Préparez-vous à de nombreuses fusions-acquisitions dans l'industrie high-tech

Préparez-vous à de nombreuses fusions-acquisitions dans l'industrie high-tech Le poids des fonds d'investissement dans le capital des groupes actifs sur le marché des acquisitions et les entrées en bourse tardives affectent le marché des fusions-acquisitions. Les opérations de croissance vont être plus nombreuses.

Le nombre de fusions-acquisitions continue de progresser partout dans le monde. Les données de Thompson Reuters ont montré que, rien que l'année dernière, ces deals ont été passés à hauteur de 3,5 trillions de dollars. Une somme proche du plus haut historique de 2007. Sur cette somme, les entreprises technologiques pèsent 214 milliards de dollars, s'approchant des records de 1999 et 2000, selon Qatalys Partners.

Cependant, la force manifeste du marché des fusions-acquisitions dans l'industrie technologique masque la réalité. La grande majorité des acquisitions dans l'industrie technologique depuis la crise financière correspond à des transactions dont l'objectif premier n'est pas la croissance ; il s'agit d'accords pour un retrait de la cote ou de consolidations menées par de grosses entreprises IT déjà bien en place.

Sur les 900 milliards de dollars de "mariages" technologiques réalisés depuis 2009, seulement 10% correspondent à des stratégies de croissance, ou la cession d'entreprises privées financées par des fonds de capital-risque qui connaissent une expansion rapide ou des fournisseurs de SaaS.

Et même ces données sont déformées. Car près de 60% du volume de fusions-acquisitions dans l'industrie IT sont réalisées par 5 groupes : Facebook, Google, Microsoft, Oracle et SAP. Trois deals comptent même pour 40% du total : l'acquisition de WhatsApp par Facebook pour 19,5 milliards de dollars, l'achat de Skype par Microsoft pour 8,5 milliards de dollars et la prise de contrôle de Concur par SAP pour 9,1 milliards de dollars.

Près de 60% du volume des fusions-acquisitions de croissance dans l'industrie IT sont réalisées par Facebook, Google, Microsoft, Oracle et SAP

Ce qui signifie que la majorité des fusions-acquisitions de l'industrie IT n'a pas clairement pour objectif de soutenir les valeurs de croissance mais plutôt les technologies à faible croissance dès le début du cycle de développement du produit. La hausse du Nasdaq de près de 350% depuis son plus bas de 2009, devrait conduire néanmoins à plus de fusions-acquisitions à stratégie de croissance.

Alors, quelle est la cause de cette relative pénurie de transactions à stratégie de croissance ? Les entreprises financées par du capital-risque attendent plus longtemps avant d'entrer en bourse (11 ans pour les entrées en bourse de 2014, comparé à 4 ans et demi il y a dix ans). Ces entreprises sont soutenues par la disponibilité conséquente de liquidités en provenance des fonds d'investissement (fonds communs de placement, fonds spéculatifs, fonds souverains, fonds d'investissement à plafond élevé et investisseurs stratégiques).

En raison de mouvements de capitaux de plus en plus importants des marchés boursiers vers les fonds d'investissements, les entreprises financées par du capital-risque sont plus aptes à contrôler leur avenir et donc ne cherchent pas une fusion-acquisition rapidement.

De manière contestable, beaucoup de ces entreprises ont levé des fonds qui ont établi leur valorisation à des hauteurs que peu d'acquéreurs peuvent atteindre, s'excluant elles-mêmes du marché des fusions-acquisitions. Cela signifie également que des sommes plus importantes encore doivent être fournies par les fonds d'investissement pour soutenir ces entreprises jusqu'à leur entrée en bourse ou leur vente.

Cependant, l'explication la plus inquiétante du manque d'acquisition à stratégie de croissance, c'est la paralysie des entreprises technologiques en place qui ont le plus besoin de croissance (et, accessoirement, qui ont des liquidités disponibles). Mais bien qu'ils disposent de liquidités, leurs actionnaires, à la base intéressés par la croissance de l'entreprise, sont souvent des investisseurs à la recherche de profit à court terme.

Avec 120 milliards de dollars d'actifs sous gestion, une multiplication par six au cours des dix dernières années, les fonds activistes exigent ainsi de leurs cibles des rachats d'actions, des distributions de dividendes et des cessions, parfois au détriment d'autres types d'investissements bénéfiques pour le futur de ces entreprises.

