Nathalie Collin (Libération) "Il faut rétablir l'équilibre entre les FAI et les créateurs de contenu"

Pour la rentrée, le JDN interviewe chaque jour un dirigeant de l'e-business qui livre ses prévisions de marché et ses objectifs pour le second semestre. Aujourd'hui : la co-présidente du directoire de Libération.

 

Libération.fr compte 2,9 millions de visiteurs uniques. Quelle est la place du Web dans la stratégie de Libération et vos projets au second semestre ?

Nathalie Collin. Après deux années de pertes d'exploitation, Libération vise l'équilibre en 2009. Nos revenus publicitaires globaux ont fondu de 12 % au premier semestre et notre objectif est de freiner cette perte à - 8 % au second semestre. Pour cela nous lançons une nouvelle formule print et deux nouvelles offres Web. Concernant Internet, il s'agit de deux abonnements payants, à six et douze euros par mois. Ce dernier comprend l'accès à l'édition du lendemain en prépublication sur Internet, l'accès à quinze ans d'archives du journal et à toutes les unes depuis 1973, ainsi que l'obtention deux fois par an d'un dossier thématique réalisé à la demande et s'appuyant sur les archives du journal. Notre objectif est d'atteindre 20 000 abonnés dans douze mois.

Comment la presse peut-elle gagner de l'argent sur Internet ?

Les fournisseurs d'accès à Internet ont une force de diffusion inégalée, ils font leurs propres sites d'actualité et tuent la presse papier historique. La situation est aujourd'hui intenable. Notre idée à Laurent Joffrin et moi-même est de rétablir l'équilibre entre les FAI et les sources d'information. Aujourd'hui la télévision finance bien le cinéma, le théâtre bénéficie de subventions, etc. De la même façon, les FAI pourraient acheter le flux d'information aux créateurs de contenus et les rémunérer sous forme de commission par exemple.

"Google doit rémunérer les créateurs du contenu qu'il exploite"

Il nous faut négocier avec les FAI. Bien sûr, les créateurs de contenus s'engageront sur une charte qualitative vis-à-vis des FAI qui mettront gratuitement l'information à disposition des internautes. Mais ce n'est pas aux internautes de payer. Les FAI, eux, sont arrivés à un niveau de maturité et enregistrent une marge de 30 à 40 %. Ils peuvent donc participer au financement de la création de contenus sans mettre en péril leur équilibre financier. Orange dépense bien 200 millions d'euros par semaine pour rediffuser les matchs de foot.

Ceci étant dit, l'argument qualitatif n'est pas suffisant. Il est nécessaire que le gouvernement s'implique dans le débat.

Que pensez-vous de la proposition de Rupert Murdoch de créer une plate-forme d'information payante aux Etats-Unis ? Et l'offensive des éditeurs italiens contre Google News ? Que doivent faire les éditeurs français selon vous ?

Je pense que la proposition de Rupert Murdoch est une régression. Ou alors il faut rendre tout payant, empêcher l'AFP de vendre ses dépêches sur le Web et Google d'agréger des contenus.

Pour revenir sur ce qui se passe en Italie, il faut dire que Google est indispensable pour être vu mais s'il agrège nos actualités, il n'est pas logique qu'il achète le fil d'actualité de l'AFP ou qu'il mette de la publicité sur Google News. Google doit rémunérer les créateurs du contenu qu'il exploite.

Au final, l'idée est de faire payer les FAI ou Google. Début octobre, un débat sur le sujet aura lieu au Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN). Les acteurs du secteur - issus du print ou pure players - sont invités à s'exprimer et à prendre position. En France, les éditeurs doivent s'allier. On ne peut pas gagner seul face à Google ou aux FAI, il faut être ensemble.

 Demain : Alexander von Schirmeister (eBay France)