Nicolas Brumelot (Go Voyages) "Si nous rachetons Opodo, nous créerons une différenciation avec Go Voyages"

Go Voyages fut le premier à se déclarer candidat pour la reprise du site Opodo, il y a quinze jours, lorsqu'Amadeus a souhaité vendre ses parts. Nicolas Brumelot, cofondateur et DG de Go Voyages, confirme son intérêt.

JDN. Qu'est-ce qui motive votre intérêt pour le rachat d'Opodo ?

Nicolas Brumelot. C'est une opportunité de marché puisqu'Amadeus a décidé de céder ses parts. Avec notre nouvel actionnaire Axa Private Equity, nous avions la conviction que le marché allait se consolider. Axa croit que nous avons un rôle à jouer dans cette consolidation et nous donne les moyens de le faire.

De nombreux paramètres nous poussent vers ce choix. Les synergies métier seraient nombreuses. Pour un distributeur comme nous, la taille a un impact important car il faut peser auprès des fournisseurs. D'autre part, Opodo a une activité géographiquement complémentaire de la nôtre. Il est leader sur différents marchés européens comme l'Espagne et l'Allemagne où nous sommes très peu présents. Il n'y a qu'en France qu'il y aurait une légère duplication de marché.

Quelle serait votre approche pour le marché français ? 

Il serait intéressant, en particulier en France, d'avoir plusieurs marques avec des stratégies marketing différentes, des images distinctes auprès du public, des politiques variées de tarification, de frais, de marge. Aujourd'hui notre stratégie marketing n'est pas très éloignée de celle d'Opodo. Cependant, si nous venions à racheter le groupe, nous pourrions créer une distinction. Go Voyages pourrait être le discounter très spécialisé sur le vol, tandis qu'Opodo aurait un positionnement avec plus de services, des lignes de produits plus diversifiées.

Enfin, nous somme prêts à intégrer un tel groupe car nous avons récemment restructuré nos équipes dans cette optique et parce que nos relations avec l'équipe d'Opodo sont très bonnes. Il y a donc de très nombreuses raisons de croire en ce deal. Néanmoins, sur une opération de cette ampleur, il reste une inconnue : les coûts qu'elle impliquerait.

Y-a-t-il d'autres candidats sérieux ?

Edreams est un candidat sérieux. Nous connaissons bien le fonds d'investissement qui les a racheté, Permira, car c'était l'un des deux fonds qui pouvait nous racheter en avril dernier. On a aussi parlé de fonds d'investissements intéressés par Opodo, mais je suis plus sceptique sur leur candidature. En effet, tout le monde parle d'une consolidation du secteur aujourd'hui en Europe. Or il y a deux plateformes de consolidation : Edreams d'une part et Go Voyages d'autre part. La création d'un troisième pôle par un fonds d'investissement irait dans le sens inverse du marché, cela créerait une concurrence exacerbée. D'autre part, ce fonds n'aurait pas de synergies métier avec Opodo, donc il ne serait peut-être pas prêt à mettre le prix que nous pouvons verser grâce à celles que nous anticipons.

Le seul acteur américain qui n'ait pas de présence significative en Europe et dont on pourrait penser qu'il s'intéresse au deal est Priceline. Mais le marché européen du vol sec est complexe et les Américains ont préféré se spécialiser sur d'autres services. Je ne pense pas qu'ils aient un intérêt aussi fort que nous à participer à la consolidation.

Les conditions de marché sont-elles réunies pour qu'une consolidation ait lieu ?

Il y a une grande marge de manœuvre en Europe, le marché n'est pas si mature. Nous sommes encore très loin des Etats-Unis, à l'exception de l'Europe du Nord qui a de l'avance. Il y a encore un potentiel de transfert vers le online très significatif.

La consolidation s'est accélérée cette année. A part notre rachat par Axa, il y a eu récemment une autre opération importante, en Scandinavie, lorsque Itravel a été repris par un fonds d'investissement. Notre opération avec Axa a réveillé le secteur, notamment l'intérêt des fonds d'investissement. Le marché est encore très fragmenté et les conditions capitalistiques sont maintenant réunies pour qu'une consolidation ait lieu. Il existe des sociétés de petite taille dont les actionnaires souhaitent tirer une plus-value. Ils pensent que c'est le moment de s'associer à des ensembles plus grands. Le marché est prêt pour ces changements.

Vous-mêmes, envisagez-vous d'autres rachats ? 

Oui, nous regardons d'autres acteurs. Il y a de la concurrence pour racheter Opodo mais il faut qu'il y ait une réalité économique derrière le prix qui sera proposé. Si nous ne l'emportons pas parce qu'un autre candidat est prêt à payer très cher cette acquisition, nous donnerons suite à d'autres pistes en cours. Notre objectif numéro un pour la fin de l'exercice est de réaliser une acquisition significative.

Plus largement, comment analysez-vous l'évolution du secteur ?

Il n'y pas lieu de craindre un ralentissement de la croissance du secteur. Nous pensons tenir un taux de croissance organique d'au moins 20 % sur les cinq prochaines années, dans la ligne du marché. Nous sommes à 90 % sur des prestations de vols secs. C'est là-dessus que nous faisons la différence. Mais nous avons commencé à nous diversifier vers des services plus complets comme la location de voitures, la réservation d'hôtels et les formules de séjours, ceci dans différents pays, car c'est une activité qui se développe rapidement.

Nicolat Brumelot, 48 ans, titulaire d'un MBA de l'Etat du Wisconsin, a créé sa propre société en 1986, Halfcourt, qui appartient aujourd'hui au groupe Forrest Hill. Il a ensuite été secrétaire général de Jet Sea puis de Look Voyages. En 1997, il rachète Go Voyages à Jets Tours (Groupe Air France) et relance la marque aux côtés de Carlos Da Silva, l'actuel président.