 que : « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur ou sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou atteintes ».

Dans le même sens, le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) (20) des Nations Unies du 16 décembre 1966 dispose dans son article 17 que :

« 1. Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.

2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

Afin de parachever cette obligation de protection des données à caractère personnel, s'inscrivant dans le développement des systèmes informatisés, le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme a élaboré               des « Principes directeurs pour la réglementation des fichiers informatisés contenant des données à caractère personnel » (21), adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 45/95 du 14 décembre 1990.

La multiplicité des normes internationales en matière de commerce électronique, sous la forme de soft law, ainsi que la pléthore de pays les ayant adoptées, ont conduit le Maroc à se pencher sur la nécessité d'adoption de ces lois dans ce sens.

Subséquemment, nous allons aborder les procédés d'incorporation de certains aspects de la lex electronica dans le champ législatif marocain.

II. La transposition de certaines règles de la lex electronica dans les lois nationales marocaines

La transposition de certaines normes de la lex electronica s'est traduit au Maroc par l'adoption de deux lois phares en la matière entre novembre 2007 et février 2009, objet de notre seconde partie.

1. La signature électronique

Le lancement d'Internet au Maroc a eu lieu le 15 novembre 1995, étant le 101ème pays à se raccorder au World Wide Web.

Conscient des opportunités offertes par le commerce électronique pour le développement des entreprises nationales, notamment les PME/PMI, le Maroc a engagé la réflexion sur les instruments nécessaires au développement de cette nouvelle forme de commerce et a institué à cet effet un Comité Interministériel pour le Développement et la Promotion du Commerce Electronique en 2000 suivant la Circulaire n° 546 du Premier Ministre du 29 février 2000.

Ce Comité a permis la mise en place de plusieurs recommandations juridiques telles que l'approche juridique globalisante des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC), l'adoption d'un cadre juridique consensuel (public- privé) en tenant compte de l'environnement juridique international, la mise en place d'un projet de loi relatif aux échanges de données, etc...

La stratégie du Secrétariat à la Poste et au Technologies de l'Information (SEPTI), dénommée « E-Maroc 2010 », n'a pas réellement abouti dans la mesure où le SEPTI a été, pour ainsi dire, supprimé et ses attributions dévolues au Ministère délégué auprès du Premier Ministre chargé des Affaires Économiques et Générales en 2002.

Par la suite, et en cette même année, le Ministère de l'Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies a repris le dossier en main.

De la sorte, le Dahir n° 1-07-129 du 30 novembre 2007 portant promulgation de la loi n° 53-05 relative à l'échange électronique de données juridiques a été publié au Bulletin Officiel n° 5584 du 6 Décembre 2007 (cf. corpus documentaire page 9).

La loi n° 53-05 reprend à cet effet les principes généraux de la loi-type de la CNUDCI sur les signatures électroniques de 2001, ainsi que ceux de la Directive n° 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 portant sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques (22).

L'adoption de cette loi s'est faite suite à des pressions internationales des investisseurs étrangers souhaitant un cadre légal et précis aux nombreuses transactions qu'ils souhaitent effectuer au Maroc.

A cet effet, le Dahir des Obligations et des Contrats du 12 août 1913 a été amendé par l'introduction de nouveaux articles tels que l'article 417-1 qui dispose que : « L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier.

L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ».

La promulgation du Décret n° 2-08-518 du 21 mai 2009 pris pour l'application des articles 13, 14, 15, 21 et 23 de la loi n° 53-05 relative à l'échange électronique des données juridiques (cf. corpus documentaire page 11), publié au Bulletin Officiel n° 5744 du 18 juin 2009, a permis de donner une dynamique à la mise en place des modalités suivantes :

- Les déclarations préalables d'importation, d'exportation, de fourniture, d'exploitation ou d'utilisation de moyens ou de prestations de cryptographie ;
- La délivrance des autorisations préalables d'importation, d'exportation, de fourniture, d'exploitation ou d'utilisation de moyens ou de prestations de cryptographie ;
- L'agrément des personnes qui entendent fournir des prestations de cryptographie soumises à autorisation ; et
- L'agrément des prestataires de services de certification électronique et au contrôle de leurs activités.

