George Hotz (Commai.ai) "Nous voulons devenir l'Android de la voiture autonome"

La start-up américaine voulait transformer n'importe quelle voiture en véhicule autonome grâce à un boitier connecté, mais les autorités américaines ont douché ses espoirs. Son PDG revient sur son virage vers une solution open source pour développeurs.

JDN. Pouvez-vous nous présenter Comma.ai ?

George Hotz est le fondateur et CEO de Comma.ai. © Comma.ai

George Hotz. Notre objectif avec Comma.ai consiste à développer le meilleur système de conduite autonome. Si nous ne commercialisons rien qui puisse rendre directement votre véhicule autonome, des programmeurs peuvent toutefois utiliser nos matériels hardware et software, dont des logiciels open source, pour expérimenter la conduite autonome. Nous employons 12 personnes et avons levé 3,1 millions de dollars en 2016 auprès du fonds Andreessen-Horowitz.

Concrètement, que commercialisez-vous ?

Nous commercialisons une dashcam appelée EON (caméra de tableau de bord, ndlr) qui permet de filmer et d'enregistrer les données de conduite et sur laquelle il est possible d'installer des logiciels comme OpenPilot, ChiffR, ou ChiffRplus et même des applis telles que Waze ou Spotify. Ces deux derniers logiciels permettent d'enregistrer les données à partir de la dashcam. ChiffR est très facile à utiliser, ChiffRplus nécessite un niveau plus avancé alors qu'OpenPilot est davantage conçu pour les programmeurs. Nous vendons également deux appareils appelés Panda et Giraffe, qui se branchent facilement sur un véhicule et qui, à l'instar de capteurs, permettent de récolter davantage de données. Enfin, un autre logiciel appelé Cabana a vocation à faciliter l'interprétation de cette manne de données.

Avec quels véhicules votre technologie est-elle compatible ?

Nous voulons que notre technologie puisse être utilisée dans tous les véhicules. Elle fonctionne actuellement avec 6 des dix modèles de voitures les plus vendus aux Etats-Unis, ce qui représente plusieurs millions de véhicules vendus chaque année. Pour le moment le logiciel Opensource Openpilot (qui permet d'activer la conduite autonome en agissant sur les différents capteurs d'un véhicule, ndlr) est uniquement compatible avec les modèles de marques Honda et Toyota, très populaires aux Etats-Unis en raison de leur fiabilité. Si nous avons choisi ces deux marques, c'est parce qu'elles nous donnaient accès à une grande partie du marché. A l'inverse, Tesla est un peu l'iOS de la voiture autonome : leur plateforme, Autopilot, a été développée uniquement pour leurs véhicules. Nous voulons être Android.

En 2016, vous aviez annulé la commercialisation de votre premier produit, le boitier Comma One  - un kit pour véhicule autonome - suite à une lettre des autorités américaines. Cette nouvelle stratégie basée sur des logiciels open source est-elle un moyen de vous mettre en conformité avec la législation américaine ?

Nous n'avons pas été stoppés à cause du législateur. Le Comma.One n'a jamais été pensé pour une expérience consommateur. Les gens ont mal interprété ce que nous voulions faire.

Le système actuel semble malgré tout complexe pour le conducteur lambda qui souhaiterait rendre son véhicule autonome. Pensez-vous offrir une expérience davantage orientée vers les consommateurs dans le futur ?

Peut-être que nous le ferons si personne d'autre ne le fait mais ce n'est pas cela qui m'intéresse. Mon objectif est surtout de résoudre le problème technologique de la conduite autonome. D'autres entreprises trouveront une manière de packager notre technologie pour créer une offre orientée vers le consommateur. D'ailleurs, deux jeunes entreprises ont déjà essayé et je pense que nous devrions en voir davantage cette année. Ces sociétés ne travaillent pas pour nous et c'est précisément là tout l'intérêt de l'open source : ceux qui souhaitent utiliser notre technologie pour proposer une offre  consommateur autour de la conduite autonome sont libres de le faire.

Comment comptez-vous distribuer votre technologie ? Votre objectif est-il de la proposer à des constructeurs automobiles ?

Je n'ai aucune intention de vendre notre technologie à des constructeurs de voitures. L'idée serait plutôt de la distribuer via des concessionnaires ou en seconde monte. Nos appareils sont aujourd'hui vendus directement via notre site. A ce jour, nous avons écoulé plus de deux mille Pandas. En novembre dernier, ces 2000 conducteurs avaient parcouru plus de 2 millions de miles. Ces données de conduite ont été mesurées sur l'ensemble des logiciels OpenPilot, ChiffR et ChiffRplus. A noter que seulement quelques centaines de ces conducteurs ont utilisé OpenPilot pour expérimenter la conduite autonome.

Pourquoi exclure une relation commerciale avec les constructeurs ?

Parce qu'il est impossible de parler à ces sociétés. Ce n'est pas qu'une question technologique mais aussi de culture. Même si certains de ces constructeurs automobiles aiment répéter que 'les véhicules autonomes représentent le futur' ils ne comprennent pas ce que cela implique réellement. Regardez par exemple leurs systèmes de navigation : pourquoi ces fabricants ne développent pas de meilleurs systèmes GPS ? Pourquoi n'intègrent-ils pas des services comme Google Maps ou Waze comme la plupart de leurs clients le souhaiteraient? Pour eux, il ne s'agit que d'une simple case à cocher dans la liste de fonctionnalités qu'ils doivent intégrer. Tesla est le seul constructeur à proposer un navigateur diposant d'un grand écran et qui intègre Google Maps. A mes yeux, cette entreprise est d'ailleurs la seule, avec Volvo, à se projeter vraiment dans le futur.

L'entreprise est-elle rentable ? Aurez-vous besoin de réaliser un nouveau tour de table ?

Nous sommes très proches de la rentabilité. Pour l'instant, tous nos revenus proviennent des ventes de notre matériel sur le Web mais il est possible que nous puissions monétiser notre technologie via un abonnement dans le futur. Enfin, si l'opportunité de lever des fonds avec des conditions très attractives se présente, je l'étudierais, mais je n'ai pas besoin d'embaucher beaucoup d'ingénieurs. Je reste en effet convaincu que 10 ingénieurs très talentueux peuvent accomplir davantage que 100 ingénieurs moyens. C'est la raison pour laquelle notre processus de recrutement est extrêmement sélectif.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Pour le moment, notre seul but est d'améliorer notre software. Mon objectif est de résoudre le problème technologique de la conduite autonome. Concrètement, tant que les voitures ne conduiront pas au moins deux fois mieux que les humains, je ne me lancerai aucun autre challenge. Mais nous avons encore du chemin à parcourir pour y arriver.

George Hotz est le fondateur et CEO de Comma.ai, une entreprise dont l'objectif est de permettre l'installation de la conduite autonome sur chaque véhicule. Avant cela, il était notamment connu pour plusieurs 'hacks'. Il se fait connaître pour la première fois à 17 ans  lorsqu'il réussit à déverrouiller le premier iPhone. Il fera à nouveau parler de lui en réussissant à pirater la PS3.