Les fintech représentent-elles une menace pour les banques ?

L'essor récent des fintech est en train de bouleverser les perspectives d'avenir des banques et des assureurs.

Depuis deux ans, on constate dans le monde un essor exponentiel du nombre de fintech, ces start-up qui utilisent les dernières innovations technologiques comme levier pour proposer des services bancaires innovants aux particuliers et, désormais, de plus en plus aux entreprises.

Comment expliquer l’essor des fintech ?

Entre 2014 et 2015, leur nombre a augmenté de 30% et on en compte aujourd’hui plus de 1300 dans le monde.

Plusieurs raisons expliquent cet essor. Tout remonte à la crise financière débutée en 2008. Outre les conséquences sur l’économie mondiale et les effets dévastateurs pour l’image des banques, elle a aussi conduit l’industrie bancaire à réduire massivement ses effectifs et, de ce fait, elle a libéré de nombreux professionnels de la finance avides de changer le système et d’inventer de nouvelles façons de "faire de la banque". Au même moment, des innovations technologiques majeures ont commencé à émerger  et à se démocratiser (le big data, le cloud computing, l’authentification biométrique …) ; les particuliers ont adopté très rapidement des nouveaux équipements (le smartphone, la tablette) et ont pu avoir accès facile à internet (essor de la 4G, déploiement du wifi dans les lieux publics..). C’est donc la conjonction de tous ces facteurs qui a permis l’émergence des fintech. D’autres facteurs complémentaires ont également favorisé leur développement: la bienveillance des États, soucieux d’introduire de la concurrence dans un secteur très concentré ce qui s’est traduit notamment par des réglementations favorables aux fintech (Directive européenne sur les services de paiement DSP2, loi sur le financement participatif en France en 2014…) et d’autres réglementations défavorables aux banques (contraintes plus lourdes de solvabilité ou de liquidité par exemple), des clients déçus par leurs banques et réceptifs à de nouveaux modèles et de nouveaux usages (en particulier les jeunes générations, les fameux "digital natives"), des fonds d’investissement disposant d’importantes liquidités à investir, les poids lourds de la nouvelle économie (les GAFA) et, désormais, les opérateurs télécoms, annonçant leurs velléités d’aller sur ce terrain...

Les fintech sont-elles des alliées ou des menaces pour les banques ?

Quelques études prospectives annoncent que les fintech pourraient capter jusqu’à 40% des revenus des banques d’ici quelques années. Au premier abord, les banques pourraient effectivement s’inquiéter. Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de résilience des banques, de vénérables institutions, qui ont déjà traversé bien des crises et qui disposent encore, malgré la crise de 2008, d’une valeur majeure auprès des clients : un capital confiance élevé. On commence d’ailleurs à parler de "bulle" autour des fintech avec l’arrivée des premiers nuages dans le ciel (départ du fondateur de Lending Club, baisse de 23% au premier trimestre des levées de fonds pour les fintech non cotées…) et tout le monde pressent un prochain mouvement de consolidation (en particulier dans le secteur du financement participatif).

Au final, les fintech constituent surtout un formidable aiguillon pour inciter les banques à bouger, à faire preuve d’audace (ce qui n’est pas toujours dans l’ADN du banquier) et à innover !

Comment réagissent-elles face à cette nouvelle concurrence ?

Les banques n’ont jamais autant investi dans leur transformation digitale, regardant de près les nouveaux services offerts par les fintech et essayant autant que possible de s’en inspirer, tout en respectant leurs spécificités (en particulier, leur réseau d’agences et leurs bataillons de conseillers clientèle). On constate d’ailleurs une inflexion dans leurs investissements dans le digital : ces dernières années, elles ont beaucoup investi sur la partie "visible" du digital, mais sans transformation majeure des modèles bancaires (rénovation des sites internet, lancement d’applications à l’ergonomie repensée sur smartphones et tablettes, déploiement de tablettes pour les conseillers en agence, avec des usages limités à des simulations ou comme support à la signature électronique, amélioration de l’expérience utilisateur cross-canal, écoute des réseaux sociaux et mise en place de "community managers"…). Mais elles se rendent compte désormais qu’elles doivent aller beaucoup plus en profondeur dans leur transformation digitale pour proposer des services aussi innovants que les fintech ou les nouvelles banques directes : tenue de compte en temps réel, notifications généralisées, paiements instantanés, digitalisation des actes de gestion de bout en bout et, si possible sans rupture (dans le cadre d’une entrée en relation par exemple ou au moment d’un changement de banque), services de gestion de budget et d’agrégation de comptes…

Souvent, ces ambitions s’appuient sur des partenariats mis en place entre banques et fintech (HSBC a annoncé un partenariat avec Linxo, pour utiliser son système d’agrégation de comptes bancaires en marque blanche). Parfois, les banques essaient de rivaliser avec les fintech en s’unissant, notamment dans les paiements (service Paylib, initiative SEPAmail…). Les banques essaient par ailleurs de favoriser l’émergence de start-up "maison", via des incubateurs (comme le CA Village, qui essaime actuellement en régions ou "We Are Innovation" de BNP Paribas) où en achètent certaines pour les inclure dans leur écosystème ou les aider à se développer (comme Leetchi.com racheté récemment par Arkea Crédit Mutuel ou de LePotCommun.fr, racheté par BPCE).

Le monde de l’assurance est-il sur le point de vivre un mouvement similaire ?

Le phénomène des start-up de l’assurance ou "assurtech" est pour l’instant un peu moins en effervescence que le marché des fintech. On voit apparaître quelques start-up indépendantes (Withings, ZenWeShare, Inspeer), mais les initiatives les plus innovantes sont surtout prises par les assureurs eux-mêmes (AXA est notamment un acteur très actif avec le lancement de l’incubateur Kamet, il y a quelques mois). Pourtant, il existe un domaine potentiellement très favorable pour l’émergence de modèles d’assurance disruptifs : l’Internet des Objets, dont les applications dans le domaine de l’assurance (santé, habitation, automobile) semblent très prometteuses.

Toutes les données chiffrées sont issues de l’étude sur l’essor des FinTech réalisée par CGI en septembre 2015.