La SNCF lance son portail Entreprises

La SNCF ne veut pas se laisser impressionner par les effets de la crise sur les voyages d'affaires, et dote son portail Entreprises d'un moyen de paiement dédié : la carte logée. Les agences de voyage n'ont qu'à bien se tenir.

Après 6 mois de test, la SNCF vient de lancer officiellement son portail Entreprises. Portailentreprises.sncf.com propose la réservation et le paiement de billets de train en ligne, mais propose également plusieurs services payants. Parmi ceux-ci, l'affichage de la politique de voyages de la société, l'envoi de reportings détaillés et, surtout, la carte logée. Le principe de ce moyen de paiement complémentaire est simple : l'entreprise désigne un administrateur habilité à ouvrir un compte à certains collaborateurs. Ceux-ci se connectent, le portail les reconnaît et ils peuvent commander leur billet, dont l'achat sera affecté au compte de l'entreprise. Ils retireront ensuite le billet au guichet ou sur une borne automatique. (Lire La SNCF finalise un portail de réservation pour les entreprises, du 26/08/2008

"Les entreprises ciblées sont d'une part celles qui ne sont pas satisfaites par les agences de voyage et d'autre part celles qui utilisent plutôt des canaux de vente directs - guichets, téléphone et site Voyages-sncf.com - et pour lesquelles l'achat de billets est un processus lourd" explique Valérie Assayag, directrice des ventes Agences de voyage et Entreprises à la SNCF. Passer commande via ce portail leur évitera par exemple d'attendre au guichet l'impression de 50 billets de train ou de maintenir une procédure de remboursement des frais avancés par les collaborateurs.

Certes, Voyages-sncf.com dispose déjà d'un espace professionnel. Mais d'après Valérie Assayag, il n'offre pas le même type de service : "Le lancement de cet espace pro avait une logique vis-à-vis des plus petites entreprises, chez qui le paiement est décentralisé au niveau de chaque collaborateur. Le portail Entreprises et sa carte logée s'adressent à tous types d'entreprises, grands comptes y compris."

Pourtant, l'objectif ne serait pas de subtiliser leurs clients aux agences de voyage, mais plutôt de ne pas subir l'augmentation de leurs frais. "Tout a commencé en 2006, lorsque Air France a imposé une commission nulle, se souvient-elle. Les frais que les agences facturent aux clients ont beaucoup augmenté, malgré une commission SNCF stable. Or nous ne pouvions admettre que les prix des billets augmentent de 20 ou 30% à cause des frais. Nous avons donc décidé de renégocier la commission à la baisse et de mettre en place un portail Entreprises. Nous estimons sincèrement que le train a sa place dans les agences. Mais si elles continuent d'augmenter leurs prix, nous disposons maintenant d'un canal pour nous adresser directement aux clients."

Le portail Entreprises n'a donc peut-être pas vocation à concurrencer les agences, mais il contribue incontestablement à faire pression sur elles. Pour Valérie Assayag, "sa mise en place a pu faire peur à celles qui ont des relations difficiles avec leurs clients ou qui justifient mal leurs coûts. Ceci étant, le portail est monoproduit : on ne s'improvise pas distributeur multiproduit et les agences sont là pour cela."

Pour preuve que ce nouveau canal de vente n'ambitionne pas de venir grignoter la part de marché des agences, Valérie Assayag précise qu'il ne devrait rapporter que 20 à 30 millions d'euros fin 2009, à comparer au milliard d'euros de ventes annuelles en agence. "Nous ne cherchons pas à devenir trop gros. Nous voulons simplement ne pas perdre notre compétitivité dans le voyage d'affaires et satisfaire tous nos clients. Et finalement, ne pas perdre de part de marché du fait du changement des règles de distribution."

Mais le défi majeur de l'offre affaires de la SNCF tient sans doute d'abord au fait que le voyage d'affaires est frappé de plein fouet par la crise économique. D'après une enquête menée en octobre par KDS, éditeur de solutions logicielles de gestion des déplacements professionnels, 54 % des directeurs voyages, directeurs financiers et directeurs des achats en Europe pensent que la crise va forcer leur entreprise à réduire le nombre de voyages d'affaires d'ici mars 2009.
 

"Nous ne sommes pas insensibles au fait que 2009 représente un risque pour nous, admet Valérie Assayag. Mais pour l'instant, l'activité en agence, qui constitue 20 % de nos ventes Grandes Lignes et dont 85 à 90 % est du voyage d'affaires, n'est pas impactée. Ceci sachant que nous ne bénéficions plus depuis plusieurs mois de l'effet TGV Est, ni du raccourcissement du temps de parcours de l'Eurostar. C'est donc un signe important de résistance." La directrice des ventes Entreprises estime de plus que les destinations desservies par la SNCF correspondent à des déplacements opérationnels et sont à ce titre moins touchés que les longues distances, moyens ou longs courriers aériens par exemple.

Cela n'empêche pas la SNCF d'œuvrer au développement de sa clientèle affaires, notamment au travers de la dématérialisation du billet de train. A moyen terme, le voyageur n'aura plus à le retirer, à le composter ou, pour l'Eurostar, à passer par une phase d'embarquement. Les clients occasionnels auront imprimé un code barre à la façon des billets iDTGV, tandis que les clients fréquents seront reconnus par les contrôleurs via leur carte de membre, qui fera office de billet.

Si cette dématérialisation concerne l'ensemble des voyageurs, le bénéfice sera, d'après Valérie Assayag, particulièrement important pour les voyageurs d'affaires : "Comme 60 % d'entre eux échangent leur première réservation, ils seront les premiers à en apprécier les avantages. Le process d'échange est beaucoup plus simple lorsque le billet est dématérialisé."

La SNCF réalise 95 % de part de marché affaires sur Paris-Lyon, 70 % sur Paris-Marseille et 70 % sur l'Eurostar. Une bonne longueur d'avance sur ses concurrents, et autant de nouveaux clients potentiels pour son portail Entreprises.