Guillaume Multrier (Président d'Isobar) "Face à Google, les agences médias devront se réinventer pour conserver une forte valeur ajoutée"

Pour le président d'Isobar, le CPM est plus bas en France qu'à l'étranger du fait du faible nombre de campagnes de branding. Il explique comment il compte s'y prendre pour amener les annonceurs à être moins frileux online.

Vous pariez sur une baisse du CPM dans les mois à venir, pourquoi ?

Quand on parle du prix du CPM il faut distinguer deux choses. Les campagnes de branding, où le CPM est entre 5 et 10 euros, et les campagnes de ROI où il est beaucoup plus bas. Aucun des deux ne baisse vraiment. C'est la part de ces deux composantes dans le nombre global de campagnes qui fait évoluer le prix du CPM moyen. Vu la période de crise actuelle, les campagnes de ROI risquent d'être privilégiées car les annonceurs ont tendance à se concentrer sur ce qui marche. Donc, je pense que le prix moyen du CPM devrait baisser dans les mois à venir.

Le prix du CPM est déjà beaucoup plus bas en France que dans d'autres pays, comme le Royaume-Uni, comment l'expliquez-vous ?

La France a une spécificité : Internet est beaucoup utilisé pour des campagnes de ROI que de branding. Quand les principaux annonceurs d'un marché sont des pures players cybermarchands, cela veut dire que le online est surtout utilisé pour récolter des clients. Et en France, le premier annonceur s'appelle eBay. Ce n'est pas le cas au Royaume Uni où les annonceurs réalisent d'importantes campagnes de branding. Avez-vous déjà vu un lancement de produit en France sur le Web ? Non. Au Royaume Uni, si. Les annonceurs français sont frileux, le conservatisme règne dans les régies historiques qui tiennent bien les annonceurs. Pour s'en persuader, il suffit de regarder la part des budgets consacrés au Web.

Pourtant, le prix du CPM a été divisé par deux en France depuis 2006, comment expliquez-vous cette tendance ?

Il est vrai que le CPM des campagnes de branding a baissé, mais pas autant. A la vue de notre expérience, je dirais de 30 % environ. La raison est macroéconomique. Le digital n'est pas un marché qui est régit par la loi de l'offre et la demande. En télévision, il y a un nombre de chaînes limité, qui proposent des créneaux publicitaires limités. Si la demande augmente, les prix des espaces suivent naturellement. Sur le digital, l'offre est quasi illimitée. Enormément d'acteurs proposent de l'inventaire. Et au final, même si le marché est haussier, les prix ne montent pas car il y a toujours des acteurs prêts à vendre leur inventaire à bas prix. Et depuis trois ans, il a même eu tendance à baisser.

Le problème est qu'il n'y a pas vraiment de barrière à l'entrée sur Internet comme sur les autres médias. Lancer un blog ne coûte rien. Par contre, lancer un magazine, une radio, une télévision coûte beaucoup d'argent...

Comment comptez-vous vous y prendre pour convaincre vos clients de maintenir leurs campagnes en 2009 ?

Les campagnes en France répètent trop souvent le même schéma : je crée un mini-site qui me coûte 10 % de mon budget, et j'achète du trafic avec les 90 % restants. Mais le nombre de gens exposés au mini-site par rapport à ceux exposés aux bannières est très faible puisque le taux de clic moyen est de 0,5 %. La mesure de performance ultime d'une campagne ne devrait pas être le taux de clic, mais le nombre de personnes qui ont vécu l'expérience de la marque. Sur son site ou ailleurs, cela n'a pas d'importance. C'est pourquoi nous cherchons de plus en plus à développer des opérations spéciales avec des sites médias. Nous devons nous rapprocher d'eux pour réfléchir aux meilleurs dispositifs possibles. C'est aussi une façon de faire du branding. Notre discours avec l'annonceur est simple : faites nous confiance dans la répartition de votre budget, et avec une bonne création et de bons contenus, vous aurez des résultats imbattables.

Vous évoquez Google. Mais après les liens sponsorisés, le groupe avance ses pions dans le display. Il commence même à vous concurrencer directement avec son outil de gestion de campagne, Ad Manager. Comment vous positionnez-vous face à lui ?

La plate-forme de Google a pour objectif de permettre aux annonceurs de se passer à la fois d'agence média et de régie. Et elle aura du succès. Tout simplement parce que Google a accès aux petits annonceurs grâce aux liens sponsorisés, et que les éditeurs voudront capter ces budgets. Mais Google n'arrivera pas à faire du tracking en restant neutre et il n'aura pas la capacité d'intégrer la partie créative d'une campagne. Les agences médias devront donc se réinventer avec comme objectif de conserver une forte valeur ajoutée, et être complémentaires avec Google.