Hyperloop, taxi volant… Comment Toulouse attire les transports du futur

Hyperloop, taxi volant… Comment Toulouse attire les transports du futur Grâce aux savoir-faire de ses industries aérospatiale et automobile, Toulouse fait venir des start-up travaillant sur de nouveaux modes de transport.

Nouvelles recettes, mêmes ingrédients. Ces dernières années, Toulouse et sa région ont vu débarquer plusieurs start-up aux ambitions mondiales et qui représentent une nouvelle génération de transports innovants. Hyperloop Transportation Technologies (HTT) y a implanté son centre de R&D  l'année dernière et y réalisera son premier kilomètre test en septembre. La société Electronic Visionary Aircrafts (EVA), qui prépare un taxi volant autonome, a elle aussi installé ses quartiers à Toulouse en 2017. Elles rejoignent d'autres jeunes pousses arrivées quelques années plus tôt, comme le constructeur de navettes autonomes EasyMile ou le concepteur de drones Airborne Concept.

Même si elles n'ont aucunement l'intention de produire des avions ou des fusées, ces start-up ont besoin du savoir-faire de la puissante industrie aérospatiale toulousaine. Ancien de Tesla au Japon, le Français Olivier Le Lann a cofondé EVA en 2017 avec une équipe internationale de dirigeants. Au moment de choisir un lieu d'implantation, la ville rose est en concurrence avec la Silicon Valley, capitale mondiale de la tech, et Seattle, siège de Boeing et centre névralgique de l'aviation américaine. "Toulouse sortait du lot au niveau aéronautique, avec un excellent réseau de fournisseurs, mais aussi en termes de coût : un ingénieur y revient deux à trois fois moins cher qu'en Californie", raconte Oliver Le Lann. "Pour construire un taxi volant autonome très léger, nous avons besoin de matériaux composites aéronautiques et de batteries peu volumineuses. A Toulouse, on trouve des sociétés qui savent produire ces éléments, mais aussi des labos de recherche comme l'Institut Clément Ader ou le CEA Tech qui peuvent nous aider à en créer de nouveaux. "

Des partenaires pour Hyperloop

Chez Hyperloop Transportation Technologies, on ne dit pas autre chose. Interviewé par le JDN en décembre dernier, son directeur opérationnel Andres de Leon expliquait avoir trouvé à Toulouse "un incroyable écosystème dans l'industrie aérospatiale". " Nous avons besoin de son expérience car la capsule de l'Hyperloop se déplace sous une basse pression similaire à celle d'un avion volant à haute altitude".

Depuis son arrivée l'année dernière, l'entreprise discute avec des acteurs locaux afin de se constituer un réseau de partenaires. Gérard Lardier, délégué secteur systèmes embarqués d'Aerospace Valley, le pôle de compétitivité local, a organisé en novembre 2017 une rencontre entre HTT et 34 de ses membres : des sociétés d'ingénierie telles que Ferchau, Akka Technologies, et Ausy ou des spécialistes des systèmes d'information comme C-S et A-Systems, ainsi que des représentants de poids lourds, notamment Thales et Airbus, présents à titre individuel. "Plusieurs sociétés présentes ce jour-là sont en train de conclure des partenariats avec HTT", précise Gérard Lardier.

Aérospatial, mais aussi automobile

L'autre spécificité de Toulouse, selon Gérard Lardier, est que l'on y trouve, en plus de l'aérospatial, des compétences dans les systèmes embarqués et l'automobile, avec à nouveau des grands groupes à la manœuvre. Une combinaison rare qui explique la présence d'EasyMile pour ses navettes autonomes, et de manière plus surprenante, d'EVA pour ses taxis volants (VTOL). La start-up cherche d'ailleurs un partenaire industriel dans l'automobile. "Il y a des synergies avec les VTOL de par la taille et les missions communes des véhicules," précise Olivier Le Lann. Parmi ces gros acteurs, Continental Automotive, filiale toulousaine de l'équipementier allemand, qui pilote son projet eHorizon visant à connecter les capteurs du véhicule à l'infrastructure routière. Continental a également investi dans EasyMile l'année dernière. Après avoir vendu sa filiale de systèmes embarqués Renix à Continental, Renault est revenu à Toulouse en rachetant l'activité de R&D française d'Intel en 2017.  Objectif : récupérer des compétences dans les systèmes embarqués pour préparer l'arrivée du véhicule autonome.

Un lieu symbolise bien la coopération entre entreprises innovantes et sociétés historiques : l'aérodrome de Toulouse Francazal, sur lequel se sont implantées des entreprises à partir de 2011. On y trouve sept start-up, 17 PME et huit grands groupes. "Nous accueillons deux types de sociétés : des aéro-industrielles comme ATR, Tarmac Aerosave ou Airplane Delivery et d'autres qui n'ont pas vocation à utiliser les aires de tests aéronautiques mais s'appuient  sur les entreprises présentes pour faire avancer leur développement," détaille Jérôme Arnaud, DG adjoint d'Edeis, l'exploitant de l'aérodrome. Hyperloop Transportation Technologies, EVA et EasyMile sont tous les trois implantés à Francazal.

Bénéfices incertains, innovation garantie

On peut se demander jusqu'où ira cette collaboration alors que les industries aéronautiques et automobiles s'intéressent elles-aussi aux nouvelles mobilités. Par exemple,  Airbus prépare plusieurs  modèles de VTOL concurrents du taxi volant d'EVA. "Nouer des partenariats avec des entreprises sur des savoir-faire exportables, bien sûr que cela aurait du sens", reconnaît Bruno Gutierres responsable du Bizlab, un accélérateur d'Airbus qui accompagne start-up et intrapreneurs à Toulouse, Hambourg et Bangalore. "Mais il faudra voir dans quel projets et conditions cela peut s'inscrire : s'il y a de la complémentarité, nous travaillerons avec ces entreprises. Si nous sommes en compétition frontale, nous protégerons nos savoir-faire et nos brevets."

Les retombées économiques potentielles pour Toulouse et sa région sont pour l'instant difficiles à évaluer, d'autant que des entreprises comme HTT ou EVA doivent encore prouver la faisabilité technique et la rationalité économique de leurs projets. Mais cela importe peu, assure Gérard Lardier, car les entreprises toulousaines interviendront souvent sur de la recherche et développement, en amont des déploiements commerciaux. "Par exemple, nous ne sommes pas tributaires de la capacité de l'Hyperloop à trouver des clients. Il aura quoiqu'il arrive un effet très positif en termes d'innovation et de recherche. Quand Airbus travaillait sur l'avion supersonique, personne ne savait ce que cela donnerait, mais il n'empêche que le projet a mobilisé de la R&D sur des sujets qui reviennent aussi dans les avions classiques. Ce sera la même chose avec l'Hyperloop : les entreprises locales vont devoir apprendre à adapter des techno qu'elles maîtrisent à un mode de transport complètement différent." Il est trop tôt pour parler d'un mouvement de fond avec un afflux massif de start-up des nouvelles mobilités à Toulouse. Mais l'écosystème local est en bonne position dans la compétition mondiale pour les attirer.