Des cryptomonnaies pour les banques centrales ?

Des cryptomonnaies pour les banques centrales ? La Banque des règlements internationaux suggère aux banques centrales de développer leurs propres cryptomonnaies, qui pourraient être utilisées pour les paiements retail ou wholesale.

Si la Chine a décidé il y a quelques semaines d'interdire les levées de fonds en token (ICO), inquiète de ne pouvoir contrôler ce marché virtuel dont la capitalisation atteindrait plus de 100 milliards de dollars, la Banque des règlements préconise aux banques centrales d'adopter une autre attitude. Dans son rapport trimestriel, la BRI consacre ainsi toute une étude à ces nouvelles monnaies et étudie la question pour les banques centrales "de posséder" leurs propres cryptomonnaies. "En moins de dix ans, le bitcoin est passé d'une obscure curiosité à un instrument bien connu du grand public. Dans le même temps, sa valeur est passée de quelques centimes de dollars par jeton à plus de 4.000 dollars", entame ainsi Morton Bech, l'un des auteurs de l'étude. Et des centaines d'autres devises virtuelles semblables au bitcoin ont émergé.

Deux types de cryptomonnaies émises par les banques centrales pourraient être envisagées

Si, selon la BRI, il est peu probables que ces monnaies virtuelles remplacent un jours les devises traditionnelles, il est cependant
essentiel que les banques centrales, garantes de l'impression et de la circulation des monnaies, étudient la possibilité d'émettre leur propre cryptomonnaie. Mais à quoi correspondrait une cryptomonnaie émise par une banque centrale (CBCCs central bank cryptocurrencies) ? Selon la BRI, quatre propriétés principales permettent de définir une monnaie : qui est l'émetteur, quelle forme prend cette devise (physique ou virtuelle), quel est son accès (universel ou limité) et quel est le mode de transfert (centralisé ou décentralisé). Selon cette classification, une CBCC correspondrait à une devise virtuelle émise par une banque centrale, mais qui pourrait être échangée de façon décentralisée c'est-à-dire en peer to peer, entre le payeur et l'acheteur sans intermédiaire central. Les cryptomonnaies utilisent en effet la technologie DLT (Distributed Ledger Technology) sur laquelle est fondée la blockchain et qui permet de garantir des échanges entre deux parties sans passer par une infrastructure centrale de confiance. Deux types de cryptomonnaies émises par les banques centrales pourraient ensuite être envisagées : celle à usage du grand public, qui permettrait au consommateur de procéder à des paiements de détail. Et une devise à usage restreint réservée aux ventes en gros.
L'avantage d'une cryptomonnaie propre à la banque centrale pour le consommateur est qu'elle offrira à ce dernier une forme
d'anonymat, de même que le cash le permet. Si l'anonymat n'est pas le but recherché, alors il suffirait pour les banques centrales de permettre aux particuliers d'avoir un compte auprès d'elles, ce qui est déjà faisable techniquement mais n'a jamais été mis en oeuvre, estime la BRI. Les paiements de gros ne permettent pas actuellement aux acheteurs et vendeurs de rester anonymes. De ce point de vue, les banques centrales n'ont pas encore mis au point de système qui permettrait des paiements de gros en cryptomonnaies, estime la BRI.
L'établissement financier cite ensuite le cas de la Suède, très avancée en matière de digitalisation des paiements. Ainsi fin 2016, plus de 5 millions de suédois (soit plus de 50% de la population) utilisaient l'application Swish leur permettant de transférer de l'argent de leur banque directement et sans délai. Depuis, la demande de cash est en baisse très rapide et certains magasins n'acceptent déjà plus d'argent liquide. Ce qui a incité la banque centrale du pays à s'interroger sur les risques liés à la disparition du cash : en cas de crise, même s'il n'est pas utilisé tous les jours, il reste une bonne option de back-up. Du coup, la Riskbank est en train de développer un projet de monnaie virtuelle émise par elle, le eKrona qui permettrait de fournir au grand public une devise digitale issue de la banque centrale. Ce projet devrait aboutir fin 2019 et sera un premier élément de réponse sur le positionnement des banques centrales par rapport aux cryptomonnaies, estime la BRI.

Le cash est la seule façon pour un particulier de posséder de l'argent venu de la banque centrale

"Pour le moment, le cash est la seule façon pour un particulier de posséder de l'argent venu de la banque centrale. S'il souhaite "digitaliser" cette argent, il doit passer par une banque de détail pour le déposer sur un compte et en jouir ensuite de façon digitale", concluent les auteurs de l'étude. Selon eux, une CBCC permettrait au consommateur de détenir une devise issue de la banque centrale de façon virtuelle. L'exemple de la Suède montre que les institutions financières d'Etat vont rapidement devoir se positionner sur le sujet pour proposer une réponse adaptée au changement de mode de paiement et de consommation et éviter qu'elles loupent la révolution des cryptomonnaies. En France, les autorités financières sont d'ailleurs en train d'étudier le sujet et notamment la question du financement par les ICO : l'AMF a engagé une réflexion sur la meilleure façon d'encadrer ce mode de financement alternatif. Pour l'instant, elle appelle à la vigilance, le temps que des cadres aient été mis en place.

Article originel publié sur WanSquare par Marie-Amélie Fauchier-Magnan le 19/09/2017.

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