Jean-Pierre Diernaz (Nissan Europe) Nous rassemblons nos 70 mini-sites en un portail unique

Le constructeur automobile lance une nouvelle version de son portail, destiné à centraliser l'ensemble des contenus de la marque. Son directeur marketing pour l'Europe détaille la stratégie du groupe sur Internet.

 

JDN. Vous venez de lancer une nouvelle plate-forme Web au Royaume-Uni, Nissan.co.uk. Quelle est sa particularité ? 

Jean-Pierre Diernaz. Nissan.co.uk préfigure notre nouvelle stratégie Internet en Europe, puisque cette nouvelle plate-forme va devenir commune aux 27 marchés européens. Après le Royaume-Uni, cette plate-forme sera progressivement transposée à chaque pays. Nous aurons terminé ce déploiement européen d'ici la fin du mois de septembre. La version française du portail sera disponible avant la fin du mois de juin. 

Pourquoi avoir décidé de refondre ce portail ?

Fin 2005, nous avons refondé l'ensemble de notre stratégie marketing pour donner plus de place à Internet. A l'intérieur de cette stratégie, le noyau dur, c'est notre site de marque. Or les performances de notre ancien site étaient très moyennes. Il avait cinq ans, ce qui à l'échelle d'Internet est déjà vieux, et les limites techniques de son âge. En réalisant un audit de notre site, nous nous sommes rendu compte que nous avions des temps de chargement très longs et que plus de la moitié des visiteurs quittaient le site sans y avoir passé une minute. Beaucoup d'entre eux n'arrivaient même pas aux pages produits, qui sont essentielles pour nous. Pour compenser, nous avions jusqu'à présent choisi de créer des mini-sites à côté, un peu partout en Europe. Au total, nous en avons créé plus de 70. 

Pourquoi revenir à une plate-forme unique ? 

Cette multitude de sites entraînait des problèmes de performance de search, d'alignement des marques et de confusion de messages, sans parler des coûts. D'autant que Duke, notre agence qui gérait la plate-forme principale, ne gérait pas l'ensemble des mini-sites pour des raisons d'exclusivité sur certains pays. Bref, gérer 70 sites relevait de l'usine à gaz.  

"Nous ne conservons qu'un seul portail"

Vous avez donc opté pour un grand ménage...

Oui. Nous avons fermé nos mini-sites pour ne conserver qu'un seul portail. L'ensemble de notre nouvelle plate-forme a été réalisé en rich media et fait appel à la 3D. Tous les contenus que nous mettons à disposition des internautes sont téléchargeables sur tous types de terminaux (téléphones, consoles de jeux, etc.). Nous avons apporté un soin particulier à la navigation du site en proposant en permanence deux barres de navigation en haut et en bas de l'écran. Celle du haut est très classique et permet de ne pas perdre les internautes les moins habitués à Internet. Celle du bas est beaucoup plus intuitive et permet de découvrir plus de choses sur la marque. Ce type de navigation nous permet de toucher à la fois les plus de 40 ans et les moins de 40 ans, sachant que dans l'automobile, on ne peut se passer d'aucune de ces deux cibles. 

En quoi le nouveau portail de Nissan reflète-t-il l'identité de la marque ? 

Nous voulions un site centré, non pas sur un discours nombriliste de la marque, mais sur le consommateur. Cela se traduit par exemple par sa page d'accueil qui adapte le contenu qu'elle propose à l'internaute en fonction de l'endroit d'où il vient. Des contenus différents lui seront proposés s'il arrive après avoir vu du sponsoring sur le ski ou s'il est venu depuis un site automobile sur lequel il a fait une recherche de véhicule. Ce site offre une homepage qui correspond vraiment aux internautes en poussant du contenu individualisé. 

"Remettre à plat notre plate-forme est un projet colossal"

Pourquoi avoir changé d'agence pour réaliser ce nouveau site ? 

Ce projet était un projet colossal qui a nécessité la remise à plat de notre site en 27 langues, backoffice et frontoffice, en l'espace une année. A cette occasion c'est la direction marketing de Nissan Europe qui a récupéré la gestion technique de cette plate-forme dont s'occupait auparavant la DSI. Nous ne voulions travailler qu'avec un seul partenaire qui soit responsable de la totalité de la technique comme du frontoffice, afin de gagner en agilité et en responsabilisation.  

