Robinson Technologies, le très discret champion français de l'IoT BtoB

Robinson Technologies, le très discret champion français de l'IoT BtoB Cette holding s'est construite au fil des années à coups de rachats d'entreprise pour répondre à l'ensemble des besoins des grands comptes, dans l'Hexagone comme à l'international.

Jean-Luc Bernard, le président de la holding Robinson Technologies,  est un homme discret mais un homme d'action. Depuis 2014, cette fourmi travailleuse assemble patiemment les briques qui lui permettent de construire un leader de l'Internet des objets BtoB, sans en faire la publicité. Créé en 1991, son regroupement d'entreprises rassemble une vingtaine de sociétés. Quatre d'entre elles collaborent étroitement pour prendre un maximum de parts de marché dans le secteur du conseil IoT et de la fabrication d'objets connectés pour les professionnels.

Cette escadrille est emmenée par Eridanis, un spécialiste du conseil IoT, qui aide les entreprises à développer et à intégrer ces produits communicants complexes dans leur système d'information. Créée en 2014, la société réalisait deux ans plus tard deux millions d'euros de chiffre d'affaires. "Ces résultats vont doubler tous les ans d'ici 2020", souligne Jean-Luc Bernard. 

La société de conseil IoT Eridanis a réalisé deux millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016, un résultat qui devrait doubler chaque année d'ici 2020 

Eridanis a installé son siège social à Londres, espérant pêcher de gros poissons. "Nous avons tout de suite voulu apparaître comme une entreprise française capable de délivrer ses services à l'international car notre cœur de cible est constitué de grands groupes présents dans plusieurs pays. En deux ans d'existence, Eridanis s'est installée sur quatre territoires : la France, le Royaume-Uni, le Canada et Singapour. Elle a par exemple assisté mi-2016 les Chemins de fer canadiens dans le déploiement de capteurs permettant de suivre à distance l'état de leur infrastructure (température et vibration des rails par exemple) pour faire de la maintenance prédictive. Elle a également signé un contrat avec Transport Montréal, l'équivalent local de la RATP parisienne.

L'entreprise s'appuie dans ces quatre pays sur la connaissance marché de sa grande sœur Astek, société de conseil en informatique au chiffre d'affaires supérieur à 200 millions d'euros en 2016. Fondée en 1989 et implantée dans 15 pays, cette ETI fait aussi partie de Robinson Technologies. Elle apporte à Eridanis une partie de ses clients (au nombre desquels se trouvent Orange, Air France ou encore le laboratoire pharmaceutique Roche), dont elle connaît bien le secteur d'activité et les besoins, sur des thématiques spécifiquement IoT.

Une fois les besoins du client cernés et le cahier des charges des objets connectés défini, plusieurs solutions s'ouvrent. Il peut développer l'appareil seul ou en confier la production à Robinson Technologies et ses filiales. C'est là que la société Axible entre en scène. Fondée en 2005 et basée à l'IoT Valley à Labège, dans la banlieue de Toulouse, elle crée et fabrique des solutions de contrôle d'accès et de maintenance industrielle basées sur le réseau IoT Sigfox. Elle fabrique l'objet matériel en tant que tel mais également l'application qui permet de l'utiliser.

Axible crée et fabrique des solutions de contrôle d'accès et de maintenance industrielle basées sur le réseau IoT Sigfox

La société commercialise essentiellement ses solutions sous forme de Software as a Service. "Le client n'a pas besoin d'investir massivement pour développer le produit. Axible peut se baser sur une solution créée pour un groupe qui lui ressemble et adapter le système. En échange, l'entreprise s'engage à payer un abonnement pendant trois ans pour accéder au système applicatif qui permet de piloter l'objet", explique le patron. Axible a réalisé en 2016 un chiffre d'affaires d'1,4 million d'euros, qui devrait doubler chaque année pendant au moins trois ans si la filiale atteint ses objectifs.

