Immersion dans le laboratoire de réalité virtuelle de Ford, à Détroit

Immersion dans le laboratoire de réalité virtuelle de Ford, à Détroit En marge du salon NAIAS, le JDN a pu visiter le Ford immersive Vehicle Environment lab, où la marque américaine conçoit virtuellement ses futurs véhicules. Reportage.

Découvrir les coulisses de la R&D de Ford se mérite. Après une vingtaine de kilomètres de routes enneigées depuis le centre-ville de Détroit, où se déroule actuellement le North American International Auto Show (NAIAS), le JDN a pu s'immerger dans les locaux ancestraux de Ford à Dearborn. Objectif : découvrir la dernière innovation du constructeur pour le prototypage de ses véhicules, un studio de réalité virtuelle.

Le centre de développement de Ford passerait presque inaperçu. © JDN

De l'extérieur, l'architecture des lieux ne paie pas de mine. Derrière un parking rempli de pickups se tient un discret bâtiment de briques rouges et de béton brut. Seul signe distinctif : un petit drapeau Ford qui flotte au gré du vent glacial du Michigan. Plusieurs salariés nous accueillent et donnent le ton de la visite : pas un écart sur le chemin qui a été tracé pour nous ni une photo non-autorisée ne seront tolérés. Nous voilà partis pour une dizaine de minutes de zigzags au beau milieu du centre de développement produit de la marque centenaire, qui demeure sur les terres historiques occupées par la famille Ford depuis le début du 20e siècle. Les odeurs de peinture et les bruits de scie sauteuse ou de tournevis électriques seront le seul aperçu que nous aurons des ateliers.

"Nous avons ici la place pour faire entrer un pickup ou différents éléments de la voiture que nous imprimons en 3D"

Une porte finit par s'ouvrir. Dans une grande chambre noire, un écran géant occupe tout un mur, soit une dizaine de mètres. La nouvelle Mustang 2017 y est modélisée en 3D et une employée de Ford, casque de réalité virtuelle sur la tête et manette de détection de mouvement à la main, est en train d'en modifier le tableau de bord. "On appelle cela le car wash", plaisante-t-elle, en poussant pour nous accueillir le large câble monté sur rail qui relie ses lunettes de réalité de virtuelle à l'ordinateur central. "Nous avons ici la place pour faire entrer un pickup ou différents éléments de la voiture que nous imprimons en 3D, car même si le virtuel permet beaucoup de choses, le toucher est parfois nécessaire", remarque Elizabeth Baron, spécialiste de la réalité virtuelle et de la visualisation avancée chez Ford.

Le tableau de bord de la nouvelle Mustang 2017 a été conçu grâce à la réalité virtuelle. © JDN

Comme dans les deux salles adjacentes, une vingtaine de capteurs à infrarouge accrochés au plafond quadrillent l'espace de la salle pour détecter les mouvements des ingénieurs de Ford. "Il pourrait y en avoir moins mais nous avons besoin d'un maximum de redondance car nous sommes souvent plusieurs à nous connecter en même temps", indique-t-elle.

Comme l'armée américaine, Ford utilise les casques de réalité virtuelle de NVIS. © JDN

Ici, 5 employés à temps plein se chargent du prototypage de tous les futurs modèles de la marque ou des modifications majeures sur les véhicules existants. "Nous sommes une trentaine au total dans le monde. Il y a un autre centre de ce type en Australie et des ingénieurs basés en Allemagne, en Chine, en Inde, au Brésil et au Mexique se connectent régulièrement en direct via une plateforme Web pour contribuer à l'élaboration du prototype", précise Elizabeth Baron. Lancée en décembre 2013 et intégrée dans tout le processus de création depuis mi-2014, la plateforme de réalité virtuelle est accessible aux spécialistes du châssis basés en Allemagne ou du design, réalisé ailleurs aux Etats-Unis, par exemple.

Côté technologie, Ford utilise, comme l'armée américaine, les casques de réalité virtuelle professionnels de NVIS. "Nous travaillons aussi avec le HTC Vive. Toutes les technologies existantes sont testées car nous ne voulons pas dépendre de l'une ou de l'autre", ajoute la spécialiste de la réalité virtuelle. Pour le software, Google Tilt Brush et Autodesk 3D permettent aux designers de dessiner les voitures de demain.

Un ordinateur central permet à 30 ingénieurs dans le monde de se connecter à la plateforme de réalité virtuelle. © JDN

L'intérêt de ce genre d'installation est double pour la marque : "C'est à la fois une économie non négligeable, car nous ne devons plus fabriquer autant de prototypes physiques qu'avant, mais surtout cela nous permet de prendre des décisions plus intelligentes, mieux concertées et plus vite", explique Elizabeth Baron.

Selon elle, c'est un outil indispensable pour concevoir le véhicule du futur : "La réalité virtuelle offre la possibilité d'évaluer d'une manière scientifique les émotions que ressentiront nos clients dans la voiture. C'est essentiel car avec l'arrivée de la voiture connectée et autonome, dans laquelle les automobilistes seront de moins en moins amenés à conduire, l'expérience à bord devient un critère important de valeur ajoutée."

Fort du succès de cette initiative, Ford a décidé qu'il allait désormais aussi utiliser la réalité virtuelle pour améliorer les techniques de travail et évaluer la pénibilité des tâches des ouvriers en recréant les chaînes de montage de ses usines dans ses studios.