Scott Walchek (Trov) "Nous assurerons de nouveaux types de risques en 2018"

La start-up qui propose une assurance à la demande s'apprête à se lancer aux Etats-Unis, un an et demi après son implantation au Royaume-Uni et en Australie.

JDN. Pour ceux qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous résumer ce que propose Trov ?

Scott Walchek, CEO de Trov © Trov

Scott Walchek. Nous proposons une assurance à la demande pour des micro-durées. Nous assurons des produits électroniques comme les ordinateurs portables, les smartphones, les tablettes, les wearables ou encore les appareils photo. Pour activer l'assurance dans l'application, il suffit de glisser le curseur sur l'objet en question, et faire de même pour l'éteindre. Ainsi, le consommateur paie seulement pour ce qu'il utilise. Il a un contrôle total sur son assurance. En fait, nous changeons complètement la façon traditionnelle de protéger des objets. En général, les gens protègent des produits dont ils se fichent un peu et pour une durée dont ils n'ont pas besoin. Par exemple, vous protégez vos skis et vos vélos toute l'année… Mais pourquoi avez-vous besoin de faire ça alors qu'il est plus logique de les protéger seulement pendant la période où vous les utilisez ?

Vous deviez sortir Trov aux Etats-Unis fin 2017 mais avez finalement repoussé le lancement au deuxième trimestre 2018. Pourquoi ?  

Bien que Trov est une entreprise américaine, nous avons retardé ce lancement parce que nous voulions que le service soit disponible dans les 50 Etats américains en même temps. Aux Etats-Unis, un assureur doit demander un agrément dans chaque Etat car chacun a son propre régulateur. En fait, c'est comme aller dans 50 pays différents. En plus, ce n'est pas facile pour une petite entreprise innovante de convaincre un régulateur qui existe depuis 30 ou 40 ans que notre produit est solide et pertinent pour le consommateur. Aujourd'hui, nous avons des accords dans 38 Etats et nous sommes confiants que les 12 autres, ou du moins la grande majorité, donneront leur accord d'ici le deuxième trimestre.

C'est donc pour cette raison que vous avez d'abord lancé Trov au Royaume-Uni et en Australie en 2016…

Oui, ces deux pays ont seulement un régulateur, c'est donc moins laborieux. Mais cela ne veut pas dire que c'était facile ! Ils étaient bien sûr exigeants. Nous avons finalement opté pour des agréments plus légers dans ces deux pays (des statuts de courtier, ndlr) car on ne savait pas encore quel contrôle on voulait avoir sur les processus de ventes et les contrats. Au Royaume-Uni, nous nous sommes associés à Axa et en Australie à Suncorp. Aux Etats-Unis, nous sommes un "managing general agent" (une entité qui gère tout ou une partie du business d'un assureur, ndlr), un agrément plus élevé que courtier. Pour cela, nous nous sommes associés à Munich Re.

Quel bilan tirez-vous de vos premiers mois au Royaume-Uni et en Australie ?

Nos utilisateurs adorent Trov. Notre NPS (net promoter score, un indicateur de satisfaction client, ndlr) dépasse les 70 (il est en majorité négatif chez les assureurs traditionnels, ndlr). Mais ils nous détestent aussi car on ne protège pas assez d'objets. Ajouter de nouvelles catégories n'est pas si simple. Il faut intégrer les métadonnées de tous les objets. Quand vous ajoutez un ordinateur portable, nous savons exactement de quel modèle il s'agit. Nous pouvons alors fixer le prix exact et vous verser l'indemnisation adéquate. Nous gardons les traces de la valeur de remplacement dans votre Trov, qui est un peu votre entrepôt digital. Vous savez toujours quand vous avez acheté votre ordinateur, combien et ce qu'il vaut aujourd'hui.

Il suffit de glisser le doigt sur l'objet pour le protéger. © Trov

Combien de clients avez-vous ?

