Vente de Surcouf : le premier d’une longue série ?
Après l'échec d'un projet de cession de trois de ses magasins, le groupe de distribution high-tech Surcouf est désormais à vendre. Avec un business model difficile à tenir sur un marché tendu et en mutation, la reprise de Surcouf peut s’annoncer compliquée…
Depuis plus de trois ans, les marchés bruns gris et blancs sont en recul et déflationnistes. En 2011, le brun a reculé d’environ -10% et le gris de -1%, le blanc demeurant stable en valeur. Si le blanc pourrait s’avérer être en très faible croissance en 2012, les prévisions du brun sont toujours négatives selon différentes sources. A ce contexte économique difficile, s’ajoute l’arrivée de nouveaux concurrents particulièrement offensifs (Amazon, C Discount) qui menacent même les plus solides acteurs du marché (Darty, Fnac).
Le secteur de la grande distribution est en pleine
mutation
La mutation en cours de
la distribution de l’électronique se joue à plusieurs niveaux. Prenons 3
exemples. D’une part le développement du canal E Commerce, seul canal en
croissance et sur lequel Surcouf n’a pas su se positionner. D’autre part,
l’arrivée d’acteurs E Commerce, et notamment Amazon, à la taille bien plus
grande que Surcouf, leur permettant d’aligner des prix imbattable et ce avec un
niveau de service très élevé. Enfin les exigences clients ont changé (omni
canal, prescription sociale …) et tout acteur peinant à y répondre est
rapidement marginalisé.
Le cas de Surcouf
Surcouf ne disposant ni d’un E Commerce fort, ni d’un
volume d’affaires important et d’une expérience client forte et spécifique, les
perspectives de l’enseigne face aux grandes mutations du marché ne
s’annonçaient pas favorables.
Et ce d’autant plus que
son positionnement de marque repose initialement sur des prix compétitifs,
domaine dans lequel il ne peut plus exceller en préservant ses marges. Car le
positionnement discount de Surcouf n’aurait pu être maitrisé qu’à condition de
disposer d’un fort développement E Commerce d’une part, évitant ainsi les
charges magasins, et d’un levier volume important d’autre part, lui
garantissant des marges achat – vente confortable. Or Surcouf demeure un acteur
marginal en termes de volume.
Il ne pouvait en ce cas être compétitif sur son
positionnement prix.
DARTY, AMAZON, C DISCOUNT et même la FNAC, disposent de
prix compétitifs relatifs à leur large capacité d’achat. Un petit acteur comme
Surcouf peine à rivaliser face à de tels acteurs qui par ailleurs disposent de
leviers stratégiques supplémentaires : un niveau de service de qualité et
une marque plus forte.
Recomposition de la concurrence
A court ou moyen terme,
les mutations en cours dans la distribution et dans celle de l’électronique en
particulier, signifieront probablement la marginalisation de nombreux
distributeurs spécialisés. Même des plus solides aujourd’hui. Et ce alors même
que des marques développent elles leur propre réseau concurrent (Apple, Bose).
Les distributeurs les
plus exposés sont ceux qui ne disposent pas d’une taille suffisante pour
assurer une attractivité prix forte sur des marchés déflationnistes ou tendus,
mais aussi pour assurer un niveau de service ou d’expérience client compétitif.
Le niveau de service peut aussi être un choix de positionnement mais il
nécessite un savoir faire qui échappe à
de nombreux d’acteurs
A qui cela va
profiter ? Aux enseignes montantes, venant du E Commerce principalement.
Mais les acteurs historiques clés, Darty et la Fnac, ont les moyens aussi de
réagir. Surtout qu’ils disposent d’activités E Commerce performantes. Certains
profiteront donc des places à prendre.
La distribution
alimentaire est une clé stratégique à court terme du marché. Car aux enseignes
les plus faibles qui risquent d’être écartées rapidement du marché,
s’ajouteront celles qui en partiront d’elles mêmes. La plupart des enseignes
semblent vouloir désinvestir à leur tour ces marchés après des années
d’exercices déficitaires ou peu profitables. Incapables de disposer du service
requis en magasin et en après vente, certaines grandes enseignes alimentaires
pourraient renoncer à leurs parts de marché rapidement. Autant de chiffre
d’affaire à conquérir pour les autres enseignes. Même s’il n’est pas à exclure
que l’une d’entre elles décide de lancer une enseigne spécialisée dans
l’électronique grand public. Mais ceci ne serait viable qu’à condition de
disposer d’un business modèle de rupture et convaincant.
Si toutes les enseignes
survivantes profiteront de la disparition ou du recul de concurrents, ces
profits seront certainement inégalement répartis entre les différentes parties.
Amazon, limité par l’absence de distribution physique auprès de certains
clients, mais fort d’une activité E Commerce et d’un niveau de service de
qualité, devrait être un des grands gagnants de cette redistribution des
cartes.
Ces gains de marché lui permettront de justifier encore davantage ses
prix très compétitifs par un volume d’achat encore plus élevé et supérieur à
ses concurrents. C Discount, encore affaibli par le recul passé de son niveau
de service, Darty ou la Fnac, peinant à tenir ou à corriger leur positionnement
historique, seront probablement aussi les gagnants d’une telle redistribution
des cartes. Des acteurs clés qui n’en demeurent pas moins fragilisés
aujourd’hui. Ils pourraient aussi à termes faire les frais de la concentration
actuelle du marché.
Futures échéances pour Surcouf ?
Quelle stratégie adopter
pour « survivre » sur ce marché aujourd’hui ? Différentes
stratégies sont possibles. Les deux stratégies génériques, par volume ou par
différenciation, demeurent viables. En fait, le marché cache de nombreuses
opportunités stratégiques de croissance pour ceux qui savent les déceler et les
exécuter.
Dans ce contexte de
concurrence et de marché en mutation, ainsi que d’une consommation anémiée en
France mais aussi en Europe, la concentration actuelle du marché risque de
s’accélérer. Un phénomène qui devrait essentiellement profiter aux leaders du
marché à la stratégie la plus solide. Le scénario d’alliances stratégiques
entre petits acteurs est aussi possible, Findis l’a déjà démontré. Ces acteurs
pourraient ils être intéressés par Surcouf ?
Son volume d’activité ne
peut pas constituer non plus à lui seul un levier stratégique en termes de
marge sur achat pour un des leaders du marché. Il pourrait l’être marginalement
pour un distributeur indépendant. La marque pourrait être intéressante pour un
leader souhaitant lancer rapidement une activité discount différenciée. Son
parc immobilier est extrêmement restreint et ciblé sur Paris.
Mais il n’en est
pas moins suffisamment de qualité pour retenir l’attention. Tout dépendra du
prix d’acquisition qui devra implicitement être particulièrement réduit pour
susciter l’intérêt.