Le marché du luxe dans les pays émergents est en train de changer, il faut s'y adapter !
Pour être désirables, les marques de luxe ont toujours eu besoin de se placer au-dessus de la mêlée, d'affirmer leur supériorité, de dicter leurs codes. Au fond, de faire preuve d'un certain impérialisme.
C’est en conquérantes qu’elles se sont implantées dans les pays émergents, rivalisant dans la taille de leur flagship, imposant leur vision, multipliant les initiatives les plus folles. Elles ont joué à fond la carte européenne, celle de l’artisanat italien ou français, celle des matières premières issues de terroirs du vieux continent, modelées par des années de savoir-faire. Et elles ont réussi à être aimées, adorées.
Mais
souvenons-nous que le Président Mao aimait à décrire l’impérialisme comme un
tigre de papier. À l’heure où les pays
émergents sont déjà largement émergés, cette stratégie impérialiste présente aussi
le risque de l’arrogance.
Prenons
la Chine et le Brésil, ces deux nations ont en commun de cultiver depuis peu un juste
orgueil national en lien avec les retournements géopolitiques qui s’opèrent. Quand le Brésil vise un siège permanent au
Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine devient la deuxième puissance économique
du monde. Il est de plus en plus difficile pour des marques européennes de se
comporter en conquistadors.
Cependant,
il faut se souvenir que ces pays regorgent
d’histoires à raconter, le Brésil et son métissage culturel, la Chine et sa
civilisation multimillénaire.
Déjà
en Chine, une Nouvelle noblesse, formée des cadres du parti et des capitaines
d’industrie en sont à rechercher des marques domestiques, loin des clichés des
nouveaux riches. Et ce sont les
plasticiens contemporains de l’Empire du Milieu qui commencent à donner le la du marché de l’art.
Rien
d’étonnant à ce que les marques de luxe chinoises atteignent déjà 5 % du marché
domestique.
Rien
d’étonnant à ce qu’un des créateurs les plus remarqués de la dernière Fashion
Week londonienne soit Huishan Zhang, ancien élève de la très britannique Central
St Martins et qui propose une collection riches en références à l’Empire du
milieu. Rien
d’étonnant à ce qu’émergent durablement des marques chinoises telle NE Tiger,
dont le fondateur, Zheng Zhifeng affirme qu’entre 65 et 70% de sa production de
robes, de fourrures et de costumes est écoulée en Europe et aux États-Unis.
Rien
d’étonnant à ce que la Fashion Week de Sao Paulo fasse de plus en plus parler
d’elle, et que des créateurs comme Alexandre Herchovitch ou des bijoutiers
comme HStern se construisent une reconnaissance internationale. Cette marque a
déjà deux points de vente à Paris dont un corner au Printemps. Quant au
chausseur Carmen Steffens, il prévoit d’ouvrir une dizaine de boutique en
France cette année et d’investir dans l’Hexagone dix millions d’euros dans les
deux prochaines années.
Hermès
a sans aucun doute su anticiper cette évolution en lançant la marque Shang
Xia. Cantonnée au début à la Chine, il
est prévu qu’elle s’exporte à l’international et qu’elle ouvre un point de
vente… à Paris, rue de Sèvres, au cœur de Saint-Germain des Prés.
Le
sens du made in China est peut-être
en train de lentement modifier sa sémantique, et pourrait désigner demain, du
moins dans certains secteurs, un ensemble de savoir-faire, de traditions, et
d’attention aux détails luxueux.
Les marques de luxe françaises sont elles pour autant en danger ? Heureusement non… une étude menée en février 2013 par BBDO sur le « made in France » confirme que les marques françaises gardent une aura unique. Une Chinoise nous a dit : « c’est comme si chaque produit était conçu par de vraies personnes qui ont mis un peu de leur âme dans sa réalisation. » Une Malaisienne nous le confirme : « un produit d’une marque française apporte une expérience unique de par l’effort qui est mis dans la multitude des détails.» Mais les marques de luxe françaises doivent changer leur code de conduite. Elles ont tout à gagner à regarder, mieux comprendre ces nouveaux consommateurs, fiers et en plein essor et sans doute à inventer des collaborations. Et même, à se métisser pour faire progresser leur propre culture, la nôtre.