Hermès obtient la condamnation d'eBay pour contrefaçon

Le site d'enchères a été condamné pour avoir laissé une internaute vendre de faux sacs Hermès. Pour la première fois en France, le tribunal a estimé qu'eBay était responsable en tant qu'éditeur de services.

Une première française. eBay a été condamné mercredi 4 juin 2008 par le tribunal de grande instance de Troyes pour avoir laissé en 2006 une internaute mettre en vente, par son intermédiaire, deux faux sacs Hermès. Le site d'enchères et la vendeuse indélicate ont été condamnés à verser 20.000 euros de dommages et intérêts au groupe de luxe. Jusqu'à présent, les tribunaux se contentaient de condamner les contrefacteurs sans pour autant punir la plate-forme de ventes ayant permis la transaction.

Il en a été autrement cette fois. eBay n'a en effet pas été reconnu complice, mais directement coupable de ce fait de contrefaçon en laissant une internaute vendre des objets contrefaits. Le TGI de Troyes a en effet estimé qu'eBay était à la fois "hébergeur" au sens de la LCEN, mais également "éditeur de services", donc responsable des contenus publiés sur son site. eBay réfléchit actuellement à l'opportunité ou non d'interjeter appel de cette décision.

Hermès se "réjouit de ce succès", qui marque selon lui, "une étape importante dans la lutte contre la contrefaçon." Mais paradoxalement, la marque n'est pas la seule à se féliciter de ce jugement. eBay salue également une "bonne et encourageante décision" de la part du TGI de Troyes. Si le site d'enchères se montre aussi satisfait de sa condamnation, c'est parce que selon lui, le tribunal a implicitement reconnu que ses actions anti-contrefaçons, dont son programme VeRo (pour "verified rights owners") étaient aujourd'hui satisfaisantes.

"Cette affaire concerne des faits qui se sont produits en 2006, rappelle le directeur Europe de eBay en charge des relations avec les fabricants et les marques, Alexandre Menais. La décision confirme que nous ne faisions pas assez pour lutter contre la contrefaçon à cette époque, mais le juge ne nous a pas empêché de vendre certaines catégories de produits et n'a pas ordonné que nous fassions plus d'efforts aujourd'hui, alors qu'il en avait la capacité."

Autre point de satisfaction pour eBay : le jugement du TGI de Troyes le condamne pour avoir manqué à son "obligation de moyens" et non à une "obligation de résultats" à laquelle sont par exemple soumis les commissaires-priseurs. Selon eBay, ce n'est pas à lui de repérer les objets contrefaits mais aux marques elles-mêmes. La plate-forme d'enchères doit en revanche leur donner les moyens de repérer efficacement les copies mises en vente par ses utilisateurs.

Même si elle n'a pas valeur de jurisprudence, cette distinction met à mal les argumentaires des marques en litige avec le site, qui affirment devoir débourser des sommes conséquentes pour lutter elles-mêmes contre la contrefaçon à la place du site d'enchères. Le bijoutier américain Tiffany, qui a intenté un procès à eBay en novembre 2007 devant un tribunal new-yorkais, se plaint notamment d'avoir dû employer, entre 2003 et 2004, deux salariés pour surveiller l'authenticité des bijoux de sa marque sur la plate-forme d'enchères.
 

En France, l'avis du TGI de Troyes pourrait en revanche avoir une incidence sur d'autres affaires similaires auxquelles doit faire face eBay. Deux jugements doivent être rendus les 23 et 30 juin dans le cadre de deux plaintes distinctes déposées par les groupes L'Oréal et trois marques du groupe LVMH (Louis Vuitton, Christian Dior Parfums, et Christian Dior Couture). LVMH réclame notamment 20 millions d'euros de dommages et intérêts.