LinkedIn, discret géant de la pub

LinkedIn, discret géant de la pub Le CA publicitaire du réseau social professionnel s'élève déjà à 2 milliards de dollars, grâce à la brand safety et à sa data unique. Mais il reste pénalisé par un reach quotidien relativement faible.

Dans un marché pub en quête d'alternatives à Google et Facebook, c'est aujourd'hui Amazon qui attire le plus l'attention. Mais un autre acteur pourrait lui aussi venir jouer les trouble-fête : LinkedIn. Si ses ambitions publicitaires font moins parler que celles du géant de l'e-commerce, elles sont tout aussi réelles. Et LinkedIn est déjà un acteur qui compte dans les budgets médias, en témoigne un chiffre d'affaires publicitaire qui s'élèvera à 2 milliards de dollars en 2018, comme l'a révélé mi-novembre le vice-président en charge du produit chez LinkedIn Marketing Services, Tomer Cohen.

Avec près de 590 millions de membres dans le monde, dont 17 millions en France, LinkedIn ne joue pas dans la même cour que Facebook qui en compte quatre fois plus. Mais il a pour lui d'autres atouts. Alors que le réseau fondé par Mark Zuckerberg se débat avec des problèmes de brand safety, LinkedIn attire les marques à la recherche d'un contexte de diffusion de qualité. "Ses membres l'utilisent à des fins professionnelles, rappelle le PDG de l'agence Blue 449, Pascal Crifo. Tous les contenus qui y sont diffusés sont donc de très bonne qualité, de même que la donnée que la plateforme met à disposition des marques." Linkedin permet un ciblage selon des données socio-professionnelles (secteur, poste, ancienneté…) que l'on ne retrouve pas sur les autres plateformes. Facebook l'a un temps permis, mais l'annonceur ne peut plus cibler ses utilisateurs selon leur profession. Il peut tout juste toucher ceux qui ont un intérêt pour un secteur (architecture, nouvelles technos…) parce qu'ils ont liké des contenus affinitaires.

"Linkedin est une plateforme très utile pour aller chercher des audiences difficiles à toucher ailleurs"

"Cette spécificité fait de Linkedin une plateforme très utile pour aller chercher des audiences difficiles à toucher ailleurs", résume Omar Gassama, chef de projet social advertising chez iProspect. Exemple avec la niche des "personnes travaillant dans le corporate investment banking" qu'un client d'iProspect aurait bien eu du mal à trouver sur Facebook ou Twitter. "Les campagnes sont d'autant plus performantes que la donnée est beaucoup plus fiable que celle des réseaux sociaux de divertissement où les informations déclarées ne sont pas toujours le reflet de la réalité", ajoute Omar Gassama.

Sans surprise, LinkedIn est le terrain de jeu préféré des marketeurs BtoB. "89 % d'entre eux utilisent notre plateforme pour distribuer des contenus, ce qui fait de nous le canal BtoB la plus utilisé après le courrier électronique", affirme Christine Jolly, responsable agence chez LinkedIn France. Un annonceur comme KLM a utilisé des publicités vidéo afin de cibler les voyageurs d'affaires. Mais les entreprises BtoB ne sont pas les seules à s'emparer du format. "Car derrière chaque professionnel se cache un consommateur", rappelle Adrien Dedeyan, directeur conseil chez Agence79. On retrouve donc beaucoup d'annonceurs issus de secteurs tels que le luxe, la banque – assurance ou l'automobile sur LinkedIn. "Nous avons pu cibler les dirigeants avec un haut salaire pour le compte d'un annonceur qui vendait des cartes de paiement", illustre Adrien Dedeyan. Pascal Crifo prend lui l'exemple de ce fabricant auto qui avait décidé de cibler les utilisateurs qui venaient de bénéficier d'une promotion pour leur pousser un formulaire de demande d'essai partant du principe qu'un changement de statut est aussi l'occasion d'un changement de véhicule. "Cela paie car cela nous permet de travailler tôt dans le tunnel de conversion."

