Patrick Gourvennec (Hyundai Motor France) "La France souffre d'une crise de renouvellement des véhicules"

Le directeur général du constructeur automobile coréen revient sur le succès de sa marque et les difficultés des groupes hexagonaux.

Le marché automobile français est en panne. En 2012, le nombre de véhicules neufs immatriculés a chuté de 8% sur un an. Et pendant ce temps-là... Hyundai et sa filiale Kia ont vu leurs ventes augmenter respectivement de 42,2%, et de 18,1%. L'an dernier, le constructeur sud-coréen détenait 1,5% de parts de marché contre 0,9% en 2011, avec l'ambition d'atteindre les 3% dans trois ans. Même tendance pour Kia qui représente désormais 1,7% du marché, contre 1,3% en 2011. Patrick Gourvennec, le directeur général de Hyundai Motor France, décrypte avec humilité les raisons de ce succès.

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Patrick Gourvennec, directeur général de Hyundai Motor France. © Hyundai Motor France

JDN. Comment expliquer l'engouement pour les voitures Hyundai dans l'Hexagone ?

Patrick Gourvennec. Le groupe Hyundai a adopté une véritable stratégie de régionalisation dans le but d'adapter le produit aux besoins des Européens. Un centre de recherche et développement a même été construit en Allemagne pour penser européen. Nous avons également des usines en Europe. Cette proximité entre le lieu de production et le client permet de créer des emplois et de ne pas être assujetti à des problématiques financières de change, comme le sont les Japonais. 72% des voitures que nous avons vendues en France en 2012 ont été produites en Turquie et en République Tchèque. Nous atteindrons bientôt les 83% : à partir de septembre 2013, l'i10 ne sera plus fabriquée en Inde mais en Europe. Hyundai est également le seul constructeur à proposer la garantie de 5 ans kilométrage illimité (l'ensemble du véhicule est sous protection totale pendant 5 ans, NDLR), ce qui est rassurant pour le consommateur. En clair, nous proposons des voitures suréquipées, au design adapté aux goûts des Européens et à des prix bien positionnés.

A contrario, comment expliquer la désaffection des Français pour les marques nationales ?

"Si Hyundai est compétitif, c'est parce que nos produits sont conçus pour l'Europe et que nous les fabriquons en Europe"

Je ne parlerai pas de désaffection mais plutôt de cycles. Je pense que PSA a plus ou moins réussi à maintenir ses parts de marché ces dernières années. Pour Renault, c'est différent : certains partis pris ont sûrement déplu à la clientèle française. Mais je ne suis pas au cœur de Renault et je n'ai aucun conseil à donner aux constructeurs français. Ce qui est certain, c'est qu'il y a depuis longtemps une crise du renouvellement en France. Pour changer de voiture, le client a besoin qu'on lui présente des nouveautés. Les primes à la casse ont dopé le marché mais elles n'ont pas résolu le problème de la demande : les consommateurs qui en ont bénéficié ne sont pas ceux qui changent le plus régulièrement de véhicule.

Les constructeurs français manquent-ils de compétitivité ?

Non. Quand vous créez un produit, vous prenez un risque. Parfois, cela fonctionne, mais parfois ce n'est pas le cas. Renault a su s'adapter à la mondialisation avec Nissan, Samsung et Dacia. Si Hyundai est compétitif, c'est parce que nos produits sont conçus pour l'Europe et que nous les fabriquons en Europe. Nous proposons de la qualité et des équipements à un bon prix avec un design qui plaît. L'alchimie fonctionne.

Les ventes se sont effondrées l'an dernier en Europe. Le Vieux Continent est-il toujours un marché attractif pour Hyundai ?

En volume, l'Europe n'est pas le marché le plus performant. En 2012, la marque représentait 5,7% du marché mondial contre seulement 3,5% du marché européen. Cela dit, c'est le marché le plus compétitif et le plus compliqué puisqu'il y a pléthore de pays, de taxes, de comportements d'achats et de constructeurs. Alors réussir en Europe, et a fortiori en France, c'est montrer qu'on est compétitif sur le produit. Cela permet d'être plus performant dans les autres pays. Réussir en Europe, c'est se donner des armes pour réussir ailleurs.

Pour finir, quelle est la position de Hyundai sur la voiture électrique. Faut-il, comme Renault, beaucoup miser dessus ?

"Le marché français n'est structuré ni pour l'hydrogène, ni pour l'électrique"

Ou sur autre chose ! Chez Hyundai, il n'y a pas de dogme, il n'y a que des technologies avancées. Au dernier salon de Paris, nous avons présenté la pile à combustible à hydrogène. Nous commercialiserons 1 000 voitures à hydrogène sur le marché européen dans les prochaines années. Nous avons aussi vendu pas mal de voitures électriques. En Europe, il existe un marché en Norvège mais ce n'est pas le cas en France. Le moteur thermique a encore beaucoup d'avenir devant lui et beaucoup à gagner en termes d'efficience et d'émission. Aujourd'hui, le marché français n'est ni structuré pour l'hydrogène, ni pour l'électrique. Aux Etats-Unis, on cartonne avec l'hybridation des véhicules. Aujourd'hui, il faut avant tout créer des infrastructures. Ce sera certainement l'un des éléments déclencheurs de l'envie de changer de voiture chez le consommateur.