Les fonds activistes exigent de leurs cibles des rachats d'actions, des distributions de dividendes et des cessions

Ils se prosternent devant l'autel de la croissance des revenus par actions à court-terme, ignorant totalement les profits à long terme que pourrait générer un investissement dans la R&D ou les acquisitions à stratégie de croissance que la direction de l'entreprise rechercherait en d'autres circonstances.

Ceci explique en partie la somme avoisinant le trillion de dollars dépensée en rachats d'actions et distribution de dividendes par les entreprises du S&P 500 en 2014, une somme supérieure au chiffre d'affaires net généré par ces entreprises.

Au cours des cinq dernière années, près de la moitié des entreprises du S&P 500 ont compté au moins un actionnaire activiste et plus d'une sur dix a fait l'objet d'une attaque par un activiste.

Ajoutons à la croissance des actifs de ces fonds la réduction de moitié du nombre d'entreprises américaines cotées au cours des 15 dernières années. Il apparaît clairement que la pression qu'un activiste peut exercer au centimètre carré est incroyable. Prenons Yahoo, qui a réalisé 20 acquisitions en 2014 avant que Starboard Value n'acquiert des parts de son capital en fin d'année et  réclame plus de distribution de dividendes. Depuis lors, le groupe n'a pas mené d'autres acquisitions et a annoncé la cession de ses parts d'Alibaba.

Ou demandons leur avis aux directions d'Apple, eBay, EMC, HP, IBM, Microsoft et Symantec, pour nommer quelques-unes des entreprises qui subissent les pressions activistes. C'est simplement trop difficile pour les conseils d'administration d'envisager une utilisation de liquidités pour financer des acquisitions qui pourraient diluer les bénéfices par action, même si de telles acquisitions paveraient la route à des profits futurs.

Hormis SAP, il est intéressant de noter que les deux acquéreurs d'entreprises à fort potentiel de croissance les plus actifs sont Facebook et Google. Deux groupes dont la structuration du capital contrôlé par leurs fondateurs empêche les actionnaires activistes d'avoir un impact significatif sur la composition de leur conseil d'administration, et leur permet ainsi de traquer les acquisitions à stratégie de croissance de manière plus agressive.

Au cours des cinq dernière années, près de la moitié des entreprises du S&P 500 ont compté au moins un actionnaire activiste

De nombreuses fusions-acquisitions sont encore à venir. En dépit des rumeurs évoquant la création d'une bulle, il y a toujours de grosses sommes à dégager dans le secteur IT.

Des entreprises IT relativement nouvelles en bourse telles que LinkedIn, Servicenow, Twitter et Workday doivent encore s'impliquer d'avantage dans le processus de fusions-acquisitions. Bien sûr, certaines en sont encore au début du cycle de vie de leur produit et connaissent une croissance supérieure à 50%, ce qui peut tempérer leur désir de se lancer dans des acquisitions.

Mais, au cours des prochaines années, leur intérêt pour les fusions-acquisitions augmentera indubitablement au fur et à mesure qu'elles bénéficieront d'opportunités de croissance. Bon nombre de ces nouveaux venus en bourse possèdent également une structure de leur capital qui leur offrira une plus grande liberté de choix au moment où des acquisitions intéressantes se présenteront.

Mais que font alors les entreprises cotées depuis plus longtemps ? Elles ne manquent pas de liquidités (elles disposent d'un peu plus de 500 milliards de dollars) mais pourraient cependant ne jamais être aptes à réaliser une acquisition d'envergure à stratégie de croissance étant donné le poids des activistes.

Les pressions les forceront soit à stopper leur activité soit à mener des activités de cessions. Au moins quelques-unes de ces entreprises se tourneront vers une fusion-acquisition pour relancer la croissance de leur chiffre d'affaires, à l'image de la récente acquisition d'Aruba Networks par HP et de son intégration dans HP Enterprise, la banche du groupe prochainement indépendante, ou l'acquisition de Paydiant par Paypal.

Malgré tout, une question demeure : les entreprises meurtries par les attaques activistes vont-elles bâtir leur avenir en investissant sur le long terme provoquant une dilution des bénéfices à court-terme, ou vont-elles continuer à distribuer des liquidités et à s'affaiblir ? Et même dans l'hypothèse où elles essaieraient effectivement de faire face à l'avenir, elles pourraient se retrouver en compétition avec des acteurs dominants ou nouveaux, tous aptes à laisser de côté les actionnaires activistes. La course est lancée.

Scott Kupor est directeur associé chez Andreessen Horowitz.

Article de Scott Kupor, Andreessen Horowitz. Traduction par Manon Franconville, JDN.

Voir l'article original : Get ready for a major boom in technology mergers