Extraits : "Menace sur nos libertés", le manuel d'insurrection de Julian Assange Des attaques bien réelles contre Wikileaks

"L'enquête du jury d'accusation n'est pas le seul angle de l'attaque portée contre WikiLeaks. En décembre 2010, dans le sillage du Cablegate, plusieurs responsables politiques américains ont réclamé l'assassinat extrajudiciaire de Julian Assange, si nécessaire par l'intermédiaire d'un drone.

Des sénateurs américains ont qualifié WikiLeaks d'"organisation terroriste" et Assange de "terroriste high-tech" et de "combattant ennemi" participant à la "cyberguerre". Au Pentagone, une équipe de 120 personnes a été constituée sous le nom de WikiLeaks Task Force, ou WTF, après la publication des Iraq War Logs et du Cablegate, pour envisager les "actions à mener" contre WikiLeaks. D'autres groupes de travail officiels ont aussi été constitués au FBI, à la CIA et au Département d'État américain.

"Un acte de censure sans précédent"

Commettant un acte de censure sans précédent à l'égard d'une publication journalistique, l'État américain a fait pression sur des fournisseurs d'accès Internet pour qu'ils interrompent le service de WikiLeaks.org. Le 1er décembre 2010, Amazon a retiré WikiLeaks de ses serveurs d'hébergement et, le 2 décembre, le prestataire DNS a mis fin au nom de domaine WikiLeaks.org. WikiLeaks n'est alors resté en ligne que grâce à un effort collectif de "miroir de masse" qui a vu des milliers de sympathisants de WikiLeaks copier les données du site pour en héberger leur propre version, distribuant les adresses IP à travers les réseaux sociaux.

L'administration Obama a averti les employés fédéraux que les documents rendus publics par WikiLeaks demeuraient confidentiels – bien qu'ils aient été publiés dans les pages de certains des principaux organes de presse du monde, dont le New York Times ou le Guardian. Les employés ont été avertis que toute consultation de ces documents, que ce soit sur WikiLeaks.org ou dans le New York Times, serait considérée comme une infraction à la sécurité.

Les organismes d'État comme la bibliothèque du Congrès, le département du Commerce ou l'armée américaine ont bloqué sur leurs réseaux l'accès aux documents WikiLeaks. L'interdiction ne s'est pas cantonnée au secteur public. Des employés de l'État américain ont averti les institutions universitaires que les étudiants se destinant à une carrière dans l'administration devraient se tenir à l'écart des documents rendus publics par WikiLeaks lors de leurs travaux de recherche et dans leurs activités en ligne.

Censure financière : le blocus bancaire WikiLeaks est financé par les dons de ses sympathisants. En décembre 2010, cédant aux pressions officieuses américaines, certaines institutions financières et bancaires importantes, dont Visa, MasterCard, PayPal et Bank of America, ont refusé leurs services financiers à WikiLeaks. Elles ont bloqué les virements bancaires et toute donation effectuée par le biais des principales cartes de crédit.

"Un blocus bancaire en dehors de toute procédure judiciaire"

Ce sont des institutions américaines, mais leur omniprésence dans le monde de la finance a eu pour conséquence que des donateurs américains ou du reste du monde se sont vu refuser la possibilité d'envoyer de l'argent à WikiLeaks pour soutenir ses activités. Ce "blocus bancaire", comme on l'a appelé, a été mis en place en dehors de toute procédure judiciaire ou administrative et reste en vigueur au moment où paraît ce livre.

WikiLeaks a engagé d'importantes poursuites judiciaires dans différentes juridictions du monde pour y mettre fin, obtenant certaines victoires préliminaires, et les procédures suivent leur cours. Entre-temps, WikiLeaks a été privé de revenus, a dû faire face à des frais élevés et opère depuis près de deux ans sur des fonds de réserve. Le blocus bancaire est l'affirmation par le pouvoir lui-même qu'il contrôle les transactions financières entre tiers. C'est une atteinte directe à la liberté économique des individus.

Au-delà de ce point précis, la menace existentielle qu'il fait peser sur WikiLeaks illustre une nouvelle forme troublante de censure économique mondiale. Certaines personnes censées être liées à WikiLeaks, ainsi que des sympathisants et des membres du personnel, ont connu de mystérieux ennuis avec leur compte bancaire – allant d'incidents concernant l'activité du compte à sa clôture pure et simple".