Journal du Net > Economie  Untitled Document > Entretien avec Michel Pébereau
Photo © JDN / Cécile Debise
"Chaque année depuis 25 ans, nos administrations publiques sont en déficit"

Comment la France en est-elle arrivée là ?
Michel Pébereau. Notre dette publique dépasse 1.150 milliards d'euros, sans tenir compte des engagements de l'Etat au titre des retraites de ses fonctionnaires, soit 400 milliards d'euros au minimum. Elle a été multipliée par cinq, en euros constants, depuis 25 ans. Elle est passée du cinquième aux deux tiers de notre production nationale. Cette explosion ne s'explique pas par des circonstances exceptionnelles, comme une croissance trop faible ou des taux d'intérêt trop élevés. Elle résulte du fait que chaque année depuis 25 ans, nos administrations publiques sont en déficit. Et pourtant, elles peuvent compter sur des recettes très élevées : la France est le pays du G7 qui a le plus haut niveau de prélèvements obligatoires. S'il leur faut s'endetter, c'est que le niveau de nos dépenses publiques est plus important encore : 53,5 % du PIB ! Ces dépenses et ces déficits publics ne sont pas le résultat d'un effort structuré pour la croissance et la préparation de l'avenir : les investissements publics ont diminué et l'effort en matière de recherche et d'enseignement supérieur a stagné. Une grande partie de la dette a servi à financer les dépenses courantes de l'Etat. 100 milliards d'euros de dettes ont même été contractés pour couvrir une partie de nos dépenses de santé, que nous reportons ainsi sur les générations à venir ! Le recours à la dette a été une solution de facilité : il a permis de compenser une gestion insuffisamment rigoureuse des finances publiques. Les lourdeurs et les incohérences de notre appareil administratif, qui ne cesse de grossir, sont une première explication de cette situation.

Vous dénoncez surtout un "recours systématique à la dépense publique"...
Oui. Plus fondamentalement, ce sont nos pratiques politiques et collectives qui sont à l'origine de notre problème et notamment notre préférence pour la dépense publique. Nous avons pris collectivement l'habitude de faire de la dépense publique la réponse systématique et parfois unique à tous nos problèmes. Les responsables politiques sont de plus en plus jugés par l'opinion sur deux critères : le montant des moyens supplémentaires dégagés et la rapidité avec laquelle ils sont annoncés. Cela conduit à un empilement de dépenses et à une perte d'efficacité, les nouvelles mesures visant souvent à toucher le plus grand nombre de personnes, alors que l'efficacité supposerait une concentration des moyens.

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