Pas de suspense ici : tout est dans le titre : j'ai bien offert à Noël une liseuse Kobo achetée à la FNAC. Je ne m'étendrai pas sur la version choisie ni sur les spécifications du produit. J'expliquerai pourquoi j'ai pu faire ce choix et, comme vous pouvez vous en douter, pourquoi je n'ai pas choisi une Kindle d'Amazon.
1. Définir son besoin et rechercher des solutions
S'agissant
de choisir une pure liseuse et pas une
tablette pouvant remplir 1.000
fonctions, mes lectures m'ont naturellement porté vers des comparatifs
sur Internet avec en stars les liseuses Kindle et Kobo.
Pour les deux, l'approvisionnement en livres semble être bon, les prix similaires, les fonctionnalités aussi.Selon moi, match nul sur le produit.
2. Solution identifiée, se la procurer
D'un
côté, big A,
Amazon, le géant américain tentaculaire à qui tout semble
réussir et qui rallie chaque jour autant de clients que Crésus de
richesses.
De
l'autre, une équipe internationale composée de la
FNAC, distributeur
des produits conçus par les canadiens de Kobo, eux-mêmes rachetés par le
géant japonais Rakuten (lequel a aussi racheté notre champion français
historique du C2C (consumer to consumer): Priceminister).
Des deux côtés, des géants dont l'unité de compte est le milliard.
- Rakuten : près de 20 milliards de dollars de capitalisation,
- Amazon : plus de 180 milliards de dollars de capitalisation et une
superbe performance de + 60 % de son cours de bourse sur l'année 2013.
Pas d'inquiétude donc pour le SAV ...
3. Le confort lié à l'achat
A
l'heure du multi-canal, je veux commander où je veux, quand je veux et
payer comme je le souhaite. Dans les 2 cas, du tout bon.
Bien sûr, Amazon dispose d'une qualité de service unanimement reconnue, à raison !
Mais pour autant, est ce que le service de la FNAC est mauvais ? Non, à l'évidence.
Mais
il faut bien un premier sur le podium. Avantage pour la FNAC, je peux
me déplacer près de chez moi, prendre conseil auprès de spécialistes en
chair en os et retirer le produit immédiatement. Mais pour ma part, je
préfère une livraison. Alors match nul.
Alors à qui profite le crime ?
Écrit autrement : comment puis-je faire le meilleur choix, sachant que
les 2 solutions répondent finalement à mon besoin, sont sécurisées et
sont confortables ?
Du point de vue de l'acte de consommation, pas de préférence évidente.
Et si je creusais le sujet sous des angles un peu différents.
Si consommer doit être un acte responsable (les fameux consomm'acteurs),
alors je ne peux ignorer certains aspects comme l'écologie ou
l'économie avec ses considérations sur l'investissement, l'emploi ou la
fiscalité dans mes critères d'achat.
Investissements
Chez Amazon, les investissements sont colossaux et se chiffrent en milliards ... par dizaines sur plusieurs années.Ils
pourraient difficilement être plus élevés, car Amazon ne génère pas de
résultat net, et sont sans commune mesure avec les investissements
réalisés par la FNAC. Sauf que… !
… Sauf que ces investissements ne sont finalement pas réalisés en
France. La R&D, les centres de services ne sont pas situés en
France.
Chez nous, on ne
trouve finalement que le dernier maillon de la chaine : les plateformes
logistiques. Alors que du coté de la FNAC, tout ou presque est réalisé
en France.
En tant que Français, je ne peux que constater que le FNAC investit plus en France qu'Amazon.
Emplois
En France, les entrepôts d'Amazon ouvrent les uns après les autres,
preuve du succès phénoménal de l'enseigne, y compris dans le domaine du
livre, territoire pourtant favori de notre agitateur culturel national.
Les emplois que crée Amazon concernent donc principalement les
plateformes logistiques. Alors que tous les emplois à forte valeur
ajoutée restent bien aux États-Unis en majorité. Amazon va donc ainsi
pleinement profité du CICE alors que sa contribution à notre économie
est finalement très mince.
Et cela vient s'ajouter aux aides dont à bénéficié Amazon et qui ont
soulevé de nombreux commentaires sur l'opportunité d'aider un géant qui
n'en n'a pas besoin (pendant ce temps, qu'a-t-on fait pour la FNAC, un
de nos champions nationaux ?).
Je souhaite également profiter de ce chapitre pour formuler un commentaire concernant le e-commerce et la destruction d'emploi.
Amazon crée des emplois chez Amazon. Ce n'est pas Amazon qui détruit les emplois chez les commerçants, c'est la technologie !
