Les drôles de méthodes de Revcontent pour éjecter Taboola et Outbrain

Les drôles de méthodes de Revcontent pour éjecter Taboola et Outbrain Le nouveau venu du secteur de la recommandation de contenus promet des CPM trois fois supérieurs à ceux de ses concurrents. Mais sa proposition de valeur sent le soufre.

La popularité de Revcontent n'a pas encore traversé l'Atlantique. Mais ce spécialiste américain de la recommandation de contenu, qui a annoncé en début d'année l'acquisition du réseau publicitaire européen ContentClick, pourrait bien venir bousculer l'équilibre du marché de la recommandation, structuré autour d'Outbrain, Taboola et Ligatus. Et cela plus tôt qu'on ne le croit.

Il faut dire que le discours de son fondateur, John Lemp, a sur le papier de quoi faire s'écarquiller les yeux de bien des éditeurs. Dans une interview, il rappelle s'être lancé "avec plusieurs années de retard" en s'autofinançant pendant que "les autres levaient des centaines de millions de dollars" pour finir par rafler aux géants Outbrain et Taboola des éditeurs déçus de leur services. 

Parmi eux, Newsweek auquel John Lemp a permis d'obtenir des CPM trois fois supérieurs à ceux obtenus jusque-là par ses concurrents, clame-t-il. Autre institution séduite, Forbes s'est engagé dans un contrat d'exclusivité pour maximiser ses revenus publicitaires sur desktop. Il y a une semaine, Reuters a rejoint le réseau d'éditeurs très sélect de Revcontent qui affirme "refuser 90% des postulants".

Tous ont été convaincus par les promesses de John Lemp, serial-entrepreneur venu de Floride, dont le profil LinkedIn ne fait pas dans la demi-mesure. En plus de son expérience de 11 ans chez Clickbooth, un spécialiste de l'affiliation qu'il a fondé en 2002 pour en faire "le premier réseau d'affiliés au monde", il s'y réjouit du lancement en février 2014 de Revcontent, leader auto-proclamé "dans la monétisation de contenus marketing".

Adossé à un poids lourd de l'affiliation

S'il n'a jamais levé de centaines de millions de dollars, John Lemp a pris le parti d'adosser Revcontent à Clickbooth qui, à défaut d'être véritablement le premier réseau d'affilié au monde, est effectivement un poids lourd du marché. Un acteur majeur dont les pratiques n'ont pas toujours été claires : en 2012, Clickbooth a accepté de verser près de 2 millions de dollars à la Federal Trade Commission, autorité de la concurrence américaine, après avoir berné les internautes avec des articles renvoyant vers des faux sites de news et promouvant des solutions de perte de poids miracles pour le compte de clients annonceurs.

Un passé qui fait tâche pour un acteur qui clame aujourd'hui, haut et fort, que "du contenu de mauvaise qualité (sponsorisé ou non) peut vite ternir la réputation de votre marque et faire fuir votre audience". Cette réputation n'a toutefois pas fait fuir Forbes, dont le site propose des recommandations de contenus en bas de page qui mettent en avant notamment des liens vers des "publications" promettant un "moyen brillant de refinancer son crédit immobilier" ici et ici.

Ces contenus pas très qualitatifs, qui s'affichent lorsque l'on utilise un VPN localisant notre ordinateur aux Etats-Unis, deviennent carrément indigestes lorsque l'on passe par une IP française. On y voit par exemple trois propositions d'iPhone à prix défiant toute concurrence (voir ci-dessous) et une landing page qui épouse quasiment trait pour trait les contours du site de La Tribune.

Exemple de bloc Revcontent qui s'affiche en bas d'un article Forbes consulté depuis la France. © Capture d'écran Forbes

Le subterfuge est grossier et la volonté de tromper l'internaute avec du contenu éditorial qui n'en est pas est évidente. La pratique renvoie directement à ce qui a valu à ClickBooth de verser 2 millions d'euros en 2012… Il n'a pas été possible d'échanger sur ce point avec Revcontent, malgré plusieurs sollicitations de notre part.

Publicité maquillée en article de La Tribune. © Capture d'écran

Pour un expert de la recommandation de contenus, la fulgurante ascension de Revcontent est symptomatique d'un secteur qui fait perpétuellement "du neuf avec du vieux". "On joue avec la sémantique pour faire passer pour de la recommandation de contenu ce qui en fait tient de l'affichage pub un peu bête et méchant", ajoute-t-il.

Mais le pari est payant ! En 2015, Revcontent a réalisé près de 100 millions de dollars de chiffre d'affaires, selon nos informations. Il espère atteindre le cap du million de dollars quotidien dans les mois qui viennent. Un objectif ambitieux mais atteignable pour notre expert.

"Revcontent ne fait pas autre chose que les deux concurrents qu'il décrie. Il lui suffit pour percer d'offrir des garanties énormes aux éditeurs et d'y diffuser les contenus d'annonceurs borderlines, toujours prêts à payer davantage que les autres". Une politique de la terre brûlée dans laquelle les éditeurs font figure de complices bienveillants et qui fait des internautes les plus naïfs les victimes.