Objets connectés & monétisation : un mariage impossible ?

Avec un marché qui pourrait atteindre les 15 700 milliards d’euro dans les années à venir selon Cisco Systems, le marché des objets connectés s’annonce comme le nouvel eldorado pour nombre d’entreprises, aussi bien dans le secteur de la technologie que dans l’énergie ou l’automobile.

Pas moins de 96 % des entreprises ont pour ambition d’intégrer l’Internet des Objets dans leur stratégie sur les trois ans qui viennent. Mais avant que ces objets ne déferlent dans les entreprises ou chez les particuliers, on peut observer plusieurs obstacles à leur développement. Et, en premier lieu, l’obstacle de la monétisation des objets connectés, puisqu’à ce jour, seulement 30 % des organisations ayant lancé des initiatives sur ce sujet en tirent  des bénéfices économiques réels.

Quelles sont les freins à la monétisation des objets connectés ?

Il existe, pour nous, trois difficultés majeures.
D’abord, la sécurité et la protection des données des clients. Or, l’Internet des objets est un vaste réseau de connexions facile à pénétrer pour les pirates. On estime que 750 000 spams sont envoyés chaque jour à des objets reliés à Internet. Ces derniers sont souvent mal sécurisés par les constructeurs : absence de mot de passe, accès libre au serveur, identifiant non personnalisé comme le montre l’exemple d’un réfrigérateur piraté volontairement par la société Proofpoint, spécialisée dans la sécurisation des données.
Par ailleurs, un objet connecté doit être facilement connectable à d’autres périphériques. C’est toute la valeur ajoutée d’un objet connecté. Or, faute de standard et de coopération entre les différents écosystèmes, seules 13 % des entreprises sont parvenues aujourd’hui à intégrer leurs objets connectés  avec d’autres objets offerts par des tiers. Il faut donc redessiner en amont tout un nouvel écosystème de coopération et de partenariat entre sociétés dont les métiers sont parfois très différents les uns des autres, pour pouvoir mettre en œuvre une vraie révolution de l’Internet des Objets.

Quels sont les leviers pour monétiser son activité dans l’Internet des Objets ?

Il existe, pour nous, quatre grands modèles de monétisation.
La première approche consiste à proposer des objets premiums avec des options de connectivité via des applications mobiles, permettant in fine de justifier un prix relativement élevé à la vente. Un exemple intéressant est celui de l’ampoule intelligente qui est contrôlable grâce à une application sur smartphone et facturée dix fois plus cher qu’une ampoule classique. Le principal argument de vente utilisé est le caractère novateur de cet objet, unique sur le marché.
La deuxième approche, plus élaborée, consiste à offrir des services intégrés à des produits déjà existants et qui n’étaient pas connectés. Ainsi, Volkswagen propose à ses clients une solution e-mobile nommée « Car-Net » disponible sur ses véhicules. Elle comprend notamment des fonctionnalités comme Google Earth©, Google Street View©, recherche d’emplacement de parking, accès aux données internes de la voiture sur votre smartphone, et l’info trafic en ligne en échange d’un forfait mensuel d’environ 15 €.
La troisième approche est fondée sur la commercialisation des données générées par les objets connectés. Après la collecte, l’analyse et le traitement de ces données, il est possible de les vendre telles quelles, de les proposer sous forme d’une offre packagée ou bien de s’en servir comme objet promotionnel. Michelin Solutions, par exemple, offre aux transporteurs routiers une solution packagée qui s’appuient sur la récupération des données générées par les poids lourds afin d’optimiser leur utilisation. Grâce à ces données, Michelin propose à ces professionnels de réduire la consommation de carburant ou de respecter les contraintes environnementales. Ce service est facturé sur une base annuelle et pour chaque véhicule concerné.
Enfin, le dernier modèle de revenus repose sur la création d’un écosystème d’objets connectés qui interagissent les uns avec les autres. Plus cet écosystème est large, plus la valeur ajoutée créée est importante. Il est composé de développeurs de logiciels et applications, de constructeurs de matériel, et de fournisseurs d’accès. Ce système permet à chaque acteur impliqué de percevoir une rémunération grâce à la vente du produit au consommateur final, mais aussi grâce aux transactions effectuées entre toutes les parties prenantes. SmartThings propose ainsi une application domotique qui contrôle à distance votre domicile (ouverture des fenêtres, fermeture de la porte d’entrée, réglage du chauffage). L’entreprise a notamment collaboré avec Philips, Belkin, Android et iOS pour mettre au point sa solution et ainsi rendre possible la synchronisation de tout le mobilier connecté.

Existe-t-il plusieurs modèles de rémunération ?

Oui, car il n’existe pas de formule unique pour se lancer sur ce marché. Si l’on reprend les quatre modèles figurant sur le schéma-ci-dessus, les entreprises doivent considérer leur situation de départ et le marché potentiel, pour ensuite opter pour l’un de ces modèles.
Offrir du matériel connecté à un prix premium est une première étape pour les entreprises qui ne sont pas encore présentes dans ce marché. Les fabricants traditionnels placent des capteurs sur leurs produits pour les rendre  « intelligents » et ainsi générer une valeur supplémentaire pour leur client.
Les entreprises qui offrent des produits à fort engagement et qui impliquent une consommation quotidienne ou répétée, devraient considérer le modèle de vente de services. Les services dédiés à l’automobile sont un bon exemple de ce type de produit. Une offre de base, souvent gratuite, permet aux consommateurs de se familiariser avec l’utilisation du produit.
Les entreprises en possession d’une grande quantité de données clients peuvent s’en servir comme principale rémunération. La commercialisation des données clients ne doit cependant pas se passer d’une garantie de confidentialité ni de l’accord des clients.
Enfin, les organisations qui ont déjà une large gamme de produits et de services qui sont déjà connectés, doivent construire un véritable écosystème avec leurs fournisseurs et parfois avec certains concurrents, afin d’offrir à leurs clients des solutions globales, clés en main, qui décupleront leurs bénéfices.

Comment relever le défi de la monétisation des objets connectés ?

L’Internet des Objets est un phénomène technologique de masse qui a le potentiel de créer un monde 100 % connecté, donnant la possibilité à tous les acteurs marchands de générer des sources de revenus supplémentaires. Or, aujourd’hui, plus de 70 % des entreprises ne génèrent pas de revenus de leurs offres d’objets connectés. Des pistes existent pourtant, il s’agit à présent de les creuser pour anticiper sur une évolution forte des conditions de marché, en bonne partie bousculées par les offres innovantes des start-up.