Bien sûr, les solutions et
outils technologiques créent de l'emploi pour leur conception,
réalisation, commercialisation, installation et maintenance. Mais la
technologie à souvent deux finalités principales : les nouveaux usages
et l'amélioration de la productivité.
Le confort du e-commerce et les choix sans limites ne permettent pas aux
libraires de proposer un service équivalent : les nouveaux usages sont
alors destructeurs pour eux. Les nouveaux outils et les organisations
plus performantes permettent de proposer des prix que le commerce
traditionnel ne peut assurer : ces gains de productivité sont là encore
destructeurs d'emploi.
Il n'est pas nécessaire de disposer d'études statistiques précises pour
se douter que la somme des gains et des pertes d'emploi risque assez peu
d'être positif.
La concurrence étant planétaire, si nous ne sommes pas en capacité de
créer des champions, ce sont bien les champions étrangers qui vont venir
capter l'essentiel de notre marché. Amazon s'est lui même
particulièrement bien acclimaté et développé seul en France. Rakuten
s'est lui appuyé sur des compétences existantes et a décidé de conserver
des forces en France, une chance !
Mais jusqu'à quand ?
Fiscalité
Est-il besoin de détailler ce chapitre ?- Fiscalité ultra optimisée pour l'un : pas ou peu d'impôts sur les
sociétés, une TVA luxembourgeoise plus qu'avantageuse, les emplois les
moins qualifiés en France avec les cotisations sociales les plus basses,
voire même avec le bénéfice du fameux CICE.
- Régime normal pour l'autre : est-il nécessaire ici de rappeler que la
fiscalité française (le fameux mille-feuille) est l'une des plus
calorique d'Europe, sinon du monde ?
- Saviez-vous que le taux de marge des entreprises françaises n'avait
jamais été aussi bas depuis ... 1985 ! Nos entreprises nationales sont
les moins rentables d'Europe !
Alors à quoi rime d'apporter publiquement, et à grand renfort de
communication, des aides financières à Amazon pour implanter de simples
entrepôts ?
Tous les commerçants français ont immédiatement dénoncé cette pratique (y compris votre rédacteur).
Amazon est une entreprise formidable, une réussite exceptionnelle avec
un service client qui fait référence. Mais ne serait-ce pas un beau
miroir aux alouettes ?
Tout cela a d'abord été financé par le contribuable américain car,
là-bas aussi, Amazon a été subventionné par une fiscalité avantageuse,
au grand dam des enseignes traditionnelles.
Sauf qu'en faisant cela, les États-Unis ont favorisé l'émergence d'un
géant qui avance à grand pas dans sa conquête du monde et dont les
principaux bénéficiaires et actionnaires sont américains.
On parle ici de business. Ce n'est pas le monde des bisounours et Amazon
a su exploiter son environnement comme aucune autre société de
commerce.Si on devait entendre à la
radio qu’une entreprise française, connaissant un franc succès, venait à
annoncer son départ de France pour réduire ses couts (sociaux,
fiscaux), ne croyez-vous pas que le mot « boycott » pourrait assez vite
se présenter dans les conversations ?
Et
comme par magie, quand on parle d’Amazon, cela semble choquer beaucoup
moins quand on voit les centres postaux français vomir des colis Amazon à
Noël.
Nous, Français, ne sommes-nous pas en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis ?
Notre consommation doit pouvoir nous profiter et sur ce point, pour une fois, Amazon se retrouve assez loin du podium.
Alors, oui, je continuerai d'acheter mes livres à la FNAC et j'en suis fier.
Mais
je continuerai aussi de comparer la qualité et le prix des produits et
services, car ce n'est pas parce que je veux agir et favoriser mon pays
que je vais ignorer le reste du monde.
Bien
au contraire, je pense aussi qu'il est de mon devoir, en tant que
consommateur, de comparer pour m'assurer que mon fournisseur reste bien
dans la course.
Ayant dépassé l'âge de croire au Père-Noël, je ne souhaite pas ici
formuler de voeux, mais viens simplement vous demander, chers lecteurs,
de faire passer ce message : en tant que consommateur regardez bien si votre achat vous profite réellement.
Et
parlons plus aussi des réussites françaises, celles qui recrutent et
ont toujours payé et continuent de payer leurs impôts en France : la
FNAC évidemment, mais aussi de formidables réussites comme Oscaro,
Allopneus, Sarenza ou Showroomprive …
Merci à la FNAC pour cette liseuse qui donne toute satisfaction.
Et bonne année de consommation responsable !