Musique en ligne : Bruxelles prive les Sacem européennes de leur monopole

La Commission Européenne a rendu une décision modifiant le système de gestion des droits d'auteur sur Internet. En voulant abolir les monopoles nationaux des sociétés de gestion, elle s'attire leurs foudres.

Dans une décision rendue mercredi 16 juillet, la Commission Européenne modifie les règles de gestion des droits d'auteur sur Internet, en radiodiffusion par satellite et câble. Cette décision vise les contrats de réciprocité existant notamment entre les 24 sociétés de gestion collective de droits - telle la Sacem en France - toutes membres de la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs (Cisac).

Trois principes ont été instaurés par Bruxelles : tout d'abord, la liberté d'affiliation, qui permet à un ayant droit de choisir la société à qui il souhaite confier la gestion de ses droits, et qui peut être différente de celle de son pays. Enfin, l'abolition des contrats d'exclusivité et des restrictions territoriales.

Ces dernières empêchaient les sociétés de gestion de proposer des licences aux utilisateurs - radiodiffuseurs et fournisseurs de musique en ligne - en dehors de leur territoire. Les utilisateurs devaient alors obtenir une licence dans chaque pays pour pouvoir y exploiter les répertoires musicaux. Des démarches par ailleurs fastidieuses pour des plates-formes de vente de musique comme iTunes. Ces dernières devraient donc être les principales bénéficiaires de la décision européenne.

La Commission Européenne, et en particulier le commissaire à la concurrence, Neelie Kroes, voit dans ces changements un chemin vers plus de concurrence entre les sociétés de gestion, donc vers davantage de variété artistique pour les auditeurs et de meilleurs revenus pour les auteurs. Du côté des sociétés de gestion collective, l'opposition est totale. La Cisac a déclaré "regretter" la décision et rappelé qu'elle conduirait au "déclin dramatique de la création artistique, de la diversité culturelle et des moyens de subsistance des créateurs".

Bernard Miyet, président du directoire de la Sacem, juge pour sa part toutes ces mesures "théoriques et sans correspondance avec les besoins du marché". Théoriques, parce qu'il affirme que la liberté d'affiliation existe déjà depuis plus de 30 ans à la Sacem : "Nous avons revu tous nos accords bilatéraux en conséquence depuis déjà plusieurs années". Il doute par ailleurs que ces homologues européens n'aient suivi la même démarche. Même commentaire en ce qui concerne l'exclusivité des contrats.

Quant à la fin des restrictions territoriales, elle est aussi un échec à ses yeux : en l'état, il l'a juge "inopérante et sans impact". Et de s'expliquer : "les droits d'auteur sont déjà fragmentés, l'idée d'un guichet unique n'a donc pas de réalité". La décision que vient de rendre la Commission rentre en contradiction, selon lui, avec une recommandation de la même instance, faite le 18 octobre 2005, et qui encourage à ce qu'un ayant droit puisse avoir "la faculté de confier la gestion de ses droits en ligne pour l'ensemble de l'Europe à la société de son choix, laquelle pourra ainsi délivrer des licences paneuropéennes".

C'est ainsi que la Sacem a obtenu par exemple la gestion des droits en ligne en Europe du répertoire d'Universal Music Publishing et son homologue allemande celle du répertoire d'EMI. Mais aucune n'est en mesure de fournir les licences pour l'ensemble des répertoires. Pour autant, la Sacem et ces homologues européennes ne sont pas contre l'idée d'un guichet unique. Bernard Miyet aurait juste souhaité que la Commission ait "une vraie discussion avec les acteurs concernés pour élaborer des solutions pragmatiques".