Nous ne communiquons pas sur le nombre de clients car ce n'est pas une métrique qui s'applique à notre activité. Les assureurs traditionnels traquent le nombre de polices d'assurance mais ça n'a pas de sens pour nous car un utilisateur peut éteindre la protection d'un objet en une seconde. Nous traquons ce qu'on appelle un "jour protégé", c'est-à-dire un consommateur qui protège un objet pendant une journée ou une fraction de journée. Nous ne donnons pas ce chiffre non plus car nous pensons qu'il pourrait être mal interprété. Je peux seulement vous dire qu'il connait une croissance à deux chiffres mois après mois.

Avez-vous prévu de vous lancer dans d'autres pays européens ?

C'est dans notre roadmap. Grâce à notre levée de fonds de 45 millions de dollars en 2017 et notre récent partenariat global avec le réassureur Munich Re, nous avons les moyens de nous étendre rapidement. Ce partenariat signifie que Munich Re est devenu notre bilan comptable dans le monde. Comme nous ne sommes pas les assureurs, nous ne prenons pas les risques liés au bilan, c'est notre partenaire qui les prend. Avec Munich Re, on a donc déjà un bilan en Allemagne, en France et dans les pays européens où il est présent.

La France est-elle un marché intéressant pour Trov ?

Oui car elle fait partie du top 10 des pays qui ont massivement adopté les technologies mobiles. Elle est aussi dans le top 8 des marchés les plus lucratifs dans l'assurance. Nous n'avons pas prévu d'y aller rapidement mais nous y réfléchissons.

Pourquoi avez-vous décidé de vous associer à Waymo, la filiale de voitures autonomes de Google ?

C'est une extension de ce que nous faisons déjà. Le but de Trov est de protéger des objets de façon éphémère en un simple geste : glisser son doigt sur un écran. Pourquoi ne pas faire le même geste au sein d'une machine, en particulier d'une voiture ? Un trajet est marqué par un début et une fin. Et les passagers sont soumis à des risques éphémères. La seule difficulté est que cette fois ce n'est pas l'humain qui fera glisser son doigt sur l'écran mais la voiture elle-même qui décidera quel type de couverture souscrire.

Avez-vous prévu d'autres partenariats dans la voiture autonome ?

Nous pensons que nous pouvons construire un standard dans le monde du transport autonome et de la mobilité personnelle. Grâce à ce partenariat avec Waymo, nous avons beaucoup investi dans une plateforme technologique qui permettra de réaliser de nouveaux partenariats. D'ailleurs, nous avons divisé l'entreprise. Nous avons désormais deux business units : Trov Mobility, qui englobe tout le travail dans les véhicules autonomes, et la partie grand public. Nous commençons également à  assurer des produits en marque blanche. Une grosse annonce sera faite courant 2018.

Vous discutez avec d'autres constructeurs ?

Bien sûr, mais je ne peux pas encore vous dire avec qui.

Êtes-vous rentable ?

Non. Notre objectif maintenant est d'utiliser le capital qu'on a pour profiter de notre avance et nous lancer dans des marchés aussi vite que possible.

Quels sont vos objectifs pour 2018 ?

Nous allons proposer de nouvelles catégories de produits au deuxième trimestre 2018. Nous allons inclure la mode, les instruments de musique, les articles de sport et nous ajouterons de nouveaux produits à la catégorie photographie. Nous assurerons d'autres types de risques dont je ne peux pas encore parler. Nous allons également faire évoluer notre technologie de pricing. Quand la valeur de votre objet baissera d'un mois à l'autre, votre prime baissera aussi. Si vous avez acheté un iPhone 8, sa valeur baissera à chaque fois qu'un nouvel iPhone sortira. Et la prime s'ajustera dans la foulée. L'année 2018 sera aussi celle du lancement au Canada et au Japon. Nous allons également recruter 15 personnes, la moitié des ingénieurs et l'autre des opérations.