Il était normal que nous prospections pour savoir quel était le type de partenaire qui pouvait nous accompagner pour un projet de cette ampleur. Duke, notre ancienne agence, pouvait le faire, Digitas aussi. Nous avons choisi Digitas et son agence dédiée, DNA, sur la base des propositions qui nous ont été faites. Cela étant dit, j'ai pu lire que nous nous étions débarrassés de Duke parce que nous n'en étions pas contents. C'est faux. Notre site était devenu vieux et Duke n'y était pas pour grand-chose.  

Votre position sur le marché structure-t-elle votre façon d'aborder Internet ? 

Oui. Nous représentons aujourd'hui entre 2,5 et 2,7 % de part de marché en Europe. Notre positionnement sur le marché est extrêmement clair : nous sommes un challenger. Nous essayons de cultiver au maximum ce positionnement, notamment en prenant plus de risques que les leaders du marché. En tant que challenger, nous nous devons de réagir plus vite aux innovations. Internet facilite justement ce genre de démarche. Le pire risque pour nous serait de faire ce que font les grands constructeurs, mais en plus petit. C'est d'autant plus vrai que nous avons un cœur de cible qui est beaucoup plus consommateur d'Internet que la moyenne des constructeurs. Internet est aujourd'hui au cœur de la stratégie de Nissan.  

"Nous allons encore étoffer notre stratégie de contenus"

Que représente la part du Web dans le mix média de Nissan ? 

Pas loin de 30 %, alors que fin 2005, nous n'étions qu'à 7 ou 8 %. Nous faisons beaucoup de display et surtout du rich display. Nous faisons également du paid search pour lequel nous avons adopté une méthode quasi-chirurgicale en essayant de l'optimiser quasiment au quotidien, en fonction de nos campagnes du moment. Le troisième gros pôle digital de Nissan concerne notre stratégie de contenus, qui s'appuie beaucoup sur le marketing viral pour rendre la marque plus attrayante. Cet aspect va beaucoup s'étoffer cette année avec le lancement de Nissan TV, qui s'intégrera au site d'ici un mois et demi. Nous lancerons également en fin d'année un service baptisé "My Nissan" qui permettra à nos clients de personnaliser leur univers Nissan et d'avoir un accès privilégié à des contenus exclusifs. 

Comment utilisez-vous le marketing viral ? 

Notre position de challenger nous empêche d'être présent en permanence à la télévision. Il nous faut donc gérer des périodes de plus faible communication entre deux grosses campagnes télé pour maintenir notre notoriété. Le site viral que nous avons créé à l'occasion de la seconde édition des "Qashqai car games" a par exemple réuni près de 20 millions de visiteurs uniques en Europe. Nous travaillons également avec les blogueurs, pour préparer le lancement d'un de nos prochains modèles, la Cube.  

"Notre site est un outil clé dans la gestion de la crise"

La crise économique, qui touche particulièrement le secteur automobile, vous pousse-t-elle davantage vers le Web pour communiquer ? 

Ce n'est pas un hasard si nous sortons cette plate-forme maintenant. Nous ne sommes pas les plus touchés par la crise : nous allons faire cette année + 5 % de croissance en volume alors que l'ensemble du marché baisse. Cependant, nous restons vigilants. Une plate-forme comme celle que nous lançons est parfaitement adaptée à la crise puisqu'elle a été conçue comme une machine de vente. Nous pensons générer via cette plate-forme un trafic de plus de 40 millions de visiteurs uniques en Europe. Or chaque internaute, où qu'il soit sur le site, sera à moins d'un clic d'une demande d'essai ou de brochure. Ce site est optimisé pour générer des contacts pour notre réseau de distribution. Il s'agit donc d'un outil clé dans la gestion de la crise. 

Comment abordez-vous la question de la vente en ligne ? 

Nous avons déjà commencé à proposer un système de pré-commande sur Internet avec versement d'un acompte pour l'un de nos modèles, la GTR. Ce système est disponible depuis un an alors que la voiture ne sera pas livrée avant la fin de l'année. Nous avons bâti 100 % de notre lancement sur ce système de pré-commande. Aujourd'hui, nous avons déjà réalisé nos deux premières années de vente en volume via ce système de pré-commande, ce qui représente plus de 2 000 pré-commandes. Pour une voiture de sport qui vaut 90 000 euros et s'adresse donc à une clientèle de niche, c'est beaucoup. C'est notre premier processus d'e-commerce et il ne serait donc pas aberrant que nous l'étendions prochainement à d'autres modèles.