Astek a lancé depuis une dizaine d'années un programme de soutien aux start-up. "Nous proposons chaque année aux fondateurs d'une à deux jeunes pousses de développer à 100% leur technologie. Ils peuvent ainsi se concentrer sur la création du produit et la recherche de clients et d'investisseurs. En échange, nous prenons entre 15 et 30% des parts de l'entreprise", explique Jean-Luc Bernard. Dans ce cadre, Astek a injecté des fonds dans la start-up Diet Sensor, qui commercialise un appareil permettant de scanner les aliments pour connaître leur valeur nutritionnelle. "Cette entreprise scientifique, dont l'objet connecté est complexe, est un faire-valoir de nos talents dans le monde de l'IoT, elle nous permet de montrer à nos clients ce que nous pouvons réaliser", expose le dirigeant.

Mais les clients d'Eridanis peuvent également n'avoir besoin que de capteurs très simples, qui ne nécessitent pas un travail de développement important. C'est là que la quatrième roue du carrosse, Sen.se, entre en scène. Créée en 2010 par le serial entrepreneur Rafi Haladjian, la start-up a été rachetée à 80% par la filiale de Robinson Technologies Eridanis en juin 2015. 

Le ThermoPeanut de Sen.se coûte 29 euros. © capture Sen.se

L'an dernier, Sen.se a lancé les Peanut, une gamme de capteurs basiques faciles à utiliser et low-cost destinés au grand public. L'un de ces produits, le ThermoPeanut, permet par exemple à son utilisateur de consulter la température. Le PeanutGuard, accroché à un objet de valeur comme un vélo, permet de savoir s'il a été déplacé pendant son absence grâce à un détecteur de mouvements… Ces produits coûtent 29 euros l'unité.

Pourquoi avoir intégré cette jeune pousse au focus BtoC à une galaxie de sociétés qui ciblent le marché professionnel ? "Lorsque nous avons lancé la gamme Peanut, de nombreux groupes nous ont contacté. Ils étaient intéressés par ces capteurs low-cost, dont les coûts de développement sont amortis sur les gros volumes de vente BtoC (Sen.se compte écouler au minimum un million de ses Peanut en 2017, ndlr). Par ailleurs, les professionnels qui optent pour ces appareils sont certains de ne pas avoir de mauvaises surprises car le produit a été testé à grande échelle. C'est essentiel dans le monde du hardware, où retravailler sur un objet qui ne fonctionne pas coûte très cher. Dans l'IoT, nous sommes la seule entreprise BtoC à travailler main dans la main avec des acteurs BtoB, c'est pourtant un modèle qui fait sens, sans mauvais jeu de mot", répond le patron de Sen.se, dont la société vise les 10 millions d'euros de chiffre d'affaires dès 2017.

Lorsque l'ensemble des 18 capteurs de la gamme seront sortis d'ici deux ans, les Peanut pourront remplir une quarantaine de fonctions de base, utiles à de nombreuses entreprises. "La loi sur la pénibilité du travail oblige les employeurs à mesurer la température à laquelle sont soumis leurs salariés. Les restaurants peuvent par exemple équiper leurs commis de cuisine de ThermoPeanut pour collecter cette donnée", illustre Jean-Luc Bernard. Les pros peuvent acheter directement les Peanut de Sen.se ou en intégrer simplement la technologie dans leurs produits. 

Robinson Technologies a également choisi de mettre la main sur Sen.se car son cofondateur et patron Rafi Haladjian est considéré par beaucoup comme le père de l'Internet des objets. Il a créé en 2003 la société Violet, qui a développé et commercialisé le premier objet connecté grand public, le lapin Nabatzag. L'appareil est capable de lire les mails de ses utilisateurs, de diffuser des morceaux de musique, de donner la météo… Cette figure populaire permet à Jean-Luc Bernard de donner un verni sexy à son business IoT et d'attirer plus facilement dans le giron de Robinson Technologies de jeunes ingénieurs et informaticiens, dont les entreprises du secteur s'arrachent les talents. 

Pour financer l'expansion rapide de son activité IoT, le patron de Robinson Technologies pourrait lancer son pool d'entreprises en Bourse (sans y intégrer Asteck, qui n'est qu'indirectement concernée par le business). "Je ne vous dit pas que je ne le ferai pas, ce qui est une réponse...", glisse malicieusement Jean-Luc Bernard. Si cette opération se concrétise, elle pourrait donner au groupe un surcroît de notoriété, une façon à nouveau d'attirer des profils intéressants, capables d'alimenter la machine.