Venez voir à quoi ressemble vos données de connexion mobile : un angle surprenant !
Sur plusieurs jours, une personne couvre par ses déplacements une certaine surface dans la ville, montrant ainsi les lieux et les passages qu'elle fréquente. Le temps, choisi comme épaisseur, donne à voir en volume la topologie de nos mouvements.
Avant d’expliquer ce qu’est l’empreinte de mouvement et comment elle est une valorisation des données personnelles, je souhaitais faire un petit préambule sur l’approche d’Advanced Design chez Orange.Cette approche est une manière d’innover par le design en associant une équipe technique.
Cette approche permet de montrer que le design peut non seulement amener à de nouveaux produits mais aussi amener de nouvelles approches, un nouveau regard sur les choses, et donc une nouvelle manière de penser les choses.
L’advanced design c’est avant tout un travail en équipe où la rencontre du designer avec l’ingénieur, ou le chercheur, et leurs mélanges de pensée conduit la plupart du temps à des réalisations hyper concrètes , qui amène une nouvelle dimension, porteuse de sens et d’innovation.
L’empreinte
de mouvement , de quoi s’agit il ?
Il s'agit d'explorer le moyen de permettre à ses
clients et utilisateurs, un moyen de se réapproprier ses données.
Il est donc question de data, et
plus particulièrement de données personnelles. Nous nous sommes intéressés aux
données relatives aux mouvements de personnes dans l’espace physique, à leurs déplacements
dans l’espace, à travers la collecte de leurs données de longitude et de
latitude sur une durée de quelques semaines.
Nous
avons souhaité aborder le sujet, déjà largement traité et retraité par
les opérateurs télécoms, de la géolocalisation mais en y amenant un regard différent, une
approche décalée.
Ainsi, le
décalage que nous avons choisi a été de considérer la géolocalisation non pas comme
une information temps réel ou comme un
point de présence à un moment précis dans un lieu géographique, non pas comme
une succession de lignes, de trajets linéaires que l’on fait, mais nous avons
plutôt élargi le temps d’observation et avons considéré la géolocalisation
comme une surface couverte.
Des travaux
d’artistes, comme par exemple les Trucs du collectif Microtruc, montrent que
lorsque on s’intéresse à la surface couverte par des individus, ou à la surface
couverte des objets qu’ils ont avec eux, il se passe quelque chose
d’intéressant, des motifs uniques se dessinent dû à leur déplacement.
Si l’on
regarde les choses de près, on découvre par exemple que la surface couverte peut
suivre des figures élémentaires, pour ma part je suis plutôt trapèze!
Ainsi, traiter
les formes de manière simplifiée est un des partis pris que nous avons eu dans
notre projet pour traiter les données et leurs représentations dans l’espace.
Un autre
parti pris a été de s’intéresser non pas
à des visualisations de données dans un plan en deux dimensions, mais plutôt de
s’intéresser à des représentations en volume à travers des représentations
tangibles et en 3D.
Car dans notre monde totalement dématérialisé, où les
formes sont si difficiles à penser, il est fondamental de s’appuyer sur des
formes concrètes pour réussir à penser les choses.
Très vite, suite
à différentes observations, l’idée est venue que la surface couverte par un
individu était tout à fait unique d’où la terminologie utilisée d’empreinte de
mouvement.
La
géolocalisation dont on reproche l’extrême
précision et l’exactitude a été
traitée de notre côté volontairement de manière flou et simplifiée
tant dans le choix des formes que
des matières. Ainsi chaque empreinte
sera représentée sur un plan et en volume avec la longitude et latitude en
abscisse et ordonnée et le temps passé en épaisseur.
Sur la base
de quelques données de géolocalisation dont nous disposions, nous avons très
vite concrétisé un objet en volume usiné dans de la mousse haute densité, ceci
afin de valider certaines de nos hypothèses : simplification des formes, motifs
reconnaissables, intérêt de la personne “représentée” à se voir d’une manière
inédite, etc ….
Ainsi voici Julien, sur Paris pendant le mois de septembre 2011
photo : Frédéric Mit
Au vu de ces
premiers résultats, nous avons lancé une expérimentation auprès de plus de 60
personnes afin de récolter des jeux de données de déplacements d’individus sur
Paris et la petite couronne.
Une fois
cette récolte de données faite, tout un travail de modélisation a été réalisé
avec l’équipe technique afin de retrouver ce que nous avions créé de manière
tout à fait empirique avec les premières matérialisations, à savoir une matérialisation
restituant correctement les longues présences mais aussi les petites présences,
une matérialisation mettant en œuvre le flou et la simplification grâce aux
formes en strates et larges à la base du motif.
Voila donc à
quoi cela ressemble pour quelques individus :
Le Nord est
en haut et la surface totale désigne Paris et la petite couronne
photos : Frédéric Mit
Vue du
ciel:
Elena
Michel
Julien
Et vue
d’oiseau:
Catherine
Michelle
Romain
Du côté des réactions des personnes dont nous avons
collecté les données, nous avons organisé des rencontres pour d’une part les
confronter à leurs propres empreintes et noter leur ressenti et d’autre part
tenter de cerner leur perception de cet objet issu de leurs données
personnelles.
La séance s’est déroulée de
manière assez joyeuse, les empreintes étaient placées sur une table et nous
leur avons demandé de tenter de se trouver, de se reconnaître. Une fois le nord
positionné, l’un après l’autre ils ont repéré leur empreinte et se sont
reconnus, parfois facilement, parfois avec difficulté, parfois aussi confondus
avec d’autre très proches d’eux.
S’en suit alors une discussion
…Tout le monde -hormis un spécialiste de la sécurité- a eu l’air très heureux de
découvrir et de garder son empreinte.
Voici quelques verbatims :
- c’est émouvant de voir
son empreinte,
- cela rematérialise le
déplacement,
- c’est une photo de soi que l’on ne voit jamais ,
- cela dépend du style de
vie ... mais moi je n’aimerais pas avoir une empreinte comme ça,
- ah non pas lisse! c’est
mieux avec les strates,
- c’est une belle manière de
récupérer ses données,
- on pourrait me donner
l’objet, mes données de géolocalisation et mes données de communication en
échange des informations personnelles que vous détenez,
- pour un projet de développement
des villes, je pourrais partager mes données pendant un temps donné.
Pour conclure, les données personnelles ne
sont pas aujourd’hui considérées comme des données ouvertes, des open data, et pourtant !
Qui ne s’est jamais senti dépossédé(e) de ses
propres données, issues de notre activité physique et/ou numérique, et détenues
par les opérateurs mais aussi par les grands acteurs du web.
Pour Orange, l’empreinte de mouvement explore
cette piste de restitution des données de géolocalisation à l’utilisateur à
travers un objet tangible et unique.
Il pourrait aussi être une incitation possible
pour confier ses données personnelles dans le cadre de grands projets
collectifs de développement du territoire par exemple.
Nota bene : Les empreintes de mouvement sont
actuellement visibles dans le cadre de l’exposition Circuler, quand nos mouvements façonnent les villes à la Cité de l’Architecture à Paris et ce
jusque fin août 2012.
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Chronique rédigée par Designers : Catherine Ramus (Orange) et Loic le Guen (Ensci, stagiaire chez Orange)