Le plagiat de CGV est un acte de parasitisme économique

La copie de conditions générales de vente (CGV) est un acte qui se rencontre fréquemment chez les nouveaux e-commerçants. Puisque tout est disponible, pourquoi ne pas les reprendre, c’est si simple et si facile. Certes, mais le plagiat est un acte de parasitisme.

C’est ce que vient de rappeler dans un jugement du 22 juin 2012, le Tribunal de commerce de Paris. En l’espèce, il était reproché au copieur d’avoir reproduit à l’identique les Conditions Générales de vente de l’un de ses concurrents qui avait pris soin de déposer celles-ci auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Cette reproduction était rendue d’autant plus évidente que le « copieur » avait omis de modifier des mentions inexactes au regard de son propre statut d’auto-entrepreneur.
Devant ces faits, le Tribunal décide d’entrer en voie de condamnation; confirmant au passage une jurisprudence désormais bien établie.

Ce jugement, invite à rappeler les 4 règles préventives que doit suivre tout cybermarchand.

Règle n° 1 : Avoir des CGV sur mesure
Les CGV constituent le pilier juridique de l’activité commerciale de tout cybermarchand. Leur rédaction impose de respecter une réglementation riche destinée à assurer la sécurité des relations tout en participant au renforcement de la confiance des internautes. Mentions légales obligatoires, respect du droit de la consommation et des obligations du Code de commerce sont autant d’éléments essentiels qui ne peuvent être laissés au hasard et dont la rédaction implique l’intervention d’un professionnel du droit pour une sécurisation juridique optimum. Le coût d’une telle prestation peut conduire certains acteurs du Web à la solution de facilité, solution qui les conduit au copier-coller dont la sanction apparaît inévitable. C’est ce que rappelle le Tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 22 juin 2012.

Règle n° 2 : Protéger ses CGV
La reproduction de CGV, pour être valablement dénoncée, impose de démontrer que l’on est bien à l’origine du document initial et que c’est bien la partie adverse et non l’inverse qui a commis cette reproduction fautive. Dans leur jugement du 22 juin 2012, les premiers juges constatent sur ce point deux éléments probants permettant d’établir la faute : en premier lieu, le copié avait procédé au dépôt de ses CGV auprès de l’INPI, en  second lieu des erreurs demeuraient dans la version copiée des dites CGV.  Cela est riche d’enseignement concernant diverses démarches préventives pouvant être entreprises pour valoriser l’investissement initial que représente la rédaction de CGV.

Le cybermarchand pourra ainsi utilement envisager les mesures protectrices suivantes :
- Dépôt des CGV sous forme d’enveloppe SOLEAU à l’INPI,
- Constat d’huissier lors du lancement de son site permettant de donner date certaine à ses CGV mais également aux différentes composantes de son site,
- Mise en place de coquilles, de pièges ou de marquages permettant d’identifier plus facilement les versions copiées des CGV.

Règle n°3 : Surveiller la Toile
A l’instar des procédés mis en œuvre pour assurer la protection de l’e-réputation de l’entreprise ou du site marchand, une veille régulière sur la Toile pourra permettre d’identifier des concurrents indélicats voire, le cas échéant lorsque la copie ne s’est pas limitée aux seules CGV de limiter les risques de détournement de clientèle. Il existe de nombreux procédés techniques permettant de procéder à cette veille.

Règle n°4 : Celui qui ne défend pas ses droits mérite de les perdre
Il va de soi que tout cybermarchand lésé peut saisir le Tribunal compétents pour faire sanctionner les faits litigieux. A ce titre, Il est désormais de jurisprudence constante (Cf. notamment, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui a condamné, le 24 septembre 2008, la société Kalypso à payer 10 000 euros à Vente-privée.com dont les conditions générales de vente avaient été reproduites) que la qualification juridique retenue pour ce type d’agissement est le parasitisme économique.
N’étant pas défini par la loi et simplement sanctionné sur le terrain de la responsabilité civile générale visée aux articles 1382 et suivants du Code civil, le parasitisme économique est caractérisé, comme le rappelle à juste titre le Tribunal de Commerce de Paris : « dès lors qu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ». Dans notre cas, c’est la reproduction servile sans autorisation et sans contrepartie financière des CGV du copié qui caractérise le parasitisme.
Au niveau du préjudice subi maintenant, observons que dans la jurisprudence précitée la reproduction de CGV avait donné lieu à une condamnation de 10.000 euros. Ici, le Tribunal de Commerce ne retient qu’un préjudice de 1.000 euros. Pourquoi ? Parce que le copié ne justifie pas ses dépenses. Ce montant aurait sans doute était différent si il avait été en mesure de produire par exemple la facture du Conseil chargé de la rédaction  de ses CGV (comme ce fut le cas dans l’affaire Kalypso précitée).
Ce type de décision classique sur le plan du droit, permet d’épingler des pratiques régulièrement observées sur la Toile.
Avec le temps, les parts de marchés se resserrent sur Internet et des tensions se créent entre concurrents. Là où il y a quelques années certaines pratiques pouvaient être tolérées, le pillage de contenus est un fléau désormais inacceptable. Il est donc nécessaire de faire appel à un professionnel du droit pour rédiger les CGV de son site web, c’est en tous cas une démarche prudente, efficace et un gage de sécurité juridique.