Loi Macron : le secret des affaires pour répondre à la guerre économique

Le secret des affaires va-t-il enfin devenir une réalité en France ? Espérons-le. Des amendements sont sur le point d’être votés dans le cadre de la loi Macron : ils ont pour but de créer la notion de protection du secret des affaires.

On passerait ainsi dans une nouvelle ère concernant la question des malveillances pesant sur les entreprises (sans mettre en péril la liberté d’information ni favoriser aucune opacité coupable dans le monde des affaires).

Nos entreprises subissent en permanence des offensives visant à capter leurs informations stratégiques

Espionnage industriel, cyberattaques de captation de données, recrutement hostile, instrumentalisation de procédures judiciaires : les moyens sont multiples, dans la guerre économique contemporaine, pour tenter de dérober le capital immatériel des firmes, que l’assaillant soit un concurrent, un service de renseignement d’un Etat étranger, une organisation criminelle.
Face à ce danger quotidien, les dirigeants et collaborateurs des entreprises s’avèrent encore régulièrement démunis. La prise de conscience reste insuffisante, et les réponses opérationnelles encore à renforcer.
Toutes les entreprises doivent s’adapter à cette évolution, sachant que leur culture n’est pas spontanément portée à anticiper ces menaces complexes pesant sur l’innovation et les secrets d’affaires. Et aucune n’est à l’abri.
Là comme dans toutes les autres fonctions de l’entreprise, il s’agit d’anticiper et de prévenir les crises. La sûreté n’a rien d’une pratique castratrice gênant l’entreprise dans sa fonction première ! Elle permet tout au contraire de créer de la richesse et de valoriser des compétences.

Pas d’innovation sans protection du savoir !

Une réflexion de cette nature vise une approche dynamique de la sûreté qui évite le piège de la citadelle. En effet, on ne peut ici qu’acquiescer au raisonnement qui souligne l’inadaptation des modèles simplistes de surveillance et de vigilance visant à sécuriser des personnes, des informations, des biens et des installations.
Dans un système de production de biens et de services de plus en plus immatériels et sophistiqués, la matière première est l’information stratégique, la connaissance de son environnement compétitif, des acteurs et des marchés. Or, la richesse provient certes de la circulation des savoirs et des savoir-faire mais également de leur protection, c’est-à-dire de leur partage sélectif, segmenté, organisé et sécurisé. Ce qui fait la valeur ultime d’une entreprise doit demeurer inconnu pour ses concurrents avérés ou potentiels. Le risque est ainsi le pendant exact de l’opportunité. S’il ne faut pas se « bunkeriser », il est en revanche urgent de perdre toute naïveté face aux conséquences de l’hyperconcurrence mondiale.
Cette dernière incitent les acteurs économiques à tenter de capter toute connaissance qui leur permettra de prendre un avantage décisif, quitte à employer une large gamme de moyens pour y parvenir…

La sécurité de l’information stratégique se conçoit comme le pendant ou le complément nécessaire de l’innovation

Si une entreprise détient un capital informationnel lui permettant d’acquérir une position dominante sur un marché, il paraît clair qu’il est impératif de tenter d’en interdire l’accès à ses concurrents, à moins de souhaiter sa propre disparition.
On ne voit pas ici se poser de problème de principe. Ce sont en revanche les modalités opérationnelles ou le périmètre de sécurisation de l’information dite sensible qui peuvent légitimement prêter à discussion. A tout instant, il faut en effet s’interroger sur la pertinence du secret. Que faut-il protéger et que doit-on laisser circuler comme type d’informations, de données et de connaissances ? En la matière, il n’y a pas de réponses toutes faites. Seule la concertation entre les experts au sein même de l’entreprise, entre les différents acteurs de la création de valeur (par exemple les groupes, les PME-PMI et les centres de recherche et universités sur un pôle de compétitivité), entre l’Etat et les sociétés dans le domaine des technologies de souveraineté, permet au cas par cas d’arbitrer en faveur de la rétention de l’information ou de sa diffusion plus ou moins large et réglementée.
En tout état de cause, il convient d’affirmer la légitimité du secret des affaires. Les amendements intégrés au projet de loi Macron permettent de franchir une étape décisive : il s’agit maintenant simplement de transformer l’essai.