Google Suggest aide à porter atteinte au droit d'auteur
La Cour de cassation estime que le service Google Suggest aide à porter atteinte au droit d'auteur en suggérant les termes "Torrent", "Megaupload", et "Rapidshare" à l'internaute qui saisit le nom d'un artiste, d'un titre ou d'un album dans son formulaire de recherche.
Le Syndicat national de
l’édition phonographique (SNEP), qui représente notamment des producteurs de
l’industrie musicale a fait constater par huissier de justice que la
fonctionnalité Google Suggest du
moteur de recherche Google, qui propose aux internautes des termes de recherche
supplémentaires associés automatiquement à ceux de la requête initiale en
fonction du nombre de saisies, suggérait systématiquement d’associer à la
saisie de requêtes portant sur des noms d’artistes ou sur des titres de
chansons ou d’albums les mots clés “Torrent”,
“Megaupload” ou “Rapidshare”, qui sont, pour le premier, un système d’échange de
fichiers et, pour les deux autres, des sites d’hébergement de fichiers, offrant
la mise à disposition au public et permettant le téléchargement des
enregistrements de certains artistes interprètes.
Le SNEP a ensuite assigné les sociétés Google Inc. et Google France devant le
tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés pour
obtenir une mesure de suppression sous astreinte des termes litigieux, sur le
fondement de l’article L-336-2 du code de la propriété intellectuelle.
Pour se prononcer le juge devait
au préalable constater que le service Google Suggest générait une
atteintes à un droit d'auteur ou à un droit voisin (droit du producteur et
des artistes interprètes).
En effet, l'article
L-336-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "En présence d'une atteinte à un droit
d'auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d'un service de
communication au public en ligne, le tribunal de grande instance, statuant le
cas échéant en la forme des référés, peut ordonner à la demande des titulaires
de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des
sociétés de perception et de répartition des droits ou des organismes de
défense professionnelle, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser
une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de
toute personne susceptible de contribuer à y remédier".
Par ordonnance rendue le 10
septembre 2010, le président du tribunal a débouté le SNEP de l’ensemble de ses
demandes.
Le SNEP a fait appel de cette
ordonnance. Par un arrêt du 3 mai 2011, la
Cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance attaquée et débouté le SNEP de sa
demande tendant à voir ordonner aux sociétés Google France et Google Inc. la
suppression des termes “Torrent”, “Megaupload” et “Rapidshare” des suggestions proposées sur le moteur de recherche
et, subsidiairement, à leur interdire de proposer sur ledit moteur de recherche
des suggestions associant ces termes aux noms d’artistes et/ou aux titres
d’albums ou de chansons.
La Cour d'appel de Paris a considéré
que la suggestion de ces sites ne constitue pas en elle même une atteinte au
droit d’auteur aux motifs que :
* les fichiers
figurant sur ces sites ne sont pas tous nécessairement destinés à procéder à
des téléchargements illégaux.
* L’échange de
fichiers contenant des œuvres protégées sans autorisation ne rend pas ces sites
en eux-mêmes illicites.
* C’est
l’utilisation qui en est faite par ceux qui y déposent des fichiers et les
utilisent qui peut devenir illicite.
* La suggestion
automatique de ces sites ne peut générer une atteinte à un droit d’auteur ou à
un droit voisin que si l’internaute se rend sur le site suggéré et télécharge
un phonogramme protégé.
* Les sociétés
Google ne peuvent être tenues pour responsables du contenu éventuellement
illicite des fichiers échangés figurant sur les sites incriminés ni des actes
des internautes recourant au moteur de recherche.
* Le téléchargement
de tels fichiers suppose un acte volontaire de l’internaute dont les sociétés
Google ne peuvent être déclarées responsables.
* La suppression
des termes “Torrent”, “Rapidshare” et “Megaupload” rend simplement moins facile
la recherche de ces sites pour les internautes qui ne les connaîtraient pas
encore.
* Le filtrage et la
suppression de la suggestion ne sont pas de nature à empêcher le téléchargement
illégal de phonogrammes ou d’œuvres protégées par le SNEP dès lors qu’un tel
téléchargement résulte d’un acte volontaire et réfléchi de l’internaute et que
le contenu litigieux reste accessible en dépit de la suppression de la
suggestion.
Par arrêt rendu le 12 juillet
2012 (Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2012 n°11-20358) la Cour de cassation casse
et annule la décision de la cour d'appel en estimant au contraire que :
* Le service Google
Suggest orientait systématiquement
les internautes, par l’apparition des mots clés suggérés en fonction du nombre
de requêtes, vers des sites comportant des enregistrements mis à la disposition
du public sans l’autorisation des artistes interprètes ou des producteurs de
phonogrammes, de sorte que ce service offrait les moyens de porter atteinte aux
droits des auteurs ou aux droits voisins.
* Les mesures
sollicitées tendaient à prévenir ou à faire cesser cette atteinte par la
suppression de l’association automatique des mots clés avec les termes des
requêtes.
* Les sociétés
Google pouvaient ainsi contribuer à remédier à ces atteintes en rendant plus
difficile la recherche des sites litigieux, sans, pour autant, qu’il y ait lieu
d’en attendre une efficacité totale.
Pour la Cour de cassation, la Cour d'appel de Paris a violé l'article L-335-4 du code de la propriété intellectuelle qui définit et sanctionne pénalement les actes de contrefaçon,
et l'article L-336-2 du code de la propriété intellectuelle
qui permet au juge d'ordonner toutes
mesures propres à prévenir ou à faire cesser une atteinte à un droit d'auteur
ou à un droit voisin commise au moyen d'un service de communication en ligne.