La Federal Reserve donne un bon coup de main à Obama
Le fait que la Federal Reserve (banque centrale américaine) lance un nouveau plan de rachat de 40 milliards de dollars de dette immobilière par mois et la poursuite de ses achats d'actifs, à quelques semaines des élections présidentielles, interrogent.
La Fed sur les traces de la BCE ?
Rappelons
que La Fed a consacré 2.300 milliards de dollars (1.800 milliards d'euros) au
deux premiers plans d'assouplissement quantitatif (QE). Pourtant
les États-Unis compte 12,5 millions de chômeurs et
plusieurs millions d’Etat-suniens sont contraints de travailler à temps partiel
faute de pouvoir trouver mieux.
Le Comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed promet de
racheter de nouveaux titres adossés à des créances immobilières émis par les organismes
de refinancements hypothécaires parapublics (Fannie Mae, Freddie Mac).
La
décision de la banque centrale est liée directement à la dégradation de la
situation économique. Le communiqué de la Fed suggère que "Si les
perspectives du marché du travail ne s'améliorent pas de manière significative,
le comité continuera ses achats de prêts immobiliers titrisés (MBS),
entreprendra des achats d'actifs supplémentaires et emploiera tous les
instruments de politique monétaire appropriés jusqu'à ce qu'une telle
amélioration soit obtenue dans un contexte de stabilité des prix".
Ce nouveau programme qui va faire tourner la planche à billets se
poursuivra tant que "la perspective
du marché du travail ne s'améliore pas nettement".
La Fed justifie sa décision par la situation de l'emploi qui
"reste un motif de grande inquiétude" et le Comité craint que, sans
mesures supplémentaires, la croissance ne soit pas assez forte pour entraîner
une "amélioration soutenue" du marché du travail. Par la voix de son
président Ben Bernanke, la Fed a revu à la hausse sa prévision de croissance
pour 2013 (à 2,5-3,0%).
Si
la manipulation des taux d’intérêt directement
ou indirectement est salutaire l’injection de liquidités n’est pas sans
conséquences. La Fed ne relèvera pas ses taux
avant la mi-2015 au plus tôt, alors qu'elle évoquait jusqu'à présent
l'échéance de la fin 2014.
Le FOMC
estime que, combinés à ses opérations actuelles d'achats et de ventes de titres
sur les marchés financiers, ses nouveaux rachats d'actifs devraient
"exercer une pression à la baisse sur les taux d'intérêt à long terme,
soutenir le marché des emprunts immobiliers et contribuer à détendre dans
l'ensemble l'environnement financier".
La décision de la Fed, qui parait tardive, peut s’expliquer par les raisons suivantes :
* La Banque centrale aurait pu enclencher ce 3ème assouplissement
monétaire depuis plusieurs mois, mais il prenait le risque de voir ses
retombées négatives se manifester à quelques jours de l’élection
présidentielle,
* Ben
Bernanke, dont le candidat républicain a promis le non renouvellement de son
mandat, donne un bon coup de main à B.Obama en promettant un soutien à l’emploi
et une relance du marché immobilier. Si cette promesse n’aboutit pas par des
créations d’emplois en 2013, elle aura au moins créé l’illusion d’une
amélioration utile à la réélection du
président,
* La Fed
répond aux énormes pressions du système financier en créant de la monnaie
ex-nihilo, faisant remonter les valeurs des actifs financiers,
* Cette
opération QE3 pourrait créer des anticipations stimulant l’activité économique
et les acquisitions immobilières. En cas d’échec les effets ne se feraient
sentir qu’après les élections présidentielles,
* La dépréciation du dollar serait salutaire
pour les exportations étatsuniennes mais générerait une hausse des prix du
pétrole. On ne peut pas baisser les salaires des étatsuniens mais on peut
baisser les prix relatifs des produits made in USA,
* La Fed
serait-elle la seule à avoir les moyens d'agir face à un Congrès totalement bloqué
par l'incapacité des démocrates et des républicains à s'entendre sur les
questions budgétaires et économiques,
* La
décision de la Fed vient après celle de la BCE de rachat des obligations des
pays de la zone euro en difficulté et ne soulèvera pas de réactions de
protestation légitimes. En effet, les Etats-Unis utilise ce privilège d’avoir
une monnaie nationale jouant un rôle international pour inonder le monde de
dollars. La monnaie étatsunienne est à la fois une devise de facturation et
réserve de changes.
Le problème est qu’à force de mettre l’accent sur la rigueur
dans la gestion des finances publiques, l’Europe s’enlise dans la récession. Il
faut un dosage, quitte à rééchelonner les dettes. On oublie dans tout cela la dette colossale des États-Unis
qui a atteint 15 000 milliards de dollars. Ce pays remboursera ses
créanciers en monnaie de singe. Seule la première puissance mondiale peut se
permettre ce genre d’opération. Le dollar US est la seule monnaie nationale
jouant un rôle international.
Conscient
des limites de ces mesures, M. Bernanke a indiqué qu'elles n'étaient pas la
"panacée" aux problèmes de l'économie américaine. Il avait déjà dit
que la Fed pourrait agir sur le chômage conjoncturel mais n’avait aucune
emprise sur le chômage structurel.
Comme
lors des lancements des deux opérations Q1 et Q2, les pays émergents vont
reprocher aux États-Unis de susciter des
flux de capitaux déstabilisateurs. La crainte d’une inflation difficilement
maîtrisable à terme et des complications quant à un le retour à une politique
monétaire normale s’expriment fortement outre atlantique.
La
principale crainte est que ces liquidités ne chemineront pas vers l’économie
réelle mais vers les marchés financiers et les produits dérivés ainsi que les
matières premières. Comme on ne peut pas donner à boire à un âne qui n’a pas
soif, l’américain moyen va-t-il se lancer dans l’acquisition immobilière et la
consommation s’il n’a pas confiance en l’avenir ? Les hausses des prix du
pétrole, conséquence de cet excès de liquidité et de l’affaiblissement du
dollar, vont grever les coûts de production et affaiblir le pouvoir d’achat des
consommateurs.
Les pays
non producteurs d’hydrocarbures risquent de subir les prix des produits
pétroliers et des biens agricoles, ce qui créerait des tensions sur les budgets
nationaux et des mouvements sociaux dans les pays en voie de développement.