Une nouvelle interface d'achat en 2019

Alors que LinkedIn a longtemps vécu dans l'ombre de réseaux comme Facebook ou Twitter chez les agences médias, son rachat en 2016 par Microsoft, un autre géant du secteur, a marqué un tournant à en croire Omar Gassama. "La plateforme de gestion des campagnes a beaucoup évolué au cour des deux dernières années. C'est devenu beaucoup plus intuitif de faire de la publicité sur LinkedIn." Une nouvelle interface est actuellement testée en beta. Elle sera, selon nos informations, déployée courant 2019. LinkedIn en profite, au passage, pour muscler son offre en matière de data. "On peut désormais faire du retargeting des visites on-site grâce au pixel de conversion de LinkedIn mais aussi du ciblage look-alike de ces visiteurs", illustre Laura Sol, paid acquisition manager chez MakeMeReach. LinkedIn a par ailleurs décidé d'initier des synergies avec sa maison-mère. "Nous avons annoncé en octobre dernier l'intégration d'une fonctionnalité entre Bing Ads et LinkedIn", ajoute Christine Jolly.

Côté formats, Linkedin n'a rien inventé, préférant opter pour ceux qui ont fait leur preuve chez ses aînés. "Les posts de contenus, sponsored contents, qui s'inscrivent dans le fil d'actualité de l'utilisateur, sur mobile comme sur desktop, sont aujourd'hui les formats privilégiés par les annonceurs", révèle Christine Jolly. C'est leur polyvalence qui est plébiscitée. Ils permettent tout autant de renforcer la notoriété de la marque que d'amener du trafic vers un site via un "call to action" ou vers un formulaire via le produit intégré "Lead Gen Forms".

"Les utilisateurs consacrent trois fois plus de temps à regarder des publicités vidéo qu'à consulter des contenus sponsorisés statiques"

Le sponsored content se décline depuis début 2018 en vidéo, un format qui de l'aveu de Christine Jolly, est très apprécié des membres du réseau. "Ils consacrent près de trois fois plus de temps à regarder des publicités vidéo qu'à consulter des contenus sponsorisés statiques." Omar Gassama abonde. "Les taux de complétion sont meilleurs que sur Facebook et c'est d'autant plus appréciable que les vidéos qui y sont diffusées sont généralement plus longues." A noter que LinkedIn teste actuellement le format Stories aux Etats-Unis.

Le seul format propre à LinkedIn est aujourd'hui l'inmail, qui permet à un annonceur d'envoyer un message sponsorisé directement dans la boîte de réception de sa cible. Un format que les annonceurs doivent utiliser avec parcimonie, LinkedIn ne permettant pas à un membre de recevoir plus d'un inmail tous les 45 jours. "C'est compliqué d'avoir du reach sur ce format, il ne pèse que quelques pourcents du budget investi sur LinkedIn", concède Omar Gassama.

Un coût élevé

LinkedIn a aujourd'hui deux défauts principaux : son reach, relativement faible, et son coût, très élevé. "Seuls 35% des membres de LinkedIn sont des utilisateurs quotidiens en France", estime Laura Sol. Compliqué dans ces conditions pour une agence de réussir à délivrer le reach voulu. LinkedIn l'a bien compris et essaie de booster l'engagement de ses utilisateurs en misant sur le contenu. Des partenariats avec des experts comme Bill Gates ou Richard Branson qui y postent régulièrement du contenu ont été noués. La plateforme a également recruté des journalistes pour lancer son Récap Actu un peu partout dans le monde. Les effets se font aujourd'hui ressentir. "Le nombre de sessions des membres a augmenté de 34% en 1 an", chiffre Christine Jolly.

L'autre écueil est le coût de LinkedIn, avec un CPM moyen qui se situe aux alentours des 30 à 40 euros. "Sur la vidéo, on est 10 à 20 fois plus cher que sur Facebook", chiffre Pascal Crifo. Raison pour laquelle la plupart des agences interrogées avouent n'avoir encore qu'une utilisation marginale de LinkedIn. "Cela nous apporte une intelligence de ciblage complémentaire à des plans médias plus généraux", résume Pascal Crifo.