Rapports de gestion : vers un cadre juridique rénové
La loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 sur la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives modifie la prise en compte des données environnementales et sociales dans les rapports de gestion des entreprises.
Un décret du 24 avril 2012 apporte des précisions en termes d’obligations, de contrôles et de sanctions. Tour d’horizon.
Aux termes de l’article L. 225-100, alinéa 3, du Code de commerce, le rapport de gestion « […] comporte le cas échéant des indicateurs
clés de performance de nature non financière ayant trait à l’activité
spécifique de la société, notamment des informations relatives aux questions d’environnement
et de personnel ».
La
directive 2003/51/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2003 modifiant
les directives 78/660/CEE, 83/349/CEE, 86/635/CEE et 91/674/CEE du Conseil sur
les comptes annuels et les comptes consolidés de certaines catégories de sociétés,
des banques et autres établissements financiers et des entreprises d’assurance
offre aux États membres de l’Union européenne la possibilité de prévoir des
dérogations à l’obligation de divulgation des informations de nature non
financière au profit des entreprises n’atteignant pas une certaine taille.
En
vertu de cette directive, les obligations prévues à l’article L. 225-100, alinéa 3,
du code de commerce ne sont pas applicables aux sociétés non cotées ne
dépassant pas les seuils suivants :
- total du bilan ou montant net du chiffre d’affaires supérieur
à 1 milliard d’euros et nombre moyen de salariés permanents employés au
cours de l’exercice supérieur à 5 000, aux exercices ouverts après le 31 décembre
2011 ;
- total du bilan ou montant net du chiffre d’affaires supérieur
à 400 millions d’euros et nombre moyen de salariés permanents employés au
cours de l’exercice est supérieur à 2 000, aux exercices ouverts après le 31 décembre
2012 ;
- total du bilan ou montant net du chiffre d’affaires supérieur
à 100 millions d’euros et nombre moyen de salariés permanents employés au
cours de l’exercice est supérieur à 500, aux exercices ouverts après le 31 décembre
2013.
L’obligation pour les sociétés cotées d’inscrire dans le
rapport de gestion annuel du conseil d’administration ou du directoire des
informations sociales et environnementales est issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite « loi
NRE », complétée par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « loi Grenelle II ».
La loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du
droit et à l’allégement des démarches administratives, dite « loi Warsmann »
du nom du rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Warsmann, président
de la commission des lois au moment de l’adoption du texte, s’inscrit dans
cette lignée. En son article 12, cette loi vient modifier l’article
L. 225-102-1 du code de commerce en exonérant les filiales ou sociétés
contrôlées dépassant les seuils mentionnés de publier les informations requises
en matière sociale et environnementale dès lors que ces données ont été
publiées par la société-mère du groupe, de manière détaillée, pour chacune des
filiales, et que ces dernières indiquent dans leur propre rapport de gestion
comment y accéder. Le but de cette disposition est, d’une part, d’éviter les
redondances entre le rapport de gestion de la société-mère et le rapport de
gestion de ses filiales, et, d’autre part, de dispenser les sociétés concernées
de faire certifier leurs informations par un tiers indépendant, laquelle
certification occasionne ainsi un coût important pour les entreprises.
En effet, aux termes de l'article L. 225-102-1, alinéa 7, du code de commerce, « les
informations sociales et environnementales figurant ou devant figurer au regard
des obligations légales et réglementaires font l’objet d’une vérification par
un organisme tiers indépendant […]. Cette
vérification donne lieu à un avis qui est transmis à l’assemblée des
actionnaires ou des associés en même temps que le rapport du conseil d’administration
ou du directoire ». Le décret n° 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale précise que seuls pourront procéder à la vérification les
organismes ayant reçu une accréditation à cet effet par le Comité français d’accréditation
(COFRAC) ou par un organisme signataire de l’accord de reconnaissance
multilatéral établi par la coordination européenne des organismes d’accréditation.
Les informations
devant figurer dans le rapport de gestion et donnant lieu à certification par
un tiers indépendant figurent désormais à l’article R. 225-105-1 du code de commerce. Au titre des informations sociales, sont requis des éléments
relatifs à l’emploi, l’organisation du temps de travail, l’état du dialogue
social, la formation ou l’égalité de traitement entre hommes et femmes. Au
titre des données environnementales, sont requis des éléments relatifs à la politique
générale de l’entreprise en matière environnementale, la pollution et la
gestion des déchets, l’utilisation durable des ressources, la protection de la
biodiversité ou l’impact territorial, économique et social de l’activité de la
société.
Ces exigences
sont sanctionnées civilement. Ainsi, l’article L. 225-102 du code de commerce prévoit que « lorsque le
rapport annuel ne comprend pas les mentions prévues au premier alinéa, toute
personne intéressée peut demander au président du tribunal statuant en référé d’enjoindre
sous astreinte au conseil d’administration ou au directoire, selon le cas, de
communiquer ces informations ». Des sanctions pénales existent
également. Ainsi, le défaut d’établissement du rapport de gestion est sanctionné
d’une amende de 9 000 euros. Si le rapport est établi et valablement
présenté mais comporte des mentions erronées, l’article L. 465-2, alinéa 2,du code monétaire et financier réprimant la diffusion d’informations fausses ou
trompeuses pourrait s’appliquer, qui prévoit une peine de deux ans d’emprisonnement
ainsi qu’une amende de 1 500 000 euros.
Au-delà des
obligations techniques qui en découlent, le décret du 24 avril 2012 précité
s’inscrit dans le cadre du développement de la responsabilité sociale des
entreprises. Domaine émergent, lié à
la recherche d’une maîtrise du processus de mondialisation de l’économie et des
enjeux politiques et sociaux qui l’accompagnent, la responsabilité sociale des
entreprises est à la croisée de deux influences : investisseurs, d’une
part, et consommateurs, d’autre part, cherchent aujourd’hui à concilier taux de
rentabilité élevé, pouvoir d’achat maximisé et comportement économique et
social responsable.
Si la responsabilité sociale des entreprises semble relever
avant tout du volontarisme des entreprises, le droit appréhende toutefois cette
notion de manière croissante et érige en obligations des pratiques volontaires.
Le régime juridique de la responsabilité sociale des entreprises se construit.