Enseignes de mode : la déferlante américaine

Enseignes de mode : la déferlante américaine Abercrombie, Forever 21, Banana Republic... Ces magasins US ont tous débarqué en France ces derniers mois.

Autrefois, n'importe quel touriste français en goguette outre-Atlantique se faisait un devoir de faire ses emplettes chez Banana Republic ou Abercrombie. Cette époque est révolue. Ces huit derniers mois, quatre poids lourds américains du prêt-à-porter ont débarqué en France. C'est Abercrombie qui a dégainé le premier, en mai 2011. La marque, vénérée des 18-24 ans, a vu les choses en grand en dévoilant un point de vente géant de 9 500 m2 répartis sur les quatre étages d'un ancien hôtel particulier des Champs-Elysées. Sa petite sœur, Hollister, filiale d' Abercrombie & Fitch, l'a suivi dès septembre en inaugurant quatre boutiques de 600 à 1 000 m2 dans des centres commerciaux parisiens et provinciaux.

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Banana Republic est à l'étroit sur son marché domestique. © Banana Republic

Les deux enseignes, connues pour leurs vendeurs en maillot de bain ou torse nu, ont été rejointes en décembre par Banana Republic, l'enseigne haut-de-gamme du groupe Gap. Elle aussi a opté pour un vaste magasin de 1 400 m2 sur les Champs-Elysées. Dernière compatriote à avoir posé ses piles de vêtements en France, Forever 21. Ce H&M américain doit ouvrir le 28 janvier 2012 une boutique de 2 000 m2 à Vélizy.

Ce débarquement quasi synchronisé illustre l'offensive mondiale des distributeurs textiles américains, à l'étroit sur leur marché domestique. La plupart des 500 magasins Forever 21 se trouvent aux Etats-Unis. Abercrombie & Fitch réalise 73% de son chiffre d'affaires (3,5 milliards d'euros en 2010) en Amérique du Nord et Gap... 86%. Or ce continent ne pèse que 26% du marché mondial de la mode textile (1 100 milliards d'euros).

Les gisements de croissance de ces enseignes ne sont donc pas aux Etats-Unis. Pire, leurs ventes s'y érodent : Forever 21 est attaquée sur son positionnement prix par les produits de WalMart et Banana Republic, qui revendique une image de luxe à prix abordable, ne rivalise plus avec Ralph Lauren ou Paul Smith. Aussi, le salut passe par l'internationalisation.

Ce débarquement illustre l'offensive mondiale des distributeurs textiles américains.

Pour Gap, cela passe par la suppression d'ici à 2013 de 20% de ses points de vente outre-Atlantique au profit d'un redéploiement vers l'étranger. Le groupe envisage de passer de 34 à 90 pays et de réaliser à cette date 30% de son chiffre d'affaires à l'étranger. Abercrombie & Fitch a promis de son côté à ses actionnaires d'atteindre les 7,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2015 dont la moitié réalisée à l'international, contre 15% actuellement. D'où les ouvertures en chaînes de ces enseignes à travers le monde, à commencer par la France.

Il s'agit aussi de rattraper la concurrence. En quelques années, les enseignes américaines ont été distancées par le suédois H&M (2 500 magasins et 12,32 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2010) et l'espagnol Zara (5 221 magasins, 12,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2010). Puissants au début de la décennie 2000, les groupes US font aujourd'hui presque figure de nains en termes d'implantations ou de chiffre d'affaires sur le marché mondialisé de la mode. Marché que Zara et H&M ont mieux anticipé en ouvrant avant eux des boutiques à tour de bras à travers le monde, s'assurant ainsi une répartition géographique de leur du chiffre d'affaires.

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A Tokyo, le nouveau Forever 21 s'est installé à quelques mètres d'un H&M. © derivativeofcourse

Pour se préparer à conquérir l'Europe, "ces enseignes ont toutes été testées à Londres, point d'entrée habituel des enseignes étrangères sur le continent", explique Pierre Raynal, directeur du département commerces de Cushman & Wakefield. "Ce qui est nouveau avec ces enseignes, ce n'est pas la taille de leurs points de vente, c'est leur capacité à mettre en scène des produits et à soigner le design de leurs boutiques", ajoute-t-il. "Mais les enseignes mondiales sont par définition de plus en plus nombreuses et elles veulent disposer des mêmes boutiques aux meilleurs endroits. Il y donc une pression à la hausse des valeurs locatives", ajoute-t-il. Le loyer annuel de l'Abercrombie des Champs-Elysées est ainsi estimé à 3 millions d'euros. A ce prix-là, ces boutiques restent rentables d'autant que "les Champs-Elysées sont une véritable vitrine mondiale, peut-être plus que Londres." De quoi assurer une image de marque.

Pour le reste, ces enseignes se tournent vers les centres commerciaux (en particulier ceux d'Unibail), où les variables de rentabilité et de fréquentation sont bien moins aléatoires. La seule Hollister envisage d'ouvrir de 10 à 15 magasins d'ici à 2013.

 
Le poids des enseignes de mode américaines en 2010
Enseignes Chiffre d'affaires Magasins
Source : JDN
Abercrombie & Fitch 3,5 milliards € 1 100
Forever 21 3 milliards € 480
Groupe Gap 10,6 milliards € 3 200