Laurent Nicolas (Alenty) "Les éditeurs mettront leurs espaces premium en RTB lorsque ceux-ci y seront mieux valorisés"

Le fondateur de l'agence de mesure de l'exposition publicitaire revient sur l'essor du real-time-bidding, le lancement de l'ad-exchange de Facebook et le positionnement d'Alenty au sein de cet écosystème.

Où en est le marché français du real-time-bidding (RTB) à ce jour ? 

Laurent Nicolas (Alenty). Le marché français est encore en phase de décollage et représente de fait moins de 15% des investissements pub online. Cela fait un peu plus d'un an que l'on parle du RTB mais nous sommes encore dans une phase d'expérimentation avec des trading desks, des apporteurs de datas et des ad-exchanges qui commencent à se structurer. Quant aux solutions technologiques qui permettent aux annonceurs de piloter leurs campagnes, les DSP, ou aux éditeurs d'organiser la mise aux enchères de leurs inventaires, les SSP, elles sont majoritairement apportées par des acteurs américains car plus lourdes et coûteuses à mettre en place. Néanmoins, les annonceurs prennent peu à peu la mesure des opportunités qui s'offrent à eux avec une très grande flexibilité dans le pilotage des campagnes et une optimisation de leurs coûts. C'est pourquoi je pense que nous sommes proches du point d'inflexion.

Que manque-t-il encore au marché français pour décoller en 2012 ?

Les inventaires sont trop hétérogènes et sur certains sites, moins d'1% des publicités sont vues

L'un des grands freins actuels au développement du RTB est l'hétérogénéité de l'inventaire, en termes de qualité, qui y est mis à disposition. Il y a encore beaucoup trop d'invendus voire même d'invendables, avec des sites sur lesquels nous nous sommes rendus compte que moins d'1% des publicités étaient vues, parce que le format choisi ne s'y prête pas ou que l'impression servie est située bien trop bas dans la page. Si les sites veulent attirer les annonceurs qui sont exigeants concernant l'environnement au sein duquel leurs publicités apparaissent, ils vont devoir apporter des inventaires de qualité, pour tirer le marché vers le haut. Le problème c'est que certains éditeurs y sont pour l'instant réticents, précisément parce qu'ils associent le RTB aux fonds de cuve publicitaire et qu'ils ne veulent pas que leur inventaire premium soit "mis en concurrence" avec des espaces moins qualitatifs, de peur que cela tire les prix vers le bas.

Ce n'est bien évidement pas toujours le cas, on le voit avec le lancement des deux ad-exchanges médias, AdMediaPremium (TF1 Publicité, FigaroMedias, Amaury Médias et Lagardère Publicité NDLR) et Audience Square (Les Echos médias, Libération Médias, M Publicité, NextInteractiveMedia, Le Point Communication, M6 Publicité Digital, RégieObs et Express Roularta Services NDLR) mais ce raisonnement, encore très populaire, inscrit forcément le marché du RTB dans un cercle vicieux.

Une logique que l'adoption de mesures de visibilité pourraient permettre de casser...

Je pense qu'à partir du moment où les annonceurs achèteront les espaces premium à leur juste valeur, les sites seront plus disposés à mettre ces espaces en RTB. Nos mesures de visibilité, qui permettent aux trading desks ou annonceurs de déterminer combien de temps chacune de leur impression a été vue, doivent contribuer à valoriser ces inventaires à leur juste prix. En embarquant un script qui s'exécute dans le navigateur grâce auquel la publicité est servie, nous sommes capables de communiquer à nos clients le positionnement de la publicité dans la page et celui de la barre de défilement. Il suffit ensuite de croiser ces différentes données pour déterminer si la bannière a été vue 1, 5 ou 10 secondes. Cette information permet ensuite à nos clients de réajuster leurs achats sur les sites, emplacements et formats les plus efficaces. Et ainsi d'optimiser mécaniquement la portée de leurs campagnes.

Ce mécanisme s'applique-t-il aux seules campagnes de branding ou fait-il également sens dans le cadre d'une campagne d'acquisition ?

La valeur ajoutée de la mesure de la visibilité est effectivement évidente dans le cadre d'une campagne de branding, en permettant aux annonceurs d'identifier les espaces sur lesquels leurs publicités sont le plus vues et donc, c'est scientifiquement prouvé, le plus susceptible d'être mémorisées... Mais pas que ! Prenez le cas d'une campagne au clic. Pour avoir des données pertinentes concernant les taux de clic obtenus sur un site, il faut avoir servi des milliers d'impression sur ce dernier. Chose que le RTB, qui opère généralement sur des longues traines et donc sur un univers très éclaté, ne permet pas. Difficile de dire que le taux de clic moyen obtenu sur un site est de 1,5% lorsque l'on y a servi qu'une dizaine d'impressions. L'échantillon est trop faible pour être représentatif. Au contraire, la mesure de la visibilité peut aider nos clients à améliorer la performance de leurs campagnes.

Que pensez-vous de l'arrivée de l'inventaire Facebook en real-time-bidding ?

Il sera désormais possible de comparer l'efficacité des pubs Facebooks à celle des aux autres supports

Le basculement de l'inventaire publicitaire de Facebook en real-time bidding est d'abord un signe d'ouverture du réseau social californien. Il faut savoir que Facebook était jusque-là un univers extrêmement fermé au sein duquel il était difficile de mesurer l'efficacité des publicités autrement qu'en se basant sur les chiffres communiqués par le réseau social. Ce sera bientôt possible et je pense que c'est une bonne chose pour Facebook qui se donne l'opportunité de prouver que ses capacités de ciblags, et avec elles l'efficacité des campagnes publicitaires, sont meilleures que les autres.

Comprenez que sur Facebook, l'immense majorité des 900 millions d'utilisateurs est clairement identifiée. Aucun autre acteur ne peut proposer un degré de ciblage aussi pointu, qu'il s'agisse de profils socio-démographiques ou des centres d'intérêt des utilisateurs.

Votre mesure de visibilité est depuis peu une option d'Appnexus, ne craignez-vous pas que ce type de solution soit un jour intégré sans surcoût dans les DSP ?

Je ne pense pas que donner la mesure de la visibilité soit le travail d'un DSP qui, pour moi, reste un outil d'achat. Cela sera plutôt le rôle des ad-servers, et certains le font déjà d'ailleurs. Mais j'estime que comme tout outil de mesure, la visibilité doit être une donnée qui s'appuie sur des indicateurs comparables, chose qui n'est pas possible avec les ad-servers du fait de leur diversité.

Quels sont vos objectifs pour ce second trimestre 2012 ?

Nos principaux objectifs sont le développement de notre présence sur les ad-exchanges et l'intégration plus aboutie de nos mesures de visibilité à cet écosystème. Si en Grande-Bretagne, nous travaillons essentiellement avec des ad-exchanges, ce n'est pas le cas de la France où nos principaux interlocuteurs restent encore les régies publicitaires et les agences médias. Nous allons donc nous attacher à rendre plus opérationnelle l'utilisation de nos données afin de pouvoir nourrir les algorithmes de décision des DSP. Le but étant, à terme, de pouvoir maximiser les publicités vues plus de 10 secondes sur des sites de manière complètement automatique.


Laurent Nicolas a co-fondé Alenty en 2007 et est actuellement en charge de la stratégie, des produits et des partenariats de la société. Ce diplômé de ParisTech-ENSTA et d'un MBA de l'ESCP a  participé à la création des systèmes de mesure d'audience des panels de NetValue puis de Nielsen.