Néanmoins, le décret précité dispose dans son corps de l'expression « l'autorité gouvernementale chargée des nouvelles technologies, pris sur proposition de l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) », autorité qui n'a toujours pas vu le jour aujourd'hui mais qui ne saurait tarder à être mise en place vu la dynamique régnant actuellement au niveau du Ministère de l'Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies ainsi qu'au niveau de l'ANRT.

Enfin, nous allons finir ce tour d'horizon en abordant la protection des données personnelles.

2. La protection des données à caractère personnel
Le Maroc s'est doté de la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, promulguée par le Dahir n° 1-09-15 du 18 février 2009 puis publié au Bulletin Officiel n° 5714 du 05 mars 2009 (cf. corpus documentaire page 12).

Cette loi s'est directement inspirée des Directive n° 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (23) ainsi que de la Directive n° 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (24).

Les tenants et les aboutissants d'une telle adoption est le développement de la confiance.

Sur Internet, la protection des renseignements à caractère personnel est un objectif que le commerçant électronique doit non seulement poursuivre mais aussi démontrer. La confiance est en effet l'élément-clef d'une relation commerciale souvent éloignée et ponctuelle. Dès lors, le commerçant électronique devrait clairement expliquer ses engagements en matière de renseignements personnels ainsi que la manière dont il entend garantir la confidentialité des données qu'il détient (25).

Dans l'objectif de contrôler ce type de données, le décret n° 2-09-165 du 21 mai 2009 pris pour l'application de la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel, publié au Bulletin Officiel n° 5744 du 18 juin 2009 (cf. corpus documentaire page 15), est venu mettre en place la Commission Nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP).

Cette Commission, équivalent à la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) française, devrait être créée auprès du Premier Ministre incessamment sous peu.

Conclusion
Somme toute, les règles internationales en matière de commerce électronique se traduisent plus par le recours à des règles d'éthique, non contraignantes, qu'à des sanctions pénales, d'ailleurs non prévues par les différentes lois-types et conventions internationales.

S'agissant de la nature de la distribution électronique, elle n'est pas véritablement une nouvelle forme de distribution au même titre que la franchise ou la distribution sélective, mais plutôt un nouveau circuit, un nouveau canal de distribution (26).

Par ailleurs, rappelons également que le droit de la distribution apparaît comme un droit       « professionnel » se caractérisant par la coexistence d'une multitude de disciplines (27). Dans ce sens, l'Internet va sans aucun doute participer à ce mouvement de règlementation pour faire émerger de nouveaux concepts qui, après avoir prouvé leur fiabilité au sein de leur milieu originel, intègreront le droit commun pour en favoriser l'évolution.

En outre, la soft law avec l'émergence de la lex electronica, facilitera sans aucun doute l'appréhension et l'encadrement des concepts techniques issus du cybermonde dans tous les domaines qui ne sont pas réservés au législateur (28).

Par conséquent, le Maroc est sur la voie de la normalisation et de l'harmonisation avec l'incorporation petit à petit de l'ensemble des règles et usages de la lex electronica.

Néanmoins, malgré la récente mise à niveau du législateur marocain avec les principes uniformes internationaux en matière de commerce électronique, à travers les deux lois citées précédemment, il convient d'adopter certains concepts et préceptes de la lex electronica, comme un Code de Conduite pour les prestataires de services de distribution électronique en général et pour les sites marchands en particulier, ou encore des Contrats-type établis dans le but de donner un cadre règlementaire aux relations entre distributeur électronique et consommateur.

Espérons que le Maroc saura se doter d'une politique pérenne en la matière, comme en témoigne la création du Conseil National des technologies de l'Information et de l'Economie Numérique durant le mois d'août 2009, ou plus récemment la mise en place d'une stratégie nationale appelée « Maroc Numeric 2013 » depuis le 10 octobre 2009, venue remplacer les précédentes politiques de e-commerce ayant échouées.


