SNCF, ERDF : comment les entreprises utilisent l'IoT pour prévenir les pannes
Des capteurs intelligents placés sur les lignes de production, ou les réseaux d'infrastructures, permettent de limiter l'usure du matériel et d'anticiper les problèmes.
Un agent de la SNCF est accroupi sur le bord des rails. Son équipement portatif lui permet de faire des analyses de l'usure du matériel, de scruter minutieusement des kilomètres et des kilomètres de voies pour éviter que ne se reproduisent des catastrophes ferroviaires comme celle de Brétigny-sur-Orge.
La SNCF disposera prochainement de données précises remontées en temps réel par des capteurs
C'est avec ce type d'inspections périodiques que la société de transport veillait jusqu'à présent au remplacement du matériel usé. Ces opérations de maintenance prévisionnelle sont censées prévenir la casse des équipements en amont au lieu de les réparer après. Mais prochainement, pour éviter les accidents, la SNCF disposera de données nettement plus précises remontées en temps réel par des capteurs.
Le groupe a annoncé ce 12 avril un vaste plan de déploiement de capteurs IoT sur les 50 000 kilomètres de voies, dans les 40 000 centres techniques, sur les 2 200 systèmes d'aiguillages, dans l'ensemble des gares et les rames qui constituent le réseau SNCF. Entre 2015 et 2017, la société va investir dans 600 millions d'euros dans son plan de transformation digitale. Plus de la moitié de cette somme sera consacrée à l'IoT industriel, a affirmé le président du directoire du géant tricolore des transports Guillaume Pepy, lors de la conférence de présentation du projet.
"Nous jouons la course en tête avec l'IoT. Nous appliquons à ce projet la méthode fast and furious, pour devenir plus compétitifs", a souligné le patron. "L'Internet industriel sera l'un des très hauts contributeurs de nos deux plans de performances réseau et mobilité annoncés en 2015, selon lesquels nous réaliserons respectivement 537 et 966 millions d'euros d'économies entre 2015 et 2020", conclut-il.
Intesens, entreprise spécialisée dans les solutions de surveillance à distance des infrastructures et des machines, teste en ce moment avec le groupe différents types de capteurs intelligents, notamment sur les voies qui parcourent l'ancienne région du Languedoc-Roussillon. Créée en 2009, la jeune pousse a notamment développé un petit thermomètre connecté. En cas de surchauffe, les rails se dilatent avant de se rétracter. Pour éviter qu'ils ne se déforment au passage des trains, le capteur envoie un signal et la SNCF demande à ses chauffeurs de réduire leur vitesse.
Des capteurs déployés sur 30 000 km de rails
"Nous avons également travaillé sur un capteur capable de calculer le nombre de fois où les systèmes d'aiguillage des trains sont actionnés. Lorsqu'un certain seuil est franchi, l'objet connecté alerte la SNCF, qui envoie un agent pour graisser le matériel et éviter qu'il ne s’abîme", explique Xavier Lafontan, le président d'Intesens. Ces deux appareils en cours d'homologation seront déployés en 2017 sur les 30 000 kilomètres de rails actuellement en service que compte la SNCF en France.
Ces capteurs reviennent 10 fois moins chers qu'un système de maintenance prédictive classique
Ces outils de maintenance prévisionnelle IoT intéressent également les industriels. Ils peuvent les placer sur leurs lignes de production pour vérifier par exemple si le niveau de vibration des machines n'est pas trop important (signe de l'usure d'une pièce), éviter les pannes et donc maximiser l'utilisation de leur outil de production ainsi que leur chiffre d'affaires.
"Ces capteurs intelligents reviennent en moyenne 10 fois moins cher qu'un système de maintenance prédictive périodique classique", souligne le patron d'Intesens, qui travaille aussi avec ERDF et Réseau de transport d'électricité (RTE), deux filiales d'EDF qui ont comme la SNCF un vaste réseau d'infrastructures à entretenir. La jeune pousse teste actuellement avec ERDF des capteurs de mesure de la tension électrique disposés sur le réseau basse tension (celui qui alimente les ménages en électricité). Ils envoient un signal à l'entreprise lorsque l'électricité ne circule plus dans les câbles, lui permettant d'intervenir au plus vite et donc d'éviter de trop longues pannes.
Travail de sensibilisation
Pourquoi les coûts de ces capteurs sont-ils bas ? "L'électronique embarquée industrielle a bénéficié des avancées de l'électronique grand public. La R&D réalisée pour ce segment de marché, amortie grâce aux importants volumes de vente, a permis d'effectuer d'importantes avancées dans le secteur du BtoB et de faire baisser les prix", analyse le directeur national du programme Cap'tronic Jean Philipe Malicet, qui aide les PME françaises à devenir plus compétitives en intégrant des capteurs dans leurs produits.
Mais même si les appareils sont désormais disponibles à faibles coûts, certains patrons ne sont pas encore prêts à basculer à un système de maintenance prédictive IoT. "Un travail de sensibilisation reste à réaliser. Les entreprises qui vendent ces objets connectés industriels réalisent actuellement des études de retour sur investissement, qui seront à même de convaincre les dirigeants de changer de politique", affirme Jean-Philippe Malicet.