Il est interdit d'interdire...de vendre sur Internet
Les juridictions rappellent qu’il n’est pas possible d’exclure systématiquement internet comme mode de distribution. La société Pierre Fabre Dermo-Cosmétique qui fabrique et commercialise de produits cosmétiques, interdisait à ses distributeurs agréés de vendre sur le Net.
L’Autorité de la concurrence avait considéré
que cette interdiction constituait une restriction à la concurrence contraire à
l’article 81 CE et à l’article L. 420-1 du code de commerce, et l’avait
enjointe de supprimer dans ses contrats de distribution sélective toutes les
mentions équivalant à une interdiction de vente sur Internet de ses produits
cosmétiques et d’hygiène corporelle et de prévoir expressément dans ses
contrats la possibilité pour ses distributeurs de recourir à ce mode de
distribution.
En effet, l’Autorité de la concurrence avait, tout
d’abord, relevé que cette interdiction de vente par Internet équivalait à une
limitation de la liberté commerciale des distributeurs de Pierre Fabre
Dermo-Cosmétique en excluant un moyen de commercialisation de ses produits. De
plus, cette prohibition restreignait le choix des consommateurs désireux
d’acheter par Internet et, enfin, empêchait les ventes aux acheteurs finals qui
ne sont pas localisés dans la zone de chalandise «physique» du distributeur
agréé. Selon ladite autorité, cette limitation a nécessairement un objectif
restrictif de la concurrence, qui vient s’ajouter à la limitation inhérente au
choix même d’un système de distribution sélective par le fabricant, qui limite
le nombre de distributeurs habilités à distribuer le produit et empêche les
distributeurs de vendre le produit à des distributeurs non agréés.
Pierre Fabre Dermo-Cosmétique a fait appel et la
Cour d’appel a saisi la CJUE de la question préjudicielle suivante : l’interdiction
générale et absolue de vendre sur Internet les produits contractuels aux utilisateurs
finals imposée aux distributeurs agréés dans le cadre d’un réseau de
distribution sélective
- constitue-t-elle une restriction caractérisée de la concurrence par
objet ?
- échappe-t-elle à l’exemption par catégorie ?
- bénéficie-t-elle d’une exemption individuelle ?
La Cour de Justice de l’Union Européenne dans un
arrêt du 13 octobre 2011, a considéré qu’une clause contractuelle, dans le
cadre d’un système de distribution sélective, exigeant que les ventes de
produits cosmétiques et d’hygiène corporelle soient effectuées dans un espace
physique en présence obligatoire d’un pharmacien diplômé (ce qui a pour
conséquence l’interdiction de l’utilisation d’Internet pour ces ventes),
constituait une restriction par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, du
Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
La Cour, à la suite d’un examen individuel et
concret de la teneur et de l’objectif de cette clause contractuelle et du
contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit, a considéré que,
eu égard aux propriétés des produits en cause, cette clause imposant la
présence obligatoire d’un pharmacien diplômé n’était n’est pas objectivement
justifiée. En effet, les produits en cause étaient des produits cosmétiques et
d’hygiène corporelle qui n’entraient pas dans la catégorie des médicaments et
échappent, dès lors, au monopole des pharmaciens prévu par le code de la santé
publique.
La Cour a rappelé que l’exemption par catégorie ne
s’applique pas à une clause contractuelle qui a pour objet de restreindre les
ventes passives aux utilisateurs finals désireux d’acheter sur internet et
localisés en dehors de la zone de chalandise physique du membre concerné du
système de distribution sélective.
La Cour considère en revanche, qu’un tel contrat peut
bénéficier, à titre individuel, de l’applicabilité de l’exception légale de
l’article 101, paragraphe 3, TFUE si les conditions de cette disposition étaient
réunies.
On rappellera que la CJUE avait déjà rendu un arrêt
similaire en 2003 (jurisprudence Deutscher Apothekerverband arrêt du 11
décembre 2003, C-322/01, Rec. p. I-14887), relative aux restrictions
apportées à la distribution sur Internet de médicaments non soumis à
prescription médicale. Dans cet arrêt, la Cour avait jugé, au regard des
libertés de circulation, que les arguments relatifs à la nécessité de fournir
un conseil personnalisé au client et d’assurer la protection de celui-ci contre
une utilisation incorrecte de produits, dans le cadre de la vente de
médicaments qui ne sont pas soumis à prescription médicale et de lentilles de
contact, ne justifiaient pas une interdiction de vente par Internet.