Joanna O'Connell (Mediamath) "Travailler avec un partenaire black-box est dangereux pour un annonceur qui mise gros sur le programmatique"

La directrice marketing de la première plateforme d'achat programmatique indépendante au monde avance ses atouts face à la concurrence et détaille son offre de place de le marché de data.

JDN. Comment fait-on lorsque l'on est un indépendant comme Mediamath pour lutter à armes égales avec Google ?

Joanna O'Connell, directrice marketing de Mediamath © S. de P. Mediamath

Joanna O'Connell (Mediamath). Il faut déjà savoir que Google est autant un partenaire avec lequel nous faisons beaucoup de choses qu'un rival lorsqu'il s'agit de capter des budgets d'agences. Notre préoccupation principale est de garantir la transparence et le contrôle à nos clients, pour leur permettre de voir comment notre algorithme fonctionne, ce qu'ils achètent et pour combien. En bref, leur donner les clés du château pour qu'ils se l'approprient.

Ce que ne font pas les autres ?

Nos clients ont deux autres alternatives. La première est de faire appel à des technologies "black-box" type Criteo auxquelles ils envoient leur data sans vraiment savoir ce qui en est fait. C'est beaucoup plus facile à déployer et intéressant si le programmatique pèse une part mineure de votre budget.

Ça l'est beaucoup moins lorsque cette part représente plus de 50% de votre budget dans la mesure où vous n'avez aucune courbe d'expérience. Un jour ça marche, un jour ça ne marche pas et vous ne savez pas vraiment pas pourquoi, vu que vous ne pilotez rien. Le jour où vous arrêtez de travailler avec un Criteo, vous revenez à la case départ. Sans parler du fait que vous êtes exposé au risque de data leakage.

Et l'autre alternative ?

Ce sont des acteurs comme Google ou Appnexus qui sont aussi bien côté achat que côté vente. Un positionnement qui pose forcément la question de l'objectivité de leur algorithme d'optimisation des campagnes. Quand le DSP de Google me fait acheter sur Google, Facebook et Conde Nast, le fait-il vraiment en toute transparence ? Il faut être sûr que Google ne va pas détourner du budget normalement alloué à Facebook pour ses propres audiences…

Mary Meeker vient de mettre en lumière le gouffre qui existe entre le duo Google- Facebook et les autres en termes de croissance des investissements publicitaires. Les groupes médias doivent-ils s'inquiéter ?

L'environnement actuel est effectivement très compliqué pour des éditeurs qui se prennent la vague des adblockers de plein front et voient de moins en moins d'internautes être prêts à acheter leurs contenus. Sans compter, le fait que des plateformes comme Facebook veulent prendre la main sur la distribution de ce contenu. Difficile de dire s'il s'agit d'une magnifique opportunité ou d'un véritable danger. Ce qui est sûr, c'est que les éditeurs sont vraiment à l'aube d'un changement dramatique et vont devoir se poser la question de la pérennité de leur marque.

Je vois beaucoup de patrons de groupes médias US se poser la question et leur angoisse est palpable lors des panels dans lesquels ils prennent la parole. Si vous êtes le New York Times et que plus personne ne vient chez vous, vous pouvez légitimement vous inquiéter.

Le nerf de la guerre est la data. Vous avez annoncé en début d'année le lancement d'Helix, une place de marché de data pour vos clients. Quel type de data y trouve-t-on ?

Il s'agit de data transactionnelle remontée en temps réel depuis notre réseaux de distributeurs et e-commerçants. Une data à forte valeur ajoutée lorsqu'il s'agit de prédire les comportements d'achat des internautes. Ce qui est aujourd'hui loin d'être évident à mettre en place, tant il est difficile de trouver de la bonne data, surtout côté data tierce.

Comment avez-vous convaincu les e-commerçants  de partager un peu de leur or noir ?

En leur garantissant toute la transparence sur le fonctionnement de cette place de marché et en y instaurant des règles de sécurité drastique. La data est "hashée", complètement anonymisée, et protégée de tout data leakage. Côté agences, c'est la garantie d'accéder à de la data fraîche et pertinente. Aucun de nos e-commerçants ne peut par exemple contribuer à plus de 15% du pool de data pour ne pas le biaiser. Les retours sont excellents. L'un de nos clients japonais nous a même dit que c'était son investissement marketing le plus stratégique de l'année.

Côté data, l'autre enjeu c'est la réconciliation online-offline et in-app-web mobile. Un petit jeu où Facebook excelle grâce à son identifiant unique…

Oui et non. Certes avec ses 1,6 milliard d'utilisateurs, Facebook dispose d'une data très intéressante pour comprendre qui sont vos clients. Mais Facebook ne pouvait jusqu'à il y a peu pas identifier les non-membres de son réseau car il ne les trackait pas. Et il ne faut pas oublier que de plus en plus de ses utilisateurs sont mobile-only. Il lui est donc de plus en plus souvent difficile de retrouver un mobinaute sur Web fixe.

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