Les DSP, « Demand -Side Platform », nouveaux acteurs du paysage digital

CPM, CTR, CPC, SSP, DSP… l’écosystème du web est plein d’acronymes et s’enrichit chaque jour de nouveaux entrants. De quoi compliquer la donne, si on veut distinguer les tendances de fond des épiphénomènes et comprendre ce qui se joue aujourd'hui sur le marché de la e-publicité.

Phénomène notable depuis quelques mois déjà, la prolifération des DSP, ou Demand-Side Platform, sur le marché. De l’acronyme à la réalité, que faut-il savoir sur les DSP, et de quelle manière ces dernières sont-elles en train de transformer le marché ?

Qu’est-ce qu’une DSP ?

Traditionnellement, les Ad Networks sont les intermédiaires entre l’offre (supply) d’inventaire publicitaire et la demande (demand) des annonceurs qui souhaitent communiquer sur Internet et mandatent leurs agences pour le faire. Adconion Media Group, Valueclick, Advertising.com… , font figures d’acteurs référents sur ce marché historique : ils sont réputés pour trouver le meilleur inventaire publicitaire au service des campagnes de leurs clients. Ils travaillent pour tous les annonceurs et toutes leurs agences. 

A la différence, une DSP travaille exclusivement pour une agence et les clients de cette dernière. Il s’agit d’un service que proposent de plus en plus d’agences à leurs clients, service qui s’appuie à la fois sur les Ad Exchanges, où l’agence trouve les inventaires publicitaires dont ses clients ont besoin, et les technologies d’Enchères en Temps en Réel (Real Time Bidding) qui lui garantissent une stratégie optimale d’acquisition des inventaires propices au retargeting. Ce sont les Ad Exchanges et les technologies d’Enchères en Temps Réel qui ont permis aux DSP de se faire une place sur le marché en un très court lapse de temps. Les DSP permettent aux agences de « remonter la chaîne de valeur » puisqu’elles proposent un service supplémentaire et clé en main aux annonceurs en limitant le nombre d’intermédiaires.

Pourquoi les agences se sont-elles lancées dans la course aux DSP ?

De plus en plus d’agences développent leurs propres DSP pour des raisons hautement intelligibles: en créant leurs propres plateformes, elles s’émancipent des Ad Networks en ayant un accès direct à l’inventaire des éditeurs via les Ad Exchanges, et de ce fait, consolident leurs marges de manière substantielle. Dans un marché où l’achat d’espace publicitaire a lui-même connu une petite révolution avec l’émergence des Ad Exchanges, la DSP est une alternative et, parfois, une stratégie de survie payante, pour les agences média dont les métiers ont été extrêmement chahutés. En outre, développer sa propre DSP est source d’une plus grande maîtrise des « data » pour les agences. En effet, la DSP est garante d’un accès direct aux informations sur l’inventaire et les performances des campagnes (disparition des intermédiaires), elle offre des capacités de ciblage propres, et propose des reporting comportementaux qui permettent l’optimisation des campagnes. Avec les DSP, les agences disposent aujourd’hui d’une interface unique qui gère leurs achats d’espace et l’optimisation de leurs campagnes.
Il y a donc beaucoup d’avantages pour des groupes comme WPP ou OMG à créer et utiliser leurs propres DSP.
En regard, l’arrivée de ces nouveaux entrants sur le marché redistribue les cartes pour les Ad Networks, de plus en plus soucieux de voir les budgets migrer vers les DSP des agences… et se passer de leurs services.

Faut-il avoir peur des DSP ?

La question mérite d’être posée! Pour autant, s’arcbouter sur la « menace DSP » revient  à s’effrayer du progrès et de l’innovation… 

Dès lors, la question invite davantage  à réfléchir aux enjeux posés par ces nouveaux entrants et à mettre en lumière les différences de services proposés d’une part,  et les avantages compétitifs des acteurs historiques d’autre part.

