François Badoual (Total Energy Ventures) "Total a investi 150 millions de dollars dans des start-up depuis 2009"

Le patron du fonds d'investissement du groupe pétrolier français veut aider les jeunes pousses du marché de l'énergie à développer de nouveaux services connectés.

François Badoual dirige le fonds d'investissement Total Energy Ventures. © Total

JDN. Total Energy Ventures vient d'entrer au capital de la start-up américaine spécialisée dans l'éolien distribué intelligent, United Wind. Quelle est votre stratégie ?

François Badoual. Notre objectif est de prendre des parts minoritaires, c'est-à-dire pas plus de 15%, dans des start-up qui disruptent le marché de l'énergie pour accompagner leur éclosion et les laisser se développer tout en instillant leurs innovations au sein du groupe. Dans cette logique, nous avons investi 150 millions de dollars depuis 2009 dans 26 entreprises au total. Il existe une convergence entre l'énergie et le digital qui nous permet d'imaginer de nouveaux services pour le client final. Dans la smart city, la gestion intelligente et l'utilisation responsable de l'énergie représentent un gisement d'économies. La puissance du digital permet l'éclosion de l'énergie distribuée. United Wind, par exemple, fournit de petites éoliennes que tout un chacun peut mettre dans son jardin et en optimise la gestion à distance grâce à un logiciel de pilotage.

Quels ont été vos principaux investissements depuis la création du fonds il y a sept ans ?

Nous pouvons citer deux exemples : le premier, Off Grid Electric, qui fait partie du portefeuille de Total Energy Ventures depuis février 2016, est une start-up américaine qui équipe 100 000 clients en Tanzanie de ses solar home systems. Il s'agit de panneaux photovoltaïques reliés à une batterie avec un système électronique de gestion de l'énergie. Le client ne paye avec son téléphone mobile que ce qu'il consomme et finance l'installation grâce à un contrat de leasing adapté à ses besoins.

"Notre objectif est de prendre des parts minoritaires, c'est-à-dire pas plus de 15%, dans des start-up qui disruptent le marché de l'énergie "

Nous avons aussi investi il y a quelques années dans la jeune pousse française Avenisense, dont les capteurs permettent de mesurer les propriétés physiques des fluides. Pour un bus ou un bateau, cela permet d'obtenir un suivi précis et en temps réel des conditions de lubrification des moteurs et d'anticiper les pannes. C'est aussi une manière d'approcher l'IoT industriel.

Vous parlez de capteurs et de gestion intelligente de réseaux. Etes-vous aussi intéressé par les smart grids ?

"Le lyonnais CoSMo a attiré notre attention avec son logiciel qui permet une analyse prédictive du réseau électrique"

C'est au cœur de la smart city donc cela ne peut que nous intéresser. Nous avons notamment investi en 2014 dans Sunverge puis Stem en 2015. Ces deux start-up américaines proposent de coupler une production photovoltaïque à des systèmes de stockage pour permettre au client de gérer le courant en fonction de ses besoins et d'interagir avec le réseau. La première s'adresse aux particuliers et la seconde aux professionnels, notamment les commerçants et industriels. Il s'agit de soulager le réseau en période de pointe de consommation ou de production en basculant de l'énergie produite par les panneaux solaires de l'utilisateur à celle du réseau, et vice-versa. L'énergie est au bon moment au bon endroit grâce à l'agrégation des données des clients, qui de leur côté pourront aussi décider, via les applications connectées, s'il vaut mieux garder l'excédent d'énergie produite ou la revendre. Le lyonnais CoSMo a aussi attiré notre attention avec son logiciel de simulation et de modélisation qui permet de faire de l'analyse prédictive du réseau électrique.

Combien comptez-vous investir à l'avenir et que recherchez-vous en priorité ?

"Nous avons à peu près 400 opportunités par an pour 4 ou 5 start-up sélectionnées chaque année"

Nous continuons à défricher les secteurs qui nous intéressent, à savoir l'efficacité énergétique et les nouveaux modes de consommation, notamment. Nous avons à peu près 400 opportunités par an pour 4 ou 5 start-up sélectionnées chaque année. Nous sommes donc très sélectifs mais nous ne pouvons pas prévoir à l'avance ce qui nous étonnera demain.