L'opposition entre sites et applications mobiles est-elle obsolète ?

Outre la rivalité entre web mobile et apps (iOS, Android, etc…), les mobinautes se tournent également vers les applications de messagerie qui ambitionnent à leur tour de devenir des plates-formes. Pour les professionnels du digital, l'environnement mobile se complique.

Faut-il renoncer à concevoir sa propre application en développant de simples API ? Le web mobile pourrait-il un jour devenir aussi performant qu'une application ? La Mobile Marketing Association France a réuni mardi dernier à Paris un parterre de spécialistes pour discuter de la complexification de cet environnement mobile et tenter d'apporter quelques réponses….

De gauche à droite : Philippe Dumont, Administrateur @ Mobile Marketing Association France, Romain Coirault, Directeur Marketing @ LeCab, Rémi Guyot, Head of UX @ BlaBlaCar et Paul-Henri Bédry, Directeur Projets Mobiles @ Le Figaro.

Selon une récente étude comScore réalisée aux Etats-Unis, le temps consacré aux écrans d'ordinateurs classiques a subi une baisse de plus de 16% au cours des 12 derniers mois. Et en parallèle, celui consacré aux écrans mobiles progressait de 16% pour capter désormais plus des 2/3 de l'attention des internautes, devenus principalement mobinautes. Un engouement pour le média mobile qui s'est également traduit par une explosion de l'offre d'applications, qui a doublé en 3 ans pour franchir le seuil des 2 millions d'applications téléchargeables sur les stores d'Apple ou Google.

"Le Figaro a lancé ses premières applications en 2009 et a rendu son site web responsive en 2012. Aujourd'hui, notre audience est majoritairement mobile avec 35% réalisés au sein de nos applications. Cette audience est tellement stratégique que nous avons d'ailleurs décidé de ré-internaliser le développement des applications et de lancer une rédaction dédiée", indique Paul-Henri Bédry, Directeur Projets Mobile au Figaro.

"Chez BlaBlaCar, nous avons toujours considéré que nous avions 3 plates-formes : le Web desktop, les applications et le web mobile mais nous avons clairement privilégié jusqu'à présent les deux premières. Désormais, nous sommes en train d'uniformiser les expériences et donc d'améliorer le web mobile, qui ne peut se limiter à être un canal d'acquisition, en offrant une expérience similaire à celle de nos applications", explique Rémi Guyot, Head of UX chez BlaBlaCar.

"LeCab a lancé fin 2012 son application mobile mais le gros de notre activité était en fait réalisé en BtoB, via notre site web et notre call center. Aujourd'hui, l'expérience web mobile est moins bonne que celle sur l'application ou le web desktop. Notre priorité est plutôt de faire grossir notre base d’utilisateurs d'applications, en particulier sur Android, que nous avions un peu délaissé au profit d'iOS", ajoute Romain Coirault, directeur marketing LeCab. 

Vers un rapprochement entre web mobile et apps ? 

Devenu en quelques années le numéro 1 du smartphone avec le succès du système d'exploitation Android, Google cherche néanmoins à rapprocher cet environnement du web, avec des "Progressive Web Apps", des sites web mobiles accessibles depuis l'écran d'accueil du smartphone, et surtout prochainement les "Instant Apps" pouvant être téléchargées à la volée, sans avoir à passer par un store. 

"Les applications ont un temps d'avance sur le web en termes d'expérience utilisateur mais les choses sont peut-être en train de changer avec les technologies proposées par Google. Autant nous avons un véritable questionnement sur la technologie AMP, qui permet d'accélérer les pages web mobiles, autant nous allons clairement investir dans les Progressive Web Apps, qui hissent le web au niveau des applications. Nous réalisons des tests sur Android et des fonctionnalités comme les push notifications nous permettent de mieux segmenter nos lecteurs. Nous allons également tester la technologie Instant App, qui permettrait à nos lecteurs de consulter un article sans avoir à télécharger une application. Nous voyons cette technologie comme le chaînon manquant de la découverte d'applications sur Android", explique Paul-Henri Bédry, Directeur Projets Mobile au Figaro. 

