Didier Beauclair (Union des Annonceurs) "Les annonceurs ont besoin que les ad-exchanges soient transparents"

Le directeur médias et relations agences de l'Union des annonceurs revient sur l'essor des ad-exchanges et les questions qui entourent l'application de la loi Sapin dans ce nouvel écosystème.

JDN. Les ad-exchanges semblent faire de plus en plus d'adeptes. Quelle est la position de l'UDA à ce propos ?

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Didier Beauclair, Union des Annonceurs © S. de P. UDA

Didier Beauclair. La part d'Internet dans les investissements publicitaires des annonceurs ne cesse de progresser et avec elle, celle des ad-exchanges. Ce système de commercialisation des inventaires prend une place croissante dans les modes d'échanges, remportant un certain succès chez les éditeurs comme les annonceurs, en permettant l'automatisation des campagnes et un meilleur ciblage de l'audience. Cela, nous nous en réjouissons.

Pour autant, l'arrivée de cet écosystème s'accompagne de celle de nouvelles interfaces, les DSP (demand-side platform) et SSP (supply-side platform) et de nouveaux acteurs, les trading desks. Ce qui contribue à complexifier un peu plus la chaîne de valeur de l'achat d'espaces. Se posent alors pour les annonceurs de nombreuses questions quant au mode opératoire et à la qualification des intervenants.

L'application de la loi Sapin semble à ce titre l'une des principales interrogations...

Effectivement, notre principale préoccupation porte sur l'application de la loi Sapin au sein des ad-exchanges et les précisions à apporter autour d'un système qui se met tout juste en place. Pour que  la loi Sapin puisse être efficace, l'environnement de la transaction doit être le plus transparent possible. Les acheteurs comme les vendeurs doivent être clairement identifiés. C'est loin d'être le cas avec les ad-exchanges qui entraînent une intermédiation plus importante et pas toujours très claire. En témoigne l'importance prise par les trading-desks, les DSP ou les apporteurs de data. Autant d'acteurs dont le rôle n'est pas encore totalement stabilisé.  

Attention, loin de moi l'idée de remettre en question leur utilité. Je ne doute pas qu'ils viennent enrichir la chaîne de valeur en permettant d'optimiser la gestion des achats. Je veux juste que l'on s'assure, comme l'exige la loi Sapin, que les différentes étapes de la transaction entre l'éditeur et l'annonceur sont transparentes.

Quelles garanties attendez-vous ?

Je rappelle que la loi Sapin a fixé le cadre des flux de facturations entre les supports et les annonceurs afin que ces derniers puissent recevoir à chaque transaction l'original de la facture, l'agence media agissant pour leur compte en tant que mandataire payeur. Ce n'est aujourd'hui pas toujours le cas et nombre d'annonceurs me confient recevoir leurs factures des trading desk.

J'ajouterais que la loi a aussi été imaginée pour protéger les supports éditeurs et s'assurer que les acteurs disposant d'un pouvoir de recommandation auprès de l'annonceur ne pouvaient le monnayer. C'est-à-dire qu'une agence ne pouvait être rémunérée que par son client, l'annonceur, et ne pouvait toucher de commission en provenance d'un éditeur désireux d'entrer dans sa recommandation. C'est quelque chose qui se faisait avant l'entrée en vigueur de la loi Sapin et nous continuerons de rester vigilants sur cet aspect-là.

Comment comptez-vous vous y prendre ?

Avant toute chose, je tiens à répéter que ne nous cherchons pas à stigmatiser qui que ce soit. Nous voulons tout simplement que s'applique ce principe qui permet aux annonceurs et éditeurs de travailler dans une relation de confiance, en suivant un cercle vertueux qui a jusque-là fonctionné. Il faut pouvoir répondre à des questions aussi simples que : Quel est le prix de l'espace pour l'annonceur ? Quelle est la valeur ajoutée de chacun ? J'estime que ces interrogations sont d'autant plus légitimes que la différence entre ce que les annonceurs payent et ce que les éditeurs touchent est importante. Certes le pilotage et la data justifient une certaine marge...

Nous sommes donc en discussion permanente avec le SRI, l'Udecam et l'IAB pour essayer d'éclaircir le sujet. Nous tâchons également d'impliquer les pouvoirs publics, l'application du cadre de la loi Sapin entrant dans le champs des compétences de chacun d'entre eux.

Pensez-vous arriver à une solution ?

Je ne suis pas inquiet. La loi est sans ambiguïté et les acteurs sont de bonne foi. Je pense juste que nous avons besoin de repositionner les choses dans ce nouveau contexte que sont les ad-exchanges.

D'ailleurs nous abordons également le sujet avec nos homologues internationaux et parmi eux, les américains de l'Association of National Advertisers (Ana). Laquelle formule exactement les mêmes craintes que nous sur le sujet, à ceci près qu'elle regrette de ne pas pouvoir s'appuyer sur l'équivalent d'une loi Sapin pour fixer le cadre légal. Preuve s'il en est que cette loi n'est pas une contrainte mais au contraire l'appui qui nous permettra de clarifier le rôle de chacun.

La data se situe au cœur de cet écosystème, quelle est la position de l'UDA concernant la protection de la vie privée ?

Nous sommes actuellement en relation avec la Cnil concernant la gestion des cookies. Effectivement, la principale question concerne l'expression de l'accord de l'internaute, la Cnil recommandant l'application d'un opt-in (consentement préalable). C'est sur ce point que nous discutons également avec eux. Le guide que nous avons établi en partenariat avec d'autres associations du marketing digital était un premier pas en ce sens et nous ne désespérons pas de trouver une solution qui satisfasse tout le monde. A commencer par l'internaute dont je doute qu'il prenne plaisir à devoir donner son consentement à chaque fois qu'il arrive sur un nouveau site.