L'Etat doit il réinventer ce qui existe déjà pour simplifier la vie des TPE/PME?

Créer le coffre fort numérique universel est une ambition louable pour simplifier le quotidien administratif des PME/TPE, mais l’Etat doit-il créer ce service de toutes pièces ?

« Simplifier la vie quotidienne des PME et TPE », une louable ambition prise en main par Fréderic Lefebvre à l'assemblée nationale le 12 avril dernier, qui apporte de l'espoir à tous ces « petits patrons » noyés dans les démarches administratives.

Plus de 3 millions de ces entreprises de 0 à 9 salariés voient effectivement leur compétitivité diminuée par des tâches administratives en surnombre, et bien souvent par des demandes redondantes d'administrations qui ne partagent pas les données entre elles. A titre d'exemple, une entreprise doit déclarer les données « effectif total » et «rémunération globale » 6 à 9 fois par an. Selon les experts d'Ernst and Young, la simple suppression d'une seule de ces déclarations permettrait d'économiser en moyenne 26 millions d'euros par an à l'ensemble des entreprises.

Frédéric Lefebvre présente 80 propositions, dont la création d'un coffre-fort numérique permettant aux entreprises de centraliser les informations, afin d'éviter de multiplier les déclarations auprès d'organismes ou d'administrations différentes. Ce projet, qui présente des enjeux considérables, s'appuie sur 2 volets :

-          « La rationalisation des définitions utilisées par la sphère publique et leur alignement sur les données qu'utilise l'entreprise pour sa gestion courante... » impliquant une démarche de l'Etat lui-même, balayant enfin devant sa porte.

 

-          « La mise en place d'une plateforme sécurisée d'accès aux données de l'entreprise... » C'est ce deuxième volet qui nous intéresse aujourd'hui car il s'agit ici de la sphère « privée » de l'entreprise pour laquelle l'Etat n'est pas forcément le meilleur interlocuteur.

 

Monsieur Le Secrétaire d'Etat, ce deuxième volet amène deux questions :

- Si les entreprises ne sont pas sollicitées financièrement pour un tel service, ce sera donc à l'Etat de casser sa tirelire, ce qui signifie forcément l'apparition de certaines contraintes ... Quelles seront-elles ?

- Quid de la légitimité de l'Etat pour répondre à un tel besoin? Ceci demande que les entreprises aient confiance, et considèrent l'Etat comme un tiers suffisamment neutre pour se voir confier la gestion permanente de leurs informations vitales et essentielles. L'échec rencontré par l'espace de stockage de « monservicepublic.fr » pour les particuliers semble en être un début de réponse. Ce service, dont le besoin n'est plus à démontrer, ne nécessite t'il pas plutôt des prestataires privés et indépendants, véritable tiers de confiance ?

Sur ce sujet, lors des Assises de la Simplification, le 29 avril dernier, les protagonistes ont évoqué les futurs « comptes pro » des entreprises. Un espace au sein duquel ces dernières pourraient stocker des documents numériques nécessaires aux démarches administratives, visualiser les données mises à disposition, et contrôler les accès réalisés ...

Alors, encore une question : Pourquoi engager l'Etat sur un sujet pour lequel des solutions privées sont déjà disponibles, ou en cours de développement, et imaginer des services lorsqu'ils existent déjà ?

Les acteurs privés du coffre-fort numérique proposent pour la plupart d'entre eux des « espaces pro », le conseil Supérieur de l'Ordre des Experts Comptable (CSOEP) a également développé une plateforme destinée aux relations entre les experts comptables, les entreprises et les administrations.

 J'ai fondé Adminium en 2010, Coffre-fort numérique gratuit et sécurisé dont le but est de faciliter la vie administrative et numérique quotidienne des particuliers en regroupant, rangeant, analysant et synthétisant de manière confidentielle leurs documents de gestion.

Les acteurs indépendants, dont je fais partie, viennent de se regrouper dans une association (l'ACFN, Association des Coffre-fort Numériques). Ils développent actuellement des plateformes sécurisées permettant un échange intelligent des données entre les administrations et les PME, fluidifiant ainsi leurs relations. Seuls de légers efforts d'adaptation de part et d'autres seraient nécessaires pour permettre cette interactivité et un « agrément » de ces solutions.

De plus, ces services issus de la sphère privée ne répondent pas uniquement aux contraintes administratives des TPE/PME, ils sont adaptés aux usages, aux besoins et aux métiers de ces petites entreprises. Ils ont fait preuve de leur efficacité, bénéficient de la confiance de leurs utilisateurs, et sont garants d'une neutralité et d'une indépendance totale dans la gestion des données. Reste aujourd'hui à les faire connaître de tous ces « petits » patrons en quête de simplification administrative.

Après ces quelques adaptations, l'investissement de l'Etat se réduirait ainsi à une prescription directe de ces solutions*, permettant de les faire connaître, et lui évitant ainsi la mise en place d'un système finalement redondant.

Simplifier la vie quotidienne des PME et TPE n'est pas forcément inventer ce qui existe déjà ! Les solutions sont là, les acteurs historiques sont regroupés et prêts à dialoguer pour la mise en oeuvre d'un service au coeur d'une démarche hybride entre les sphères publiques et privées ...  il ne reste qu'à les plébisciter officiellement pour les faire connaître aux TPE/PME !


*Eventuellement sous forme de réduction d'impôts ou de taxe pour les TPE/PME utilisant ces solutions « agrées ».