L'offre de VoD gratuite de Cdiscount bouleverse les règles de l'industrie du cinéma

Le cybermarchand préparerait une offre de vidéo à la demande pour la rentrée. Gratuite, elle serait financée par la publicité. Un bouleversement dans l'industrie du cinéma qui interroge les professionnels.

De la vidéo à la demande non pas discount, mais gratuite. C'est ce que devrait proposer le marchand en ligne Cdiscount dès le 1er septembre, en diffusant dès films récents, selon "Le Point". Au-delà du modèle économique gratuit financé par la publicité, c'est la "chronologie des médias", c'est-à-dire le calendrier de diffusion des films sous différentes formes, qui serait bouleversée. Car ces films pourraient être regardés pour certains avant même leur sortie en DVD.

Cdiscount aurait obtenu les droits VoD "auprès des distributeurs français (tel UGC)", indique l'hebdomadaire, citant des films récents comme Le Grand Alibi de Pascal Bonitzer sorti en avril dernier. Aucun dirigeant de Cdiscount n'a pu être joint. Mais UGC, qui est aussi producteur, dément. "Nous ne traiterons pas avec Cdiscount sur les films nouveaux", assure Alain Sussfeld, directeur général d'UGC, ajoutant "ça ne veut pas dire que nous ne traiterons pas un jour avec eux sur les films de notre catalogue déjà diffusés".

Si Cdiscount a signé avec d'autres producteurs, a-t-il cependant le droit de diffuser des films en VoD cinq ou six mois seulement après leur sortie au cinéma ? "Rien ne l'empêche", affirme Michel Gomez, directeur général de l'ARP (société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs). L'accord interprofessionnel de décembre 2005 prévoyait un délai de 33 semaines après leur sortie en salles pour distribuer des films en VoD (lire FAI et professionnels du cinéma s'entendent sur une offre légale de vidéo à la demande, du 22/12/05). Mais il ne concernait que les FAI et n'avait qu'une durée d'un an, sans reconduction tacite. Or aucun nouvel accord n'a pu être trouvé depuis. Pour Alain Sussfeld cependant, "tout le monde considère que l'accord de 2005 fait encore référence".

En réalité, Cdiscount ne serait pas le premier à s'affranchir de ce calendrier. Neuf Cegetel avait ainsi diffusé en mars 2007 le film de Karl Zéro, Sego et Sarko sont dans un bateau, un mois avant sa sortie au cinéma. Ce film était disponible sur l'offre de vidéo à la demande du FAI pour 4,99 euros.

Davantage que le calendrier, c'est le modèle de diffusion gratuit qui bouleverse le secteur. Cdiscount compte financer son offre en obligeant l'internaute à regarder des écrans de publicité avant et après le film. Selon "Le Point", l'agence Havas Digital serait la future régie de cette offre. Un modèle gratuit que n'avait pas envisagé l'accord de décembre 2005.

Alors quand diffuser la VoD gratuite ? Pour le directeur général d'UGC, l'industrie du cinéma serait d'accord pour que la fenêtre de diffusion soit liée à celle des chaînes de TV gratuite. "Le seul débat est de savoir s'il faut privilégier ou non les chaînes, qui participent au financement des films", explique-t-il. Même opinion d'un responsable d'une grande organisation interprofessionnelle, qui prône une diffusion en VoD gratuite après les chaînes TV gratuites, sauf si les sites participent également au financement du cinéma.  

L'arrivée d'offres de vidéo à la demande gratuites devrait donc inquiéter les chaînes hertziennes mais aussi cryptées. Même si leur rôle important dans le système de financement du cinéma, en particulier Canal +, structure encore le secteur. "Quand on est producteur, on cherche des gens pour pré-financer son film, comme Canal ++", explique Michel Gomez, qui ajoute que la VoD gratuite financée par la publicité dévalorise l'offre de la chaîne cryptée.