Ce qu'attendent les start-up du législateur concernant la blockchain

Ce qu'attendent les start-up du législateur concernant la blockchain Depuis un an, l'Etat français multiplie les discussions avec les start-up françaises du secteur. Les idées ne manquent pas pour combler le vide juridique autour de cette technologie.

Début avril, le ministère de l'Economie et des Finances a ouvert une consultation publique visant à permettre le transfert de titres financiers ou l'enregistrement de transactions à travers la blockchain. Cette consultation fait suite à la publication de l'ordonnance du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse qui définit pour la première fois la blockchain dans le cadre de la création des titres émis par une entreprise en contrepartie d'un prêt accordé sur une plateforme de crowdfunding. Depuis un mois, les fintech et associations concernées planchent sur les 20 questions posées par la direction générale du Trésor dans le but de moderniser la législation. Objectif : aboutir à un texte le 6 décembre prochain.

Eviter les contraintes

Les fintech qui opèrent dans le domaine veulent avant tout éviter de subir une législation trop contraignante. "Cela ne serait pas bénéfique à l'émergence d'un écosystème en France. En plus, nous sommes plutôt en avance sur certains cas d'usage de la blockchain", souligne Clément Francomme, CEO d'Utocat, qui édite Blockchainiz, une plateforme pour accélérer la conception de prototypes. "Il faut mettre certains cadres en place notamment sur la cryptographie mais attention à ne pas trop réglementer car cela freinerait l'innovation", abonde Laurent Leloup, cofondateur de l'association France Blocktech, qui rassemble une cinquantaine de membres.

Rapprocher start-up et juristes

Plusieurs jeunes pousses militent pour la création de guichets chez les régulateurs. Ce point d'entrée leur permettrait notamment d'être mieux informées des réglementations en vigueur. L'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ont toutes deux installé l'an dernier un pôle dédié aux start-up de la finance. "Il faut répliquer ce modèle partout car quand on commence un business dans la blockchain, on se pose toujours des questions particulières. En plus, les fondateurs ont souvent des profils techniques et ne sont donc pas habitués aux questions réglementaires", argumente Antoine Yeretzian, cofondateur de Blockchain France, une société qui conseille et accompagne les entreprises dans l'implantation de cette technologie. Il souhaite également que ces guichets publient des référentiels de décisions de justice.

Définir l'actif numérique

A ce jour, aucun code juridique ne qualifie juridiquement un actif numérique, c'est-à-dire les éléments transmis par la blockchain. Or, si l'actif est considéré comme une monnaie, alors toute la réglementation du code monétaire et financier applicable au transfert de monnaie va s'appliquer. Si c'est un titre financier, alors c'est une autre réglementation… "Nous devons être fixés le plus tôt possible car sinon, un jour, tout va nous tomber dessus et nous ne serons pas en phase avec la réglementation", s'alarme Antoine Yeretzian.

Reconnaître le bitcoin

Aujourd'hui, le bitcoin n'a pas de statut juridique et s'est retrouvé par défaut un "bien meuble".

L'exemple le plus parlant est celui du bitcoin, cette crypto monnaie qui repose sur la blockchain. Aujourd'hui, le bitcoin n'a pas de statut juridique et s'est retrouvé par défaut un "bien meuble". Les définitions de monnaie ou de titre financier ne collaient pas avec celle du bitcoin, qui permet de régler des achats sans passer par une banque et sans devoir communiquer les coordonnées de carte bancaire. "D'un point de vue financier, le bitcoin ressemble beaucoup à l'or. Il y a un cours sur le marché international qui varie en fonction de l'offre et la demande", explique Manuel Valente, directeur général de La Maison du bitcoin. "Mais quand vous faîtes des transactions en bitcoin et que vous faites des plus-values, vous devez les déclarez aux impôts. C'est une forme de reconnaissance", ajoute-t-il. Depuis début 2017, La Maison du bitcoin est affiliée à certaines règles de Tracfin, la cellule anti-blanchiment de Bercy. Si elle remarque des transferts importants ou des comportements étranges de ses clients, elle doit désormais le signaler à l'organisme.

Identifier l'émetteur des opérations

Dans le monde du bitcoin, n'importe qui a accès au registre, peut envoyer des transactions et s'attendre à ce qu'elles soient incluses dans le registre, du moins tant que ces transactions respectent les règles de cette blockchain. Mais il est impossible de faire le lien entre une personne et l'opération. Certaines fintech voudraient créer une valeur légale à une identité blockchain pour que les acteurs soient identifiés. "Quand vous allez refaire un passeport, on vous le remet toujours en format papier. Si on vous le remettait aussi en format numérique dans un portefeuille blockchain, ça serait encore mieux. Et votre identité légale serait portée par la blockchain", illustre Clément Bergé-Lefranc, cofondateur de Ledgys, fournisseur d'infrastructures blockchain. Il propose aussi de donner une valeur légale aux certifications. "Par exemple, pour l'assurance auto, vous avez besoin de la carte verte. Si elle était portée sur la blockchain, on verrait facilement si c'est une vraie carte verte, cela faciliterait le travail de la police", poursuit-il. Comme Ledgys, les fintech ont jusqu'au 19 mai pour faire part de leurs recommandations à la direction générale du Trésor.