Comment l'Estonie booste son économie grâce à la blockchain

Comment l'Estonie booste son économie grâce à la blockchain Laboratoire de la blockchain dans le monde, le pays utilise cette technologie pour attirer les capitaux en facilitant l’implantation des entreprises étrangères sur son territoire.

Faire valoir devant le tribunal un contrat commercial noué sur la blockchain ne relève plus de la science-fiction. En octobre dernier, l'Estonie a annoncé un partenariat entre son programme "e-residency" -qui permet aux non-résidents d'acquérir une nationalité numérique et de devenir e-résident estonien- et Bitnation, plateforme collaborative ayant lancé une nation virtuelle basée sur la blockchain. Désormais, les internautes peuvent utiliser les services de notariat (baptisés "Public Notary") de Bitnation pour signer des contrats de mariage, des certificats de naissance ou des contrats commerciaux en s'authentifiant grâce à leur identité d'e-résident.

"Les services de la blockchain n'ont une vraie valeur que si l'identité des auteurs qui ont inscrit quelque chose sur les maillons est authentifiée, explique Kaspar Korjus, directeur du programme e-Residency. E-Residency ajoute cette possibilité : on sait que les personnes ayant souscrit à un contrat sur la blockchain sur Bitnation sont bien ceux qu'ils prétendent être car pour accorder l'e-résidence, l'Estonie vérifie l'identité et fait une vérification des antécédents".

Les contrats commerciaux sont juridiquement contraignants dans l'UE

Et si le mariage ou le certificat de naissance ne sont pas encore reconnus officiellement par l'Etat Estonien pour des contraintes juridiques mais seulement dans la "juridiction blockchain", les contrats commerciaux sont quant à eux contraignants dans toute l'Union européenne puisque les e-résidents sont aussi résidents européens. "Ce service de notariat peut être utilisé au tribunal en tant que preuve. Les tribunaux considèrent déjà comme juridiquement contraignants des contrats dont la technologie est bien moins sécurisée que la blockchain, comme des mails ou même des accords verbaux", assurait Susanne Tarkowski Tempelhof, fondatrice de Bitnation, lors de l'annonce du partenariat.

Attirer les capitaux étrangers

La e-résidence estonienne, créée en décembre 2014, est un programme destiné à offrir à tous les citoyens du monde la possibilité de devenir e-résident estonien et de bénéficier de services dématérialisés en ligne : signature numérique, opérations bancaires, relation avec les administrations… Objectif : attirer les investissements étrangers dans le pays en permettant d'ouvrir un compte en banque, de créer une entreprise en quelques clics et de la gérer en ligne depuis l'étranger.

"Cela permet par exemple aux personnes qui ne sont pas des citoyens européens de créer une entreprise facilement en Europe et d'accepter les paiements dans toutes les devises, de faire leurs déclarations en ligne sans se déplacer…", explique Kaspar Korjus.

"La volonté derrière e-Residency, c'est d'attirer des entreprises qui paieront leurs impôts en Estonie", décrypte Alexandre Stachtchenko, cofondateur de Blockchain France.

Le deuxième volet du programme e-Residency est une API ouverte qui permet à d'autres services de mettre en place une authentification pour leurs utilisateurs internationaux, qui ont été vérifiés par les autorités estoniennes et sont passés par une vérification d'antécédents. C'est comme ça que l'Estonie peut permettre à ces citoyens de voter, payer leurs impôts en ligne et signer des contrats en toute sécurité… Et c'est ce que propose désormais Bitnation. En choisissant de s'authentifier via leur identité d'e-résidents, les utilisateurs de Bitnation qui le souhaitent pallient l'anonymat de la blockchain.

"Bitnation est l'une des applications disponibles avec l'API e-Residency, tout comme le Nasdaq, par exemple, qui utilise l'authentification via le login e-residency pour identifier les actionnaires et proposera bientôt de gérer ses actions en temps réel, de voter ou d'organiser les réunions par ce biais…", explique Jaspar Korjus. Le Nasdaq teste d'ailleurs également l'utilisation de la blockchain pour sécuriser davantage ces opérations.

"Le programme e-Residency essaie de poser de plus en plus de briques dans divers domaines pour tester, par itération, ce qui est faisable ou non", décrypte Alexandre Stachtchenko, de blockchain France.

Objectif : 10 millions d'e-résidents en 2025

Le partenariat avec Bitnation est en fait révélateur de la stratégie adoptée par l'Estonie pour développer son programme d'e-résidence. "C'est un système vertueux, analyse Kaspar Korjus. Plus l'Estonie propose d'applications pour son e-Residency, plus elle fait monter les inscriptions et élargit son programme. Or, le but ultime est de booster les investissements et la croissance économique du pays. Nous travaillons donc constamment avec le secteur privé pour ajouter de nouveaux services et améliorer ceux qui existent déjà."

Objectif affiché : 10 millions d'e-résidents en 2025. Aujourd'hui, ils sont 9 200 - contre 5 440 en octobre 2015, date du début de partenariat avec Bitnation. "Plus de 500 sociétés ont été créées par des e-résidents depuis le lancement du programme, assure son directeur, surtout par des Finlandais qui ont déjà des relations commerciales fortes avec l'Estonie." La "blockchainisation" de l'économie estonienne est en marche.

Top 20 des nationalités les plus représentées parmi les e-résidents
Rang Pays d'origine Nombre d'e-résidents Pourcentage
1 Finlande 1,964 19.93%
2 Russie 883 8.96%
3 Etats-Unis 629 6.38%
4 Ukraine 555 5.63%
5 Italie 527 5.35%
6 Allemagne 445 4.52%
7 Royaume-Uni 370 3.76%
8 Lettonie 324 3.29%
9 Inde 306 3.11%
10 Pays-Bas 297 3.01%
11 France 257 2.61%
12 Suède 246 2.50%
13 Lituanie 193 1.96%
14 Japon 160 1.62%
15 Biélorussie 152 1.54%
16 Chine 148 1.50%
17 Grèce 137 1.39%
18 Hongrie 129 1.31%
19 Pologne 122 1.24%
20 Canada 117 1.19%

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