Notes :
(1)          Vincent Gautrais, Guy Lefebvre et Karim Benyekhlef, « Droit du commerce électronique : l'émergence de la lex electronica », Revue de Droit des Affaires Internationales, n° 5, 1997, Montréal.

(2)          Eric A. Caprioli, « Aperçus sur le droit du commerce électronique (international) » in « Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20ème siècle, Mélanges en l'honneur de Philippe Kahn », Université de Bourgogne - CNRS, Litec, Paris, 2000, vol. 20, p. 247, disponible sur www.caprioli-avocats.com, dernière consultation le 03 octobre 2010.

3)          Dahir du 12 août 1913 sur la condition civile des Français et des étrangers dans le Protectorat français du Maroc, publié au Bulletin Officiel n° 46 du 12 septembre 1913.

(4)          Louis Marquis, « Les usages commerciaux en droit québécois », dans Développements récents en droit commercial, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 1992, p. 131, Canada.

(5)          Pierre Trudel, « Lex electronica » Centre de recherche en droit public, Faculté de droit, Université de Montréal, Canada, 2000.

(6)          Wassim Cheaib, « La distribution électronique: franchise et Internet », Mémoire de maîtrise en droit présenté à la Faculté des études supérieures, Université de Montréal, Canada, avril 2005.

(7)          Serge Parisien, « Un essai sur le mode de formation des normes dans le commerce électronique », colloque Les autoroutes de l'information: enjeux et défis, dans le cadre des Entretiens Jacques-Cartier, Lyon, 6-8 décembre 1995.

(8)          Chiheb Ghazouani, « Le contrat de commerce électronique international », Thèse pour le Doctorat en Droit, Université Panthéon-Assas (Paris II) Droit-Économie-Sciences sociales, 16 mai 2008, France.

(9)          Disponible sur http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/electcom/computerrecords-f.pdf, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(10)        Disponible sur http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/electcom/05-89451_Ebook.pdf, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(11)        Disponible sur http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/electcom/ml-elecsign-f.pdf, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(12)        Disponible sur http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/electcom/06-57453_Ebook.pdf, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(13)        Disponible sur http://www.uncitral.org/pdf/french/publications/sales_publications/Promoting_confidenceF. pdf, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(14)        Disponible sur http://www.unidroit.org/french/principles/contracts/main.htm, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(15)        Disponible sur http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/V07/857/10/PDF/V0785710.pdf?OpenElement, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(16)        Disponible sur http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/bey4_f.htm, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(17)        Disponible sur http://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min01_f/mindecl_f.htm#electronic, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(18)        Disponible sur http://www.iccwbo.org/policy/law/id279/index.html, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(19)        Disponible sur http://www.un.org/fr/documents/udhr/, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(20)        Disponible sur http://www2.ohchr.org/french/law/ccpr.htm, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(21)        Disponible sur http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001373/137363fo.pdf, dernière consultation le 03 octobre 2010.

(22)        Disponible sur http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31999L0093:FR:NOT, dernière consultation le 03 octobre 2010. (23)        Disponible sur http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31995L0046:fr:HTML, dernière consultation le 03 octobre 2010. (24)        Disponible sur http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32002L0058:FR:HTML, dernière consultation le 03 octobre 2010. (25)        Pierre-Hugues Vallée et Ejan Mackaay, « La confiance : Sa nature et son rôle dans le commerce électronique », in Lex Electronica, vol. 11 n° 2, Montréal, Canada, Automne 2006. (26)        Pierre-Emmanuel Moyse, « La distribution électronique dans les contrats de franchise, de distribution exclusive et de distribution sélective », édition Robic, Montréal, Canada, 2001. (27)        Michaël Malka, « Les contrats de distribution et Internet », Mémoire de DEA de Droit des affaires Université des Sciences sociales - Toulouse I, Avril 2002, France. (28)        Isabelle De Lamberterie, « Multiplicité des contrats électroniques » in Le contrat électronique, Conférence organisée par le Programme international de coopération scientifique (CRDP /CECOJI), Montréal, 19 décembre 2003.