Nicolas Mendiharat (Travel Horizon) "Travel Horizon vise une croissance de 20 % en 2010"

Auteur d'une des plus importantes levées de fonds dans l'e-business en France en 2009 - 20 millions d'euros -, Travel Horizon domine le marché du ski en ligne. Bilan et projets avec son fondateur et dirigeant.

Quel bilan tirez-vous de l'année 2009 ?

Nicolas Mendiharat. Travel Horizon enregistre un chiffre d'affaires de 77 millions d'euros pour l'exercice clos au 30 avril 2010, soit une croissance annuelle de 35 %, qui s'explique par le rachat de Sportura, le numéro deux sur le marché Internet du ski hollandais. A périmètre égal, la croissance est moindre car la saison a été médiocre : la tendance est stable en France, mais le Royaume-Uni perd 10 à 15 % et les pays nordiques ont connu une saison difficile. Bref, le marché a été assez atone en 2009, du fait de la crise économique. Mais nous sommes finalement proches de nos objectifs, nous étant principalement occupés d'intégrer Sportura dans le groupe et d'améliorer nos marges. Ce n'est qu'à partir de maintenant que nous allons chercher à refaire de la croissance. L'objectif est d'atteindre une hausse de 20 % en 2010. C'est assez important sur un marché très stable depuis 30 à 40 ans, généralement peu perturbé par les crises, qui croît et diminue doucement.

"Travel Horizon a enrichi son offre par le rachat, ces trois dernières années, de cinq pure players"

Travel Horizon est l'un des leaders sur le marché du ski, pourtant vous proposez aussi des séjours en été. Comment évolue votre positionnement ? 

85 % de notre chiffre d'affaires est généré par nos offres d'hiver en Europe : location de matériel de ski, hébergement et autres services sur place. Nous adressons aussi bien les jeunes de 18 à 30 ans au travers des marques française Totem, belge Halloween, hollandaise Sportura et britannique Wasteland, qu'une cible plus familiale et premium avec Ski Horizon, ou encore ceux qui cherchent des bons plans avec Net4ski. Bref, le groupe est présent sur toutes les tranches d'âges, ce qui en fait l'un des leaders du marché en Europe.

Les 15 % de chiffre d'affaires restants sont issus de la réservation d'hôtels et de villas en France pour l'été, au travers de la marque Travel Horizon. Nous cherchons à développer des partenariats afin de vendre ces offres auprès de clients étrangers. Sur ce segment, l'objectif est d'obtenir 20 % de croissance en 2010. Nous n'avons pourtant pas de stratégie de leader sur cette offre estivale, c'est surtout un service complémentaire pour nos clients et distributeurs d'hiver. Notre cœur de métier reste le ski.

Vous fournissez vos services en marque blanche également...

Oui, nous fournissons nos offres et notre moteur de réservation à certains acteurs du marché, généralistes ou spécialistes, tels que Voyages-sncf.com, Promovacances.com et Skipass.com. Au final, nous réalisons 85 % de chiffre d'affaires en direct et 15 % via la marque blanche.

Quelles sont vos ambitions à l'international ?

Nous avons enrichi notre offre par le rachat, ces trois dernières années, de cinq pure players qui nous permettent d'être présents dans d'autres pays d'Europe. Aujourd'hui 45 % de nos clients sont français et 55 % étrangers, venant surtout de Grande-Bretagne et du Benelux. Nous sommes aussi présents en Italie et en Suède et avons la volonté de couvrir toute l'Europe, toutes les stations de sport d'hiver et tous les services. Le marché n'est pas composé que d'hébergement et de transport - qui ne représentent finalement que 50 % du volume d'affaires -, mais aussi de forfaits de ski, de cours, de livraison de courses à domicile, d'assurances ou encore de location de matériel de ski.

"Le rachat de Sportura nous permet de faire des économies d'échelle et d'offrir de meilleurs prix"

Que vous apporte la société hollandaise Sportura rachetée au dernier trimestre 2009 ?

Sportura représente déjà 30 nouveaux collaborateurs pour le groupe qui en compte maintenant 120, en dehors des 200 à 250 saisonniers avec qui nous travaillons en hiver et qui occupent des postes de réceptifs ou soutiennent le centre d'appel. C'est aussi 60 000 clients rien que sur les Alpes.

Ensuite, grâce à Sportura, nous achetons de manière plus globale et linéaire, offrant plus de volume, des dates plus larges et complémentaires suivant les différents pays. Ce qui permet d'améliorer le yield management, autrement dit le taux de remplissage des stations. L'économie d'échelle va bientôt permettre d'offrir de meilleurs prix encore.

Enfin, nous partageons également nos pratiques en termes de marketing en ligne : référencement payant et naturel, e-mailing, content management, etc. Cela nous a par exemple permis de comprendre pourquoi certaines pratiques fonctionnent ou pas et pourquoi elles pourraient aussi s'appliquer en France.

A part le rachat de Sportura, comment allez-vous employer les 20 millions d'euros levés en octobre 2009 ? Avez-vous déjà des projets ?

Oui, nous en avons plusieurs. Par exemple, depuis deux mois, nous travaillons à la création d'une plate-forme unique pour gérer l'ensemble de nos contenus et de nos bases de données clients jusque-là répartis sur une dizaine de plates-formes. Cela permettra d'améliorer le CRM. Sans oublier le regroupement d'une cinquantaine de fournisseurs sur un même système offrant dès lors des données plus fiables, moins de ruptures dans les stocks et des contrôles de meilleure qualité.

Ce projet se chiffre en plusieurs millions d'euros et nécessite deux ans de développement. Mais il est stratégique.

"Travel Horizon envisage de nouvealles acquisitions à partir de 2011"

A combien estimez-vous le poids du marché du ski en Europe et sa marge de progression sur Internet ?

Le marché du ski est le plus important segment dans le tourisme en dehors de l'aérien. Il pèse environ quinze milliards d'euros en Europe, tous canaux de distribution confondus. On estime que 10 % de la population skie soit 35 millions d'Européens.

Dans ce contexte, Internet peut apporter beaucoup tant le marché est fragmenté et complexe. Prenez Ski Horizon, qui référence les offres de 300 stations dans les Alpes. Après un an de travail, nous venons de mettre en place un nouveau moteur de réservation sur le site. Au lieu de devoir chercher les offres par station, on peut effectuer une recherche multicritères - par prix, durée, station, nombre de personnes, etc. - qui facilite le choix des internautes qui ne savent pas forcément où ils veulent aller de prime abord.

Au final, je pense que la part du Web sur le segment ski doit même être inférieure à sa part dans l'hôtellerie. Il y a encore beaucoup de gens qui réservent en direct, de particulier à particulier. C'est selon moi autant de croissance potentielle pour le Web. La part des professionnels grimpe aussi grâce à Internet où ils peuvent proposer plus de contenu, de la vidéo, et donner la disponibilité des offres en temps réel.

C'est beaucoup par croissance externe que vous développez votre activité. Comptez-vous effectuer de nouvelles acquisitions dans les mois qui viennent ?  

Oui, mais après avoir finalisé l'intégration de Sportura, disons vers la fin du prochain exercice, soit début 2011. Nous regardons plutôt les opportunités à l'étranger puisque Travel Horizon détient déjà une position de leader en France. Il s'agira donc de sociétés bien positionnées sur des marchés difficiles, comme en Allemagne, ou bien d'acteurs forts sur une certaine gamme de produits difficiles à entrer en portefeuille. Sur la France, nous ne nous interdisons rien, mais ce sera plus opportuniste qu'à l'étranger où nous sommes plus volontaristes.