De la difficulté à proposer des solutions « mass media » :
Considérée seule, une DSP ne peut pas répondre aux besoins de puissance et de couverture qui sont dans l’ADN des Ad Networks ; son accès aux Ad Exchanges est une première « brique », mais les représentations exclusives de sites par les réseaux limitent de fait l’accès à de l’inventaire Premium et partant, la couverture des plans médias. En outre, les partenariats noués par les réseaux avec leurs éditeurs, qu’ils s’agissent de contrat « cadre » ou de « spot buy », limitent également l’accès à l’inventaire via les Ad Exchanges.
Ainsi, la plupart des agences avec DSP choisit aujourd’hui  entre 3 et 5 Ad Networks avec lesquels elle travaille (au lieu et place des dizaines d’acteurs avec qui elles travaillaient précédemment). Ces partenaires privilégiés leur garantissent la puissance et l’efficacité. Cette nouvelle donne est stimulante : elle oblige les Ad Networks à se dépasser et à innover pour rester dans la course. De fait, les moins bons devront se réinventer…

De la difficulté à proposer des solutions d’optimisation « avancées » :
Considérée seule, une DSP, aussi avancée technologiquement soit-elle, ne saurait capitaliser sur les années d’expertise acquises par beaucoup d’Ad Networks qui ont fait des technologies d’optimisation  leur cœur de métier et ont développé des centres de recherche et développement en conséquence . C’est le cas de certaines sociétés dont les technologies propriétaires de ciblage, d’adserving et de distribution ne cessent d’être enrichies.
 Même s’il est vrai qu’une DSP offre à une agence une opportunité unique d’achat d’inventaire en direct et aux enchères en temps réel, elle ne saurait aujourd’hui être garante de performance telle que l’entendent les Ad Networks et… telle que l’attendent les clients, à savoir garantir des clics, des leads, ou des ventes.  Là encore, les DSP font appel à leurs partenaires privilégiés pour délivrer les campagnes à la performance en capitalisant sur leur savoir-faire.

De la difficulté à « prendre des risques » :
Les agences ayant développé des DSP, pour la plupart adossées à des groupes cotés, n’ont pas l’autorisation de prendre des risques d’achat d’inventaire « sans filet » (c'est-à-dire soit de l’achat en masse, soit de l’achat en amont, au CPM par exemple, en vue d’une revente  à l’action, qui comporte toujours un risque lié aux aléas de l’optimisation). Ce type d’achat relève d’une vraie politique d’arbitrage et beaucoup de sociétés sont réticentes à prendre de tels risques. Là encore, les DSP perdent parfois l’opportunité de « sécuriser » les meilleurs inventaires alors que les Ad Networks ont depuis longtemps appris à gérer ce risque, qui est consubstantiel de leur business model.

De la difficulté… à créer une DSP digne de cette ambition !
Malgré l’intérêt tant financier que stratégique que représente pour une agence le développement d’une DSP, force est de constater que c’est un projet à la fois complexe et coûteux. Du temps et de lourds investissements sont requis pour créer une DSP s’appuyant sur des technologies de pointe, et nécessitant une nouvelle expertise  « plateforme ». Analyser un très grand nombre de données et faire des arbitrages intelligents d’optimisation tant sur les enchères que sur l’affectation d’inventaires aux campagnes, le tout en une nanoseconde, est un vrai métier. Peu en seront capables sans investissements conséquents et sans envisager une (r)évolution des métiers en profondeur. De l’utilité de s’associer aux meilleurs partenaires technologiques qui non seulement garantiront l’excellence de la technologie, mais accompagneront les agences dans le changement…

La recomposition du paysage digital, l’opportunité  DSP

Alors que les DSP se développent sur le marché, elles captent une partie grandissante des revenus historiquement investis sur les Ad Networks de la première génération. Pourtant, considérées avec méfiance dans un premier temps, les DSP constituent aujourd’hui une réelle opportunité pour pousser plus avant le partenariat entre Ad Networks et agences. Offrant la puissance, les techniques d’optimisation garantes de performance et la prise de risque, les Ad Networks continuent d’être des partenaires naturels pour les DSP.

*Plateforme de distribution digitale, autrement appelée, Digital distribution platform, ou DDP

** 325 Millions de V.U dans le monde