A qui appartient un compte Twitter ?
Derrière chaque page Facebook ou fil Twitter d'entreprise il y a des salariés qui pourraient communiquer avec des clients. Parfois même, cet échange est confié à des personnes extérieures à la société. Se pose alors la question de savoir à qui appartiennent les contacts associés à ces comptes.
Il n’est plus possible aujourd’hui d’ignorer les réseaux sociaux. Ainsi, avoir une page Facebook ou un fil Twitter est devenu une nécessité. Ces comptes acquièrent dès lors une valeur marchande et stratégique très importante pour l’entreprise. Toutefois, derrière chaque page Facebook ou fil Twitter, il y a des salariés qui pourraient communiquer avec des clients. Parfois même, cet échange est confié à des personnes extérieures à l’entreprise. Se pose alors la question de savoir à qui appartiennent les contacts associés à ces comptes.
Cette question inédite vient de
se poser devant les juridictions américaines. La décision ne manquera pas
de faire grand bruit dans le milieu de l’internet mondial et du droit français.
En l’espèce, un blogueur, employé
d’une société exploitant un site relatif à la téléphonie mobile, a créé un
compte sur Twitter – réseau social permettant d’envoyer de courts messages de 140 mots maximum – suivi par quelques 17000 abonnés. Après avoir démissionné en 2010,
ce dernier change le nom de son compte. Son ancienne entreprise revendique
aujourd’hui, devant le tribunal fédéral de première instance des Etats-Unis du
district nord de Californie, la propriété du compte, ainsi que de tous ses
contacts, et réclame à son ancien salarié 340.000$
de dommages et intérêts ; cela revient à estimer la valeur d’un abonné
à environ 2.50$ par mois et ce, depuis 8 mois, l’ancien employeur arguant « de coûts et de ressources substantiels
investis via les réseaux sociaux» selon le New York Times du 25 décembre
2011.
Ce cas pourrait-il se poser en
France ? Il est possible d’y répondre par l’affirmative avec certitude, la
solution dépendrait principalement de deux critères.
En effet, d’un point de vue du droit
français, le code de la propriété intellectuelle prévoit que les droits sur les
logiciels et leur documentation créés par les employés dans le cadre de leur
fonction sont dévolus automatiquement à l’employeur (article L.113-9 du code de la propriété intellectuelle ou
« CPI »). Le cas de l’utilisation d’un logiciel ou d’un service
en ligne tel que Twitter ne rentrerait donc pas dans le champ d’application de
cet article. Toutefois, il faudrait déterminer
tout d’abord si la liste de contacts a été générée et utilisée à partir des
outils de l’entreprise, pendant le temps de travail du salarié.
Ensuite, il conviendrait
d’analyser le contenu même des messages : en effet, étaient-ils de nature
personnelle ou professionnelle ? Étaient-ils à l’attention des clients/prospects
de l’entreprise ?
Si une telle situation devait se
présenter en France, plusieurs fondements juridiques pourraient être invoqués
par la société revendiquant la propriété du compte : le fil Twitter pourrait
être considéré comme une base de données clients/prospects protégée par les
articles L.341-1 et suivants du CPI, pouvant donner lieu à la qualification de
vol d’informations, ou son usage pourrait être constitutif de concurrence
déloyale sanctionnée par l’article 1382 du code civil.
Bien sûr, dans une telle
situation, le salarié ne pourrait pas conserver ses contacts Twitter. De même, le fait de renommer son
compte Twitter pourrait s’analyser comme une atteinte à un système de
traitement automatisé de données.
Notre recommandation
La contractualisation de
l’utilisation des moyens informatiques d’une société demeure la meilleure
solution afin de protéger les intérêts de votre entreprise : le contrat de
travail, ou une charte des systèmes d’information, doit impérativement intégrer
l’utilisation des réseaux sociaux par les salariés, que ce soit sur le matériel
propre à l’entreprise ou non (par la rédaction d’une clause de non concurrence
ou de confidentialité adaptée dans ce dernier cas par exemple), le tout, dans
le respect de la liberté d’expression de l’employé.
Par ailleurs, il ne faudra pas oublier
de traiter le cas des stagiaires, des sous-traitants ou plus largement, de tout
prestataire intervenant pour l’entreprise.