"Il ne faut pas perdre de vue que les deux tiers des gens ne téléchargent pas d'applications, et qu'ils se satisfont d'une dizaine d'applications qui sont très dures à déloger. Pour un usage quotidien, l'application est sans doute pertinente. Mais pour un service qui sera utilisé une douzaine de fois par an, le web mobile peut paraitre suffisant. Du coup, certaines innovations sont très intéressantes à l'exemple des Progressive Web Apps. On peut créer un lien directement depuis l'écran d'accueil de son smartphone ou encore bénéficier de notifications ciblées. Nous regardons également la technologie de la Single Page App, qui permet un téléchargement du squelette une fois pour toutes, et ensuite de simples mises à jour du contenu. La technologie Instant App, c'est peut-être le meilleur des deux mondes, qui permettra de réduire la friction du téléchargement tout en offrant un accès instantané à l'application", indique Rémi Guyot, Head of UX chez BlaBlaCar. 

"Pour le moment, nous ne travaillons pas sur les technologies d'Instant App ou de Progressive Web App. Nous donnons la priorité au développement de nos applications et à des leviers tels que les push notifications. Nous travaillons notamment sur le deeplinking afin d’optimiser l’UX de nos campagnes d’acquisition et de réactivation sur mobile en permettant la redirection directement vers certains écrans de l'application. Et sur iOS, nous allons intégrer les dernières innovations d'Apple telles que Siri ou Apple Pay, afin de proposer une expérience toujours plus simple au consommateur et bénéficier d'une meilleure exposition sur l'App Store", complète Romain Coirault, Directeur Marketing LeCab. 

Les messageries vont-elles cannibaliser web mobile et apps ? 

Visiblement inspiré par Tencent, dont la messagerie mobile WeChat est en train de cannibaliser le web mobile chinois, Facebook entend transformer ses applications Messenger et WhatsApp en véritables plates-formes, capables d'héberger des applications tierces, de proposer des push notifications, des outils d'Intelligence Artificielle voire des paiements. Avec de telles solutions, faut-il dès lors encore développer sa propre application ? 

"Il y a un effet de buzz autour des applications de messagerie et des chatbots mais je suis sceptique. L'Intelligence Artificielle ne tient pas vraiment ses promesses et se limite souvent à de simples moteurs de règles qui automatiseront sans doute certaines tâches de service client, mais qui ne mettront pas en péril nos applications", nuance Paul-Henri Bédry, directeur projets au Figaro. 

"C'est un sujet que nous sommes encore en train d'explorer afin de comprendre comment cela peut servir nos usages. Au-delà du phénomène chatbot, nous regardons comment nous pourrions interagir sous forme d'une conversation, dans une interface épurée. On ne s'appelle pas BlaBlaCar pour rien et nous cherchons à comprendre comment nous pouvons nous insérer intelligemment dans la conversation entre un conducteur et un passager", explique toutefois Rémi Guyot, Head of UX chez BlaBlaCar. 

"Nous sommes justement en train de développer un prototype pour automatiser la relation client sur Facebook Messenger. Pour le transactionnel, nous verrons par contre plus tard. Notre priorité reste le déploiement de notre API au sein d'autres applications ou sites internet tierces, telles que Google Maps par exemple", affirme Romain Coirault, directeur marketing LeCab. 

Vers une complexification de l'environnement mobile

Site responsive, Progressive Web Apps, Instant App, Applications natives iOS ou Android, Applications de messagerie devenues de véritables plates-formes ouvertes aux API tierces… on l'aura compris, l'écran du mobile masque en réalité une demi-douzaine d'environnements différents qu'il convient de ne pas négliger en veillant à offrir une expérience homogène à ses utilisateurs.

Un objectif qui nécessite d'une part de s'équiper des bons outils, afin de bien analyser ces environnements différents du web desktop, mais également d'améliorer en permanence l'expérience d'utilisateurs, aussi mobiles qu'infidèles aux marques qui ne les satisferaient pas. 

Article rédigé par Jérôme Bouteiller, Journaliste.

Retrouvez en vidéo l'intégralité du Petit-déjeuner de la Mobile Marketing Association France enregistré dans les locaux de Facebook France, à Paris, le mardi